

Swayzak : Danse lascive
Les véritables stars de l’édition 2002 du Montréal Electronic Groove n’ont que faire des diktats de l’électronique. En fait, les deux membres de Swayzak sont des quétaines éclectiques qui s’assument. Tant mieux.
Étienne Côté-Paluck
Photo : Linda Callenholt
Leur nom est inspiré du célèbre acteur Patrick Swayze et ils ont baptisé leur quatrième et plus récent album Dirty Dancing. Bref, le duo londonien Swayzak n’a pas peur d’afficher, dans ses références à la culture pop, son côté quétaine.
Depuis leurs débuts dans un sous-sol en 1997, James Taylor et David Brown ont affiché un mépris total des modes et des catégorisations de plus en plus pointues de la musique électronique. Mélangeant avec aise dub, house, électro et expérimentations minimales, Swayzak raffine sur chaque album une nouvelle facette de sa personnalité. Sur Dirty Dancing, l’album house de la saison, on leur découvre même des inspirations pop et acid-house.
D’ailleurs, leurs têtes fortes sortaient déjà de la foule il y a cinq ans, lorsqu’ils ont fait irruption sur la scène D.J. londonienne à laquelle ils étaient complètement étrangers. Les deux comparses avaient en effet travaillé pendant trois ans sur leur musique dans le seul but de se divertir avant de tenter leur chance en 1997 avec le vinyle Bueno, qui connut du jour au lendemain un succès critique et populaire.
"Ce n’était pas une décision calculée, raconte James Taylor en entrevue. La musique était quelque chose que l’on faisait les fins de semaine ou occasionnellement, lors de soirées. Nous n’avions pas beaucoup d’équipement et on ne croyait pas vraiment dans la musique que l’on produisait. Nous pensions qu’elle était terrible et que personne ne l’aimerait." Ils se trouvent pourtant aujourd’hui devant un public de plus en plus imposant, et chaque album surprend car il s’agit de productions uniques et approfondies. "Lorsque j’y pense, continue-t-il, ces années recluses on été une bonne chose, puisque ça nous a donné des belles opportunités pour expérimenter et apprendre sur ce que nous faisions. Nous y avons trouvé un style qui nous représentait." Comme bon nombre d’artistes de la relève, Taylor et Brown ont passé les premiers temps à copier leurs idoles en tentant de créer du techno à la manière de Detroit ou du drum’n’bass (d’autant plus facile que Taylor travaillait dans un magasin de disques). "Nous achetions des disques mais nous n’allions jamais dans les clubs, nous ne lisions aucun magazine."
Swayzak, on l’a dit, se refuse à toute classification. On peut tout de même reconnaître dans leurs pièces une évolution marquée: d’une durée de sept ou huit minutes au départ, leurs compositions ont des formats plus courts sur leur dernier disque, rejetant par le fait même les longues envolées instrumentales associées aux musiques des pistes de danse. On remarque de plus sur Dirty Dancing la présence de plusieurs chanteurs invités qui fredonnent de suaves refrains. "Nous étions écoeurés de produire de très longues pièces instrumentales, nous avons voulu explorer l’univers des courtes chansons! De cette manière, nous avons pénétré dans l’univers pop. C’est arrivé très simplement. La première chose qui a accroché notre génération est la musique pop. La première chose que l’on a entendue lorsqu’on a allumé la télé à sept ans, c’est une chanson que chantait Michael Jackson!"
Malgré ses influences, la pop hasardeuse de Swayzak ne se conjugue pas au passé. Haletant entre refrain léger et rythmes complexes, la force du duo réside dans son habile utilisation de textures et de sonorités. D’inspiration dub (pour la profondeur du son) et house minimal (pour le rythme), chaque son employé requiert une attention particulière. "Je vais échantillonner mes doigts, une voiture, en passant par un extrait musical. Les échantillonnages sont les briques et le ciment de tout ce que l’on fait."
Tout comme leur méthode de travail, les sonorités du duo sont diverses et éclectiques. "C’est très important parce que l’on finirait par s’ennuyer très rapidement et tout sonnerait finalement de la même manière. J’ai parfois peur de ne jamais avoir le temps de répondre à toutes mes inspirations, s’esclaffe-t-il. Un jour, je vais me dire: merde, je n’ai pas pu en faire plus!"
Comme on les voit rarement derrière les tables tournantes (quoique Taylor avoue y être de plus en plus intéressé), les deux vedettes du festival MEG apparaîtront sur scène derrière leurs ordinateurs portables. Maintenant que presque tous les adeptes de l’électronique s’appuient sur des laptops impersonnels (on a même baptisé le genre "laptronica"), le logiciel utilisé (Live, dans le cas de Swayzak) revêt une importance toute particulière. "Aujourd’hui, savoir quel genre de logiciel on emploie, c’est comme demander à un rocker s’il joue sur une guitare Fender ou Gibson; le logiciel ajoute une empreinte globale. Plus le logiciel est d’une grande qualité, plus on est capable de le faire sonner comme on le veut. C’est une réplique virtuelle de ce que nous faisions physiquement avec nos équipements électroniques auparavant. Le son est légèrement altéré puisque l’on passe de transistors et de fils à un seul appareil numérique; mais ce n’est pas meilleur ou pire, c’est simplement différent."
Le 25 octobre
Au Club Soda
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