

Éva chante et raconte Marlene Dietrich : Cet obscur objet du désir
Il y a deux ans, Pierre Jobin lançait à ÉVA l’idée de monter un hommage à Marlene Dietrich. Par fidélité à l’instigateur du projet, c’est chez lui, aux Oiseaux de passage, qu’elle présente ce spectacle pour la toute première fois.
Clémence Risler
Photo : Georges Dutil
Comme Marlene Dietrich, Éva est née à Berlin. Comme elle aussi elle chante en allemand, en français et en anglais et toutes deux ont vécu l’exil, une vie de mouvance entre l’Allemagne, la France et l’Amérique. Mais au-delà de ces concordances factuelles, Éva se sent profondément interpellée par le parcours intérieur de cette femme paradoxale projetant une image à la fois romantique et réaliste.
"Quand elle faisait des films, elle était l’objet des metteurs en scène, femme fatale et obéissante, tandis que lorsqu’elle s’est mise à la chanson, elle est devenue son propre maître, pouvant choisir ce qu’elle interprétait. C’est précisément cet aspect qui m’intéresse." Cette prise de pouvoir personnel se conjugue aussi à un engagement pour la liberté qui, selon Éva, mérite davantage d’attention que le côté glamour de l’ange bleu: "Elle était extrêmement courageuse, pendant la Deuxième Guerre elle a suivi les troupes américaines pour divertir les soldats et elle a toujours refusé les fortunes qu’on lui a offertes afin de la convaincre de revenir dans son pays d’origine et d’être la star de l’Allemagne nazie."
Sur scène, l’hommage prendra la forme d’une suite de 22 chansons et de moments narrés, et ce, suivant une trame chronologique de la vie de Dietrich. Parmi près de 200 chansons que la star a chantées, Éva a choisi celles qui illustrent cette vision d’une artiste conséquente, mais également celles qu’elle affectionne particulièrement et dont elle serait capable de rendre l’âme initiale tout en recréant quelque chose de nouveau. Car ni elle ni Alain Lecompte, le musicien qui l’accompagne, n’ont aspiré à rendre avec exactitude ce que la diva effectuait autrefois, sans toutefois s’en éloigner trop. Ensemble, ils ont donc procédé à un important travail de création qui sera d’ailleurs transposé sur disque d’ici l’automne. "Même si j’ai une voix grave, je ne suis pas Marlene; c’était davantage une diseuse alors que je suis une chanteuse", explique Éva.
L’approche qu’a préconisée Éva fait en sorte qu’un tel spectacle ne risque pas de banaliser l’image de celle qui a toujours su laisser flotter une aura de mystère autour d’elle. "Marlene détestait farouchement les biographes et les journalistes, elle trouvait écoeurant que des gens puissent se faire de l’argent avec la vie des stars. Donc, sur scène je ne fais pas une biographie, mais plutôt un portrait sans paillette ni flafla", assure-t-elle. Ainsi, on est bien loin d’une fresque musicale qui relaterait les détails croustillants de l’existence de Dietrich. "Tout ce qui m’intéresse, c’est la pensée de cette femme, le regard qu’elle a posé sur le monde. Le mystère, je le laisse intact."
Du 6 au 8 juin
Aux Oiseaux de passage
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