Clémence Desrochers : On connaît la chanson
Musique

Clémence Desrochers : On connaît la chanson

Elle se veut discrète, mais elle est partout. Elle se veut simple, mais elle est plurielle. La comédienne, monologuiste, poétesse et chanteuse CLÉMENCE DESROCHERS se fait oiseau de passage le temps de quelques chansons et monologues.

Clémence Desrochers

n’a jamais été aussi active que depuis qu’elle s’est retirée à l’ombre d’Orford, dans sa petite cambuse donnant sur le lac Memphrémagog: pendant qu’elle expose ses toiles à Montréal, elle préside, de jour, le Salon du livre de Québec, où elle présente sa récente parution Les Animaux de mon rang et offre, de soir, le meilleur de ses monologues et chansons aux Oiseaux de passage. Autant de manifestations qui lui permettent de garder contact avec le public qu’elle chérit; ce public qu’elle a maintes fois tenté de quitter au cours des années 80, cumulant les spectacles d’adieux, sans se résigner à une véritable retraite.

"C’est très fort, l’émotion que l’on ressent en faisant rire, en touchant, et je m’apercevais que lorsque j’arrêtais, j’avais bien de la misère à remplacer ça, confie-t-elle. Je n’ai jamais trouvé d’équivalent à la scène, comme force de vie. Quand on a eu un métier public, c’est presque un besoin. Si je n’avais pas eu tant besoin des autres, je ne l’aurais pas fait. Il y a probablement un petit côté déséquilibré là-dedans, mais qui est quand même très fort: se sentir aimé."

L’ouvre-boîte
Depuis le milieu des années 1990, celle que Jacques Normand a sacrée "première femme chansonnier au Canada" ne remonte plus sur les planches qu’à titre exceptionnel. Son séjour aux Oiseaux de passage, la boîte à chansons de Pierre Jobin en pleine campagne de financement, fait partie des exceptions. "J’ai accepté parce que je suis la boîte à chansons moi-même, j’en ai ouvert plein tout au long de ma carrière, on m’a d’ailleurs longtemps appelée l’ouvre-boîte! raconte-t-elle. Et je trouve ça important qu’il y ait de petites boîtes comme ça au Québec."

C’est dans ces lieux souvent exigus et inconfortables, baptisés par d’aucuns "niques à feux", que Clémence Desrochers a étrenné ses monologues et ses chansons. C’est là aussi qu’elle a donné naissance à quelques-unes des revues les plus mémorables comme Les Girls (1969), qui sera repris au Théâtre du Rideau vert la saison prochaine, ou encore à la comédie musicale Le Vol rose du flamant (1964). "Il y en avait tellement partout que l’on pouvait partir et travailler toutes les fins de semaine et ça nous faisait apprendre notre métier, se rappelle-t-elle. Je pense à ceux qui débutent et qui n’ont pas d’endroit où aller présenter leur matériel et je trouve ça terrible. C’est pourquoi j’ai écrit un texte où je dis qu’on est des oiseaux de passage et on a besoin de faire entendre son chant pour survivre. La foi des débuts, c’est très fort: on est prêt à tout pour se faire entendre et pour être là."

Elle se produira d’ailleurs avec un musicien de la relève, en voie de devenir un habitué des Oiseaux de passage: Steve Normandin, qui l’accompagnera à l’accordéon.

Du monologue à la chanson
Clémence Desrochers l’a maintes fois dit et écrit: elle haït écrire! Mais lorsqu’elle se décide à tremper sa plume dans l’encrier, elle fait honneur au papier. Elle prend garde à la rime, compte les pieds ou s’efforce de trouver un langage aussi simple que soigné. "Il y a de mes textes que je considère un peu dépassés, d’autres que je considère bien construits, parce que je les ai toujours beaucoup travaillés, des heures et des heures de temps, mentionne-t-elle. Ce qui a l’air improvisé, c’est beaucoup de travail. Comme La Peur en avion, Gérard, tout ce qui est écrit en prose, ce sont des textes qui ont l’air simples et directs, et c’est voulu ainsi: jamais trop de vocabulaire, parce qu’en général je fais parler des gens très simples."

Derrière ce rire, ces portraits empreints de tendresse ou ces rimes entonnées avec un soupçon de naïveté se cache un désir, voire une nécessité de rejoindre le public. Car le regard aiguisé de la monologuiste ne sert pas qu’à mettre en relief les travers d’une société, mais à trouver et à faire naître une sorte de fraternité. "Dans mes monologues, il y a toujours un fond, reconnaît-elle. Ce n’est pas faire rire pour faire rire. Le rire, c’est quelque chose qui peut être une thérapie. J’ai ri de la ménopause, c’est chiant, la ménopause, ça fait plaisir aux femmes que je dise que j’ai chaud. Et ça a fait plaisir aux gens quand j’ai fait des parodies des religieuses qui nous avaient fait suer pendant des années… Ça soulage et ça donne un regard autre sur les contraintes de la vie, ça donne un recul."

Chantée par les Renée Claude, Louise Forestier, Pauline Julien et Claude Léveillée, Clémence Desrochers a écrit quelques-unes des plus belles pages de la chanson québécoise avec La Vie d’factrie, L’Homme de ma vie ou la Complainte du marin. "J’aime la chanson, j’ai été faite d’elle, j’ai toujours écouté ça depuis mon enfance", indique-t-elle. Trop souvent éclipsées par ses monologues ou par des enregistrements qui ne leur faisaient pas honneur, ces chansons devraient renaître bientôt de leurs cendres et prendre le chemin de l’immortalité: "Je voudrais les refaire moi-même, acoustiques, avec des arrangements sobres et peut-être de l’accordéon. Ce sont des chansons qui sont avec des rimes et une histoire qui est simple, parce que souvent j’entends des chansons que je ne comprends pas!"

Les 26 et 27 avril

Aux Oiseaux de passage
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