

Canadian Brass / Pentaèdre / Ensemble vent et percussion : Souffle chaud
Un regard sur les productions récentes de deux excellents quintettes à vent, le Canadian Brass et Pentaèdre, de même que sur le deuxième disque de l’Ensemble vent et percussion de Québec.
Réjean Beaucage
Depuis sa formation au début des années 70, le Canadian Brass a fait paraître plus de 50 enregistrements formant un répertoire d’arrangements variés où l’on trouve aussi bien J.S. Bach et Ravel que Scott Joplin et… P.D.Q. Bach. Leur plus récent disque, Sacred Brass, présente des oeuvres de la Renaissance dont les arrangements, signés Arthur Frackenpohl, ont ceci de particulier que les chanteurs invités y soutiennent le quintette, restant légèrement en retrait, alors qu’habituellement c’est plutôt le contraire. Les instruments à vent ont bien sûr déjà certaines qualités qui les rapprochent de la voix humaine, et cette façon de concevoir les arrangements donne au Miserere de Gregorio Allegri (1582-1652) et à la Missa Ascendo ad Patrem de Giovanni Pierluigi de Palestrina (1525-1594) des textures nouvelles d’une grande beauté. Les trois cinquièmes de l’ensemble ont dû être remplacés depuis deux ans. Les nouveaux venus sont Ryan Anthony et Joe Burgstaller aux trompettes et Jeff Nelsen au cor. Les deux fondateurs restants sont Gene Watts au trombone et Chuck Daellenbach qui troque ici le tuba contre le cimbasso, un trombone contrebasse à pistons, plus fidèle à l’esprit de la musique. On trouve aussi sur ce disque des arrangements de quatre madrigaux de Carlo Gesualdo (1560-1613). Ivars Taurins, directeur du Tafelmusik Choir, a conseillé le quintette dans sa démarche et dirige les cinq chanteurs qui l’accompagnent. Le livret est en anglais seulement.
Canadian Brass
Sacred Brass
(RCA Victor / BMG)
On pourrait croire que l’ensemble Pentaèdre nous offre une démarche semblable à celle du Canadian Brass sur son disque Airs anciens, et pourtant, il n’en est rien. Fidèle à une démarche qu’il poursuit depuis 15 ans, le quintette mélange ici l’ancien et le moderne en présentant des oeuvres de compositeurs contemporains qui revisitent le passé. Ottorino Respighi (1879-1936) s’est inspiré de danses de la Renaissance écrites pour luth afin d’en faire des arrangements pour orchestre. Ses trois antiche danze ed arie ont été transcrites pour quintette à vent par Adam Lesnick et retrouvent sans doute ici un peu de l’intimité de l’arrangement original pour luth. C’est en 1926 que le musicologue anglais Philip Heseltine composait, sous le nom de Peter Warlock, sa Capriol Suite inspirée d’un manuel de danse de 1589. Tordion, Pieds-en-l’air et Mattachins médiévaux sont ici servis en couleurs modernes, ce qui ne leur enlève rien de leur antique parfum, mais leur confère au contraire une plus-value de nostalgie. Idem pour les mélodies du Hongrois Janos Lavotta (1764-1820), mises au goût du jour par son compatriote Ferenc Farkas (1905-2000) dans la suite Lavottiana (1990). Bien que basées sur des poèmes allemands composés entre les XIe et XIVe siècles, les 13 love songs qui composent le cycle des Minnelieder (1956) de R. Murray Schafer sont certainement ce qu’il y a ici de plus moderne. Chantés avec ferveur par la mezzo-soprano Noëlla Huet, les textes s’habillent d’arrangements dépouillés qui, ça pourrait être considéré comme un défaut, rappellent davantage les années 50 que l’époque médiévale. Le Pentaèdre est composé de Danièle Bourget (flûte), Normand Forget (hautbois), Martin Carpentier (clarinette), Jean-Marc Dugré (cor) et Mathieu Lussier (basson).
Pentaèdre / Noëlla Huet
Airs anciens
(Atma classique)
René Joly est percussionniste à l’Orchestre symphonique de Québec et enseigne la percussion au Cégep de Sainte-Foy. Il a aussi, manifestement, un grand amour pour les instruments à vent, ayant occupé le poste de directeur musical de l’Orchestre d’harmonie du Cégep de Sainte-Foy, de la Faculté de musique de l’Université Laval et de l’Ensemble à vent de Sherbrooke avant de mettre sur pied l’Ensemble vent et percussion de Québec, en 1995. Un premier disque paru chez Atma en 1997 lui a valu des éloges, principalement pour l’interprétation de la Symphonie #1, Le Seigneur des Anneaux, de Johan de Meij. Cette fois-ci, c’est surtout la Rhapsody in Blue de Gershwin qui retient l’attention. L’arrangement de Donald Hunsberger pour orchestre d’harmonie se base sur les deux versions jazz de 1924 et 1926, plutôt que sur l’arrangement pour orchestre symphonique. La partie de piano est admirablement rendue par Caroline Gobeil, et l’ensemble d’une soixantaine de musiciens, incluant une vaste percussion et bien sûr toute une panoplie d’instruments à vent, mais aussi banjo, célesta, harpe et accordéon, répond aux indications du chef avec une grande précision. La Suite de jazz no 2 de Dmitri Chostakovitch est légère comme une pièce de théâtre d’été, à des années-lumière de la finesse de Gershwin, et se laisse écouter en agitant machinalement le pied. La troisième oeuvre, le Poème montagnard du compositeur belge Jan Van des Roost, est variée au possible et brillamment rendue par l’ensemble, avec une puissance évocatrice étonnante. Rafraîchissant!
Ensemble vent et percussion de Québec / René Joly
Harmony in Blue
(Atma classique)