Jusqu'aux oreilles – suite : Pièces détachées
Musique

Jusqu’aux oreilles – suite : Pièces détachées

Le festival de musique contemporaine Jusqu’aux oreilles se poursuit cette semaine à la Cathédrale Christ Church. La programmation variée du festival nous entraîne dans des univers bien différents d’un concert à l’autre. Exploration.

Le GEMS (Groupe du studio de musique électronique) de l’Université McGill est certes l’un des ensembles les plus actifs de sa catégorie, et entendre son répertoire dans le décor d’une cathédrale néo-gothique qui date de 1859 est une expérience qui a quelque chose de poétique. Ce sera possible de le faire ce samedi 10 août à 17 h. Étonnamment, le directeur du studio de musique électronique, Alcides Lanza, a choisi de présenter durant ce programme sa pièce Sensors III, de 1982, une oeuvre pour orgue et deux percussionnistes, mettant ainsi à profit l’orgue de la cathédrale au détriment de l’habituel attirail de haut-parleurs inhérent aux concerts du GEMS. Ses collègues sont cependant restés plus orthodoxes et nous présenteront des musiques sur support diffusées à travers un orchestre de haut-parleurs. Ian Knopke présentera sa Perforated Music, tandis que Robin Davies nous fera voyager grâce à Long Distance, une oeuvre atmosphérique vaguement nostalgique durant laquelle on peut entendre la voix du pionnier de la musique électronique Hugh Lecaine. On pourra écouter pour la première fois les oeuvres de Geoff Martin et Dylan David Wagner, ce dernier nous présentant l’intrigante Music for Many Foots of Tape.

Alcides Lanza aura lui aussi une pièce à présenter en première lors du concert de l’ensemble Lithium, un trio composé de Sylvia Niedzwiecka à la flûte et de Shawn Mativetsky et Marianne Stadnyk aux percussions, dimanche à 13 h. Ce programme tout canadien nous permettra aussi d’entendre des oeuvres de Nicole Lizée, Robert F. Jones et Christien Ledroit. De ce dernier, Elementalities, l’une des deux pièces qui lui ont permis de remporter des prix lors du concours des jeunes compositeurs de la SOCAN en 2001.

Le mercredi 14 à 12 h 30, c’est un quatuor de flûtes à bec qui nous recevra à la cathédrale. Formé des virtuoses Francis Colpron (directeur de l’ensemble de musique ancienne Les Boréades), Sophie Larivière (Les Violons du Roy, Arion, Les Idées Heureuses), Matthias Maute (Ensemble Caprice) et Femke Bergsma (Les Boréades), l’ensemble Buxus présente un répertoire de musique contemporaine d’un genre assez inhabituel en raison de son instrumentation. Le programme nous fera voyager avec des oeuvres belge (Frans Geysen), japonaise (Ryohei Hirose) et hollandaises (Chiel Metering, Peter Shott, Dick Koomans et Louis Andriessen). On voyagera aussi dans le temps avec la musique de l’Italien Girolamo Frescobaldi (1583-1643).

Cathédrale Christ Church
635, rue Sainte-Catherine Ouest (252-8221)

Toru Takemitsu
Deutsche Grammophon faisait paraître récemment, dans sa série Echo 20-21, des rééditions d’oeuvres du compositeur japonais Toru Takemitsu (1930-1996) sous le titre In an Autumn Garden. Takemitsu était attiré autant par les musiques occidentales d’avant-garde, avec des influences qui vont de Debussy à John Cage, que par la musique traditionnelle japonaise. Cette dualité procure à sa musique une grande richesse et un pouvoir d’évocation peu commun. La pièce-titre, pour orchestre de gagaku (musique de cour), nous fait pénétrer dans un univers étonnant, les timbres exotiques des instruments traditionnels étant manipulés par le compositeur d’une manière tout à fait contemporaine. Entre la culture de ses ancêtres et la culture moderne, Takemitsu ne choisit pas. Il prend tout et le résultat est un amalgame de sonorités neuves parées de costumes traditionnels. Le son des biwas (luth) et shakuhachi (flûte droite) dans les pièces Autumn (1973), November Steps (1967) ou Eclipse (1966) est en mutation permanente et évoque un Japon irréel. Takemitsu disait: "Mon but n’est pas de mettre en mouvement des sonorités dans une direction précise. Je voudrais au contraire les laisser libres, si possible éviter de les contrôler." Sa musique donne en effet une impression de grande liberté et semble encourager l’auditeur attentif à se laisser aller jusqu’à atteindre un état de méditation béate. Une façon comme une autre d’oublier la canicule!

Toru Takemitsu
In an Autumn Garden
Deutsch Grammophon / Universal (471 590-2)