Disques Montaigne : Les essais
Musique

Disques Montaigne : Les essais

Schoenberg, Messiaen, Kagel, Scelsi, Xenakis et autres… quelques-uns des plus grands compositeurs d’avant-garde du XXe siècle se retrouvent sur les disques de l’étiquette Montaigne, qui vient de lancer huit disques essentiels à la compréhension de la musique moderne. Un magistral cours d’histoire.

L’étiquette française Disques Montaigne est née en 1987 et a accumulé depuis cette époque un formidable catalogue qui rend disponibles des enregistrements d’oeuvres des plus grands compositeurs du XXe siècle interprétées par les meilleurs ensembles européens. Elle a été rachetée au tournant du siècle par la compagnie Naïve qui faisait paraître huit titres en mai dernier.

Arnold Schoenberg, Olivier Messiaen, Bruno Maderna, Mauricio Kagel, Giacinto Scelsi, Iannis Xenakis et Pascal Dusapin. Sept noms qui proposent un itinéraire du XXe siècle assez pointu, du père de la musique sérielle à celui que les Victoires de la Musique Classique ont consacré Compositeur de l’année en janvier dernier. Sept monographies proposées en réédition pour le plaisir de ceux qui ont raté le premier tour. Voyons un peu ce qu’on nous offre. Xenakis d’abord, avec Oresteïa, de 1966, livrée ici dans la révision de 1987. Ma vieille version vinyle pourra reposer en paix. D’autant plus que celle-ci compte l’ajout du mouvement Kassandra, pour baryton solo, dans lequel Spiros Sakkas est littéralement éblouissant, alternant voix de tête et de poitrine avec une virtuosité qui nous fait penser qu’il s’agit là d’un duo. En remettant "au goût du jour" la Trilogie d’Eschyle, Xenakis, qui disait être un Grec classique au XXe siècle, en traduit la violence dans une orchestration puissante et solennelle. L’oeuvre, pour choeur d’enfants, choeur mixte et ensemble instrumental, est une des grandes réalisations de Xenakis et se présente ici avec toutes les qualités d’une version définitive.

C’est sur un disque double que l’on nous propose une oeuvre étonnante de Mauricio Kagel, la Passion selon Saint Bach (Sankt-Bach Passion, 1985). Fasciné de longue date par la musique du cantor de Leipzig, Kagel le place au centre de cet oratorio qui raconte son long chemin de croix semé d’emplois l’empêchant de se livrer en toute liberté à son destin de compositeur, obligé qu’il est de concevoir des musiques pour ses employeurs. Une oeuvre complexe qui a réclamé un long travail de composition et dont le résultat valait l’effort. Le livret comporte le texte adapté par Kagel à partir de documents originaux reliés à la vie de Bach en version originale allemande, en français et en anglais.

La monographie consacrée à Pascal Dusapin, d’abord publiée en 1997 chez Salabert, propose un bon éventail du travail pour petits ensembles de ce "jeune compositeur" français (né en 1955) qui est actuellement l’un des plus en vue dans l’Hexagone. Il sera d’ailleurs au Québec à la fin du mois d’août pour participer aux Rencontres de musique nouvelle du Domaine Forget (à Saint-Irénée, dans Charlevoix), à l’invitation du Nouvel Ensemble Moderne. Deux des pièces que l’on trouve ici seront interprétées par le NEM à cette occasion. Compositeur "libre de toute appartenance", Dusapin a construit au cours des 20 dernières années un catalogue de plus de 70 oeuvres qui vont du solo à l’orchestre et du petit ensemble à l’opéra (son septième opéra sera créé l’année prochaine). L’ensemble Ars Nova, sous la direction de Philippe Nahon et avec la voix de Françoise Kubler sur deux pièces, en livre ici un bel échantillonnage.

Le Quatuor Arditti est à l’avant-plan sur le disque Scelsi, un autre double, qui nous offre le trio à cordes de 1958, les cinq quatuors à cordes (dont le cinquième est aussi la toute dernière oeuvre de Scelsi) et l’étonnante Khoom, pour soprano (Michiko Hirayama) et six instrumentistes (la pochette indique "pour piano", mais c’est une erreur). C’est encore le Arditti qui est à l’honneur sur le disque For Strings regroupant des pièces de Bruno Maderna et sur celui réunissant la Weihnachts musik et diverses transcriptions de Schoenberg, tandis que Maarten Bon et Rienbert De Leeuw sont aux pianos pour les Visions de l’Amen de Messiaen.

Mais ce que doit se procurer toute personne désireuse de connaître davantage la musique contemporaine, c’est un magnifique petit coffret de trois disques qui s’intitule D’un siècle à l’autre. On y présente d’abord les précurseurs (Janacek, Mahler, Debussy, Sibelius, Ravel, Bartók, Stravinski, Chostakovitch), puis les classiques (Schoenberg, Ives, Webern, Varese, Berg, Messiaen, Dutilleux). Le troisième disque, sous le titre Hier, aujourd’hui et demain, contient des oeuvres (et des extraits d’oeuvres) d’Elliott Carter, Joëlle Léandre, Xenakis, Ligeti, Berio, Boulez, Stockhausen, Kagel, Jonathan Harvey (par le NEM) et Dusapin. Véritable Who’s who du XXe siècle, le livret comporte un tableau de correspondances des dates et événements qui vous aidera à vous situer, de même que les définitions de certains termes techniques (dodécaphonisme, polytonalité, etc.). Une excellente introduction comme il n’y en a pas d’autres sur le marché. Les disques Montaigne/Naïve sont distribués au Canada par S.R.I.

D’un siècle à l’autre (MO 782096), Pascal Dusapin (MO 782150), Iannis Xenakis (MO 782151), Giacinto Scelsi (MO 782156), Mauricio Kagel (MO 782157), Bruno Maderna (MO 782158), Olivier Messiaen (MO 782159), Arnold Schoenberg (MO 782160).