Wetfish : Poisson volant
Musique

Wetfish : Poisson volant

Fidèle à sa réputation, le Festival international de Victoriaville donne à nouveau dans l’éclectisme pour cette 19e édition, qui se tiendra du 16 au 20 mai. Parmi les projets à retenir, celui du groupe montréalais Wetfish, Because They Speak French in Québec, mariera musique et cinéma en un hallucinant collage multimédia des plus  intrigants.

C’est au Cinéma Impérial, rue Bleury, que j’ai rendez-vous avec James Duhamel et Sandro Forte (alias CDJ-Offbeat), les deux âmes dirigeantes du projet multimédia Wetfish, qui se prépare à envahir rien de moins que le Colisée de Victoriaville ce lundi 20 mai. Normal de rencontrer dans un cinéma ces deux fanas du 7e art qui ont surtout fait leur marque grâce à des projections-concerts durant lesquelles ils concoctaient en direct des bandes sonores pour des classiques du muet. Le Nosferatu de Murnau a subi le traitement en 1999 (ce qui a permis la production d’un premier CD) et le chef-d’oeuvre de Fritz Lang, Metropolis, était présenté en première au FCMM l’an dernier (un DVD est en production).

Le premier concert de Wetfish en 1996 aux Foufounes Électriques incluait déjà des éléments visuels (parmi lesquels des courts métrages de Karim Hussain), toutefois c’est comme musiciens-improvisateurs que le duo participait ensuite pendant un an aux soirées de poésie de La Vache enragée. "Mais on caressait le rêve de faire des musiques de films, alors on a envoyé des démos un peu partout et on s’est cogné le nez aux portes… Puis on a commencé à travailler sur des documentaires ou du cinéma expérimental, dont, depuis 1998, plusieurs collaborations avec Lisa Sfriso [parmi lesquelles le film La Casa del nonno, qui a remporté le Prix du meilleur film expérimental au Rhode Island Film Festival – ndlr]. Mais du côté du film de fiction, on commençait à désespérer, alors on s’est dit merde et on a décidé de choisir un film duquel on pourrait faire la bande sonore, pour montrer de quoi on était capable." Sandro Forte est un véritable allumé du cinéma. Plusieurs lecteurs le connaissent sans doute comme critique de films dans des revues spécialisées comme Séquences ou à la radio CIBL-FM où il a aussi réalisé une émission durant laquelle il ne passait que des bandes sonores de films; il agit actuellement comme directeur de la programmation au Cinéma Impérial. "La première fois, ç’a été Metropolis, une expérimentation et une composition sur le film tel quel, non retouché, un peu comme le pianiste sous l’écran… sauf que ce n’était pas un pianiste…" En effet, c’était plutôt une joyeuse bande plutôt hétéroclite. James Duhamel ajoute: "On avait travaillé cette fois-là avec deux D.J., E.J. Brûlé, le "human drum machine", et deux membres des Globe-Glotters aux chants de gorge." En plus, évidemment, des échantillonneurs du duo et du didgeridoo dans lequel souffle James. Ce qui est particulier à Wetfish, c’est précisément que les compositions sont faites à base d’échantillons qu’on remplace ensuite par l’élément original en autant que ce soit possible pour les prestations live, d’où les chants de gorge et la venue, plus tard, de la violoncelliste Hélène Boissinot. Par contre, certains éléments typiquement électroniques sont imités par des humains (c’était E.J. Brûlé au début, ce sera le beatboxer extraordinaire Dominique Lagüe, alias Øvn1, lors du passage à Victo).

Venons-en donc à Victo. Le lundi 20, c’est la fête de la Reine, ou la fête de Dollard, n’est-ce pas, Because They Speak French in Québec… Ça, c’est le titre du spectacle (in frog with english subtitles)… La prestation de Wetfish devait à l’origine être une rencontre, ou plutôt un "dialogue" Québec-France avec les membres du Trio Angulaire, de France (avec lesquels Wetfish a déjà collaboré à Montréal). C’est d’ailleurs ainsi que vous la trouverez présentée dans le programme du Festival. Cependant, entre-temps, le Trio Angulaire a cessé d’exister… Comme son rôle était limité à celui d’instrumentistes, cet abandon n’a pas été dommageable au projet et les deux remplaçants qu’ont trouvés Duhamel et Forte ne nous les feront pas regretter. C’est Norman Nawrocki (de Rythm Activism et, plus récemment, de Dazoque!) qui tiendra le violon, tandis qu’ Øvn1 vous mystifiera avec son imitation vocale de boîte à rythmes. Duhamel ajoute au sujet de ce dernier: "Il se spécialise dans le vintage, genre TR-808; il a vraiment le kick et le snare du 808. En répétition, on ne sait plus si c’est lui ou le percussionniste que l’on entend." Le duo fondateur sera aussi entouré, tel que prévu, par Hélène Boissinot (collaboratrice d’Herri Kopter et de Jérôme Minière) au violoncelle, Sébastien Croteau (Necrotic Mutation, Globe-Glotters) aux chants de gorge, Philippe Hornsey (Ramasutra) aux percussions et VJ Pillow manipulera la vidéo avec Forte.

Le dialogue Québec-France se produira malgré tout, mais du côté de l’image, qui sera en interaction directe avec la musique, le son même des films étant utilisé et transformé en direct. Sandro Forte me lance en vrac les noms de Robert Morin, Jean-Pierre Melville, Alain Delon, Micheline Lanctôt, comme "participants" en images. S’y ajoutent les voix de Louis Bélanger et Jean Cocteau, et, comme invités spéciaux, Anthony Quinn et "Here Royal Highness" Elizabeth II. Cette relecture des cinématographies française et québécoise a été préparée avec l’aide de VJ Pillow et du poète-vidéaste Yann Borgé. Forte explique: "Ce n’est pas tout au long sous la forme de dialogues, parce qu’on voulait donner plus de place au cinéma québécois, mais là où c’est intéressant, c’est que l’on montre comment les approches artistiques de ces deux pays francophones sont totalement différentes."

Le duo est très enthousiaste sur cette participation au FIMAV et se montre très reconnaissant envers Michel Levasseur, le directeur artistique du Festival, pour la façon dont il a accueilli le projet. "Au début, on présentait un projet uniquement musical et c’est lui qui nous a convaincus de conserver l’aspect visuel. On sentait vraiment un intérêt de sa part et ça a donné une communication qui a emmené le show plus loin. Et le moment où il nous a placés dans la programmation est parfait. Dans le dialogue qu’on a établi avec lui, on a compris pourquoi il y a tant de musiciens qui veulent revenir à Victo." Et pas que des musiciens, d’ailleurs.

Lundi 20 mai, à 15 h
Au Colisée des Bois-Francs de Victoriaville
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