Suicide : Vie d'ange
Musique

Suicide : Vie d’ange

En 1977, lorsque la pochette ensanglantée du premier album de SUICIDE s’est retrouvée dans les magasins de disques, le groupe ne semblait pas promis à un brillant avenir. Aujourd’hui, le duo-culte formé de Martin Rev et d’Alan Vega semble plus pertinent que jamais.

Groupe mythique s’il en est, Suicide demeure, à l’instar du Velvet Underground dont il s’est partiellement inspiré, aussi méconnu que légendaire. Pour reprendre la célèbre phrase d’abord destinée au Velvet, justement, on pourrait dire que bien peu de gens ont acheté leur premier album, en 1977, mais que tous ceux qui l’ont fait ont par la suite fondé des groupes. Avec sa fusion de rock et d’électronique, le penchant du chanteur Alan Vega pour les crooners, le rockabilly et le gros rock sale des Stooges, et les expérimentations synthético-primitives du claviériste Martin Rev, Suicide s’est imposé comme un pionnier qui a marqué tant le mouvement post-punk le plus sombre que la new wave la plus nanane. Mais même dans le bouillonnement culturel du New York des années 70, Suicide était un groupe trop étrange, voire inquiétant. "On était simplement trop bizarres, même pour les punks, lance Martin Rev en rigolant. Même aujourd’hui, ça continue: il arrive bien qu’un livre sur le punk parle de nous, mais c’est souvent du bout des lèvres." Alan Vega aime pourtant rappeler que c’est lui qui est à l’origine de l’utilisation du mot punk dans un contexte musical, lorsqu’il créa une performance intitulée A Punk Music Mass en 1971.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’esprit apparemment contradictoire qui les animait alors semble renaître; en effet, on assiste à un renouveau de la fusion entre l’esprit punk et la dance music électronique avec le revival électro. Du coup, ce premier album éponyme au titre si nihiliste reprend sa place de choix dans l’histoire du rock, mais il n’a rien d’une pièce de musée. "Ça ne m’embête pas que les gens gardent cette image de nous, parce que c’était la nôtre, et qu’elle était vraiment atypique. La réaction de la majorité des gens qui ont entendu notre premier album à l’époque était: "What the fuck?", alors que les jeunes qui l’entendent aujourd’hui trouvent qu’il a quelque chose de frais, d’actuel. Au fond, ça n’a rien d’étonnant qu’on ne soit pas démodés après tout ce temps: lorsqu’on a commencé à faire de la musique, on nous disait qu’on était au moins 20 ans en avance sur notre temps. J’imagine qu’aujourd’hui, ça veut dire qu’on n’a que quelques années de retard!"

D’autant, rappelle Martin, que le groupe ne fait pas vraiment un come-back. Malgré un relatif silence durant les années 80, il s’est reformé à l’occasion et ses deux membres ont poursuivi des projets en solo, Rev se concentrant sur une forme de techno parfois très expérimentale. "J’ai toujours pensé que l’avenir de la musique passait par l’électronique, quoi qu’en disent certains puristes, lance Rev. D’ailleurs, je pense que nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements de cette culture. L’esprit punk perdure aussi: il est là depuis les années 50 et les gens continuent à véhiculer cette énergie. Je suis bien content de voir que les deux peuvent à nouveau se rencontrer: on a traversé une période où l’anti-performance était de mise, avec les D.J., puis avec les concerts de laptops; aujourd’hui, je pense qu’il faut se servir de la scène pour créer des événements."

Pour ça, vous pouvez compter sur Rev et Vega. Dans les années 70, leurs concerts légendaires tournaient souvent à la confrontation, face à un public qui ne savait s’il devait être épouvanté ou amusé par les grincements électroniques sur lesquels s’énervait le très théâtral Vega. Avec un nouveau disque à paraître cet automne, Suicide peut-il encore surprendre, choquer? "Le nouvel album a le même côté tranchant qu’on retrouvait sur le premier, mais il représente ce que nous sommes aujourd’hui, tout comme le premier représentait ce que nous étions, explique Martin Rev. Il est plus travaillé peut-être, mais quand même mordant; je pense qu’il a la même folie, il porte notre empreinte."

Le 7 septembre
À la Sala Rossa
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