

1 Giant Leap : Ici la Terre
Avec l’espoir de freiner la déroute de l’humanité, 1 Giant Leap propose une musique tentaculaire dont les ramifications s’étendent à la grandeur du globe. Rarement l’expression "musique du monde" n’aura porté une signification aussi juste.
Clémence Risler
Définir 1 Giant Leap n’est pas chose simple. Car plus qu’un groupe, il s’agit d’un vaste projet multimédia orchestré par Jamie Catto et Duncan Bridgeman, deux habitués de la scène musicale britannique; le premier comme membre de Faithless, l’autre, en tant que musicien et réalisateur. Comme des ethnologues voulant dresser le portrait de l’espèce humaine, ils se sont munis d’un ordinateur portatif, de micros et de caméras vidéo et ils ont sillonné la planète pendant six mois pour récolter des témoignages et pour enregistrer les musiciens qu’ils croisaient sur leur route. Lors des rencontres, ils faisaient d’abord entendre aux artistes locaux l’ébauche d’une chanson, c’est-à-dire la base rythmique et mélodique sur laquelle les chanteurs ou musiciens étaient ensuite invités à participer, et ce, au gré de leur inspiration.
Après 18 mois de postproduction, il résulte de ce périple un CD sur lequel les artistes sont conviés à un rendez-vous virtuel. Sur la très belle The Way You Dream, par exemple, la voix de Michael Stipe (REM) fait écho à celle de la chanteuse indienne Asha Bhosle sur une musique alliant guitare acoustique, tabla et rythmes électroniques. Les 12 titres de l’album correspondent de plus aux différentes parties d’un DVD dont la sortie est prévue pour septembre.
Pour les deux hommes, l’idée de ce projet a pris racine sur un désintérêt commun pour l’industrie musicale: "Nous étions ennuyés de toujours entendre les mêmes choses, tous ces groupes qui figurent au sommet des palmarès avec leurs chansons qui se ressemblent toutes. Nous avons eu envie de faire une musique qui nous plairait", relate Duncan Bridgeman en nuançant toutefois qu’il ne s’agissait pas uniquement de se dérober à l’esthétique formatée qui domine les marchés. Par cette large entreprise de mise en commun d’idées et de talents, le duo a aussi voulu atteindre "l’unité dans la diversité". C’est d’ailleurs pourquoi ils ont tiré le nom du projet des célèbres paroles de Neil Armstrong (Un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité), dites alors qu’il foulait pour la première fois le sol lunaire. Tel l’astronaute qui pouvait, d’un seul regard, apercevoir notre planète comme un lieu distinct, le duo a voulu se positionner par rapport aux humains de manière similaire: "En arrivant à voir tous les peuples comme une seule famille, on passerait par-dessus nos différences, l’humanité franchirait alors un véritable pas de géant."
Parmi la soixantaine d’artistes ayant pris part à l’aventure, quelques noms ont des résonances plus que familières; Michael Stipe, Neneh Cherry, Robbie Williams, Brian Eno, Dennis Hopper ont tous contribué au projet. Lorsque l’on demande à Bridgeman si la présence de ces personnes ne risque pas d’éclipser le message, il nous affirme qu’au contraire, cela devrait favoriser sa diffusion: "Une des craintes que nous avions était d’être perçus comme des hippies prônant un peace and love un peu démodé. Avec ces vedettes, le projet atteint des gens qui ne s’y seraient pas intéressés autrement, ce qui concorde parfaitement avec notre but premier, soit de rejoindre le plus de gens possible. En fait, nous avons tout simplement voulu susciter une discussion planétaire."
1 Giant Leap
1 Giant Leap
(EMI)