

Galaxie 500 : Le bruit de la fureur
Sur la piste de Gros Mené, Galaxie 500 témoigne d’une marginalité musicale assumée qui trouve une nouvelle voix. Sauvages, leurs chansons oscillent entre le constat social désastreux et l’autodestruction, révélant un engagement total, agissant comme un coup de poing au visage des détenteurs du monopole du bon goût. Saine violence.
David Desjardins
Samedi soir, sur la scène du Kashmir, le guitariste Olivier Langevin accompagne un Mononc Serge absolument déchaîné. Encore une fois, Langevin torture sa pauvre Telecaster en partie recouverte de duct tape, ce ruban adhésif métallisé qu’affectionnent tant les rafistoleurs du dimanche. Il lui assène de violents coups, lui tord le manche, en fait sortir des grondements et crépitements surréels qu’on aura tôt fait d’associer à Hendrix, ou à Jon Spencer, à Buzz Osbourne, ou à Tony Iomi… Sans contredit, Olivier Langevin est l’un des derniers guitar heros dignes de ce nom au Québec.
Quelques heures plus tôt, accoudés à une table dans un bar du quartier Limoilou, le guitariste et son acolyte Pierre Girard – qui sera aux commandes de la sonorisation pour le spectacle de Mononc ce soir-là – parlent musique. On y discute business, de la guilde des musiciens (une mafia?), de la carrière de Bob Dylan ("toujours là où on ne l’attend pas", dixit Langevin), du meilleur album de Soundgarden (Badmotorfinger, plus viscéral, ou Superunknown, mieux produit?), de poésie du rock’n’roll, puis, inévitablement, de Gros Mené, des Chiens, de Fred Fortin, de Mara Tremblay, puis de Galaxie 500, le nouveau projet de Langevin et Girard – à la basse – auquel s’ajoute le batteur Michel Dufour et, épisodiquement, l’incomparable Fred Fortin.
"Ce sont des chansons qu’on a faites au local de pratique, sans vraiment penser que ça sortirait de là", lance Langevin en empoignant sa bouteille. "Ça a pris deux ans pour arriver avec toutes ces chansons-là, ajoute Girard, c’est vraiment quelque chose qu’on faisait à temps perdu… C’était pas clair qu’on allait faire un disque avec ça." À la manière de Tue ce drum Pierre Bouchard (du projet Gros Mené), Galaxie 500 fait l’apologie de la puissance brute, de l’énergie première, omettant de polir inutilement le son afin de ne pas trahir la beauté primitive du brouillon. Une friture sonore qui, sans être une finalité, sous-tend un message de dissension.
Moins scato que Gros Mené, mais aussi orienté vers l’autodestruction dans la fête, Galaxie 500 est, sous le couvert d’une distorsion presque omniprésente et d’un français châtié à outrance, une affirmation politique. On sent bien l’écoeurement social sur Tracteur, le désarroi à l’échelle mondiale de Virer blues, mais c’est avant tout dans sa liberté totale d’opération, dans son affranchissement des conventions, que le projet s’inscrit en faux devant l’état des choses.
Il ne suffit plus de dénoncer: "Il faut le faire, croit Langevin, et notre façon de faire de la musique, notre attitude est dans cette lignée-là, mais nos nouvelles chansons sont très axées sur le sujet [de la mondialisation des marchés, le pouvoir des médias], ce que je fais ces temps-ci ne parle presque que de ça." Fini, donc, les histoires d’ivrognes et de drogués? "(Rires.) Non, je pense pas. Je suis dans une phase d’engagement politique, c’est tout."
"C’est ben drôle ces niaiseries-là, mais ça paye pas. Peut-être qu’on devrait jouer comme Dan Bigras? Non, non. J’aime ben mieux bâtir des maisons en bâtons d’popsicles que de jouer d’la musique autrement que ça", chante Olivier Langevin sur Vieux Poêle, constatant la vacuité du fond des nombreuses chansons de party de Galaxie 500 et le plaisir puéril de les jouer, mais célébrant aussi cette irrévérence que lui confèrent indépendance et autonomie.
Un style qui, comme chez Fortin, Tremblay et autres consorts, appelle au renouveau de la chanson québécoise, à une vision pure de la musique qui n’a que faire des formats radiophoniques, mais qui, force est d’admettre, ne rapporte pas beaucoup plus que la construction de maisons de petits bâtons. "La valeur monétaire de notre musique, ça me passe pas mal 100 pieds au-dessus de la tête. La valeur [artistique?] que ça a pour nous, c’est plus important que l’argent", avance Langevin, vite interrompu par Girard: "L’important, c’est de bâtir quelque chose, de faire sa propre affaire, comme Mononc Serge. En étant indépendants, ça nous permet d’avoir le contrôle sur tous les aspects et c’est plus facile d’en retirer quelque chose."
Le 30 mai
Au Kashmir
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