Billy Ze Kick et les Gamins en Folie : Bande destinée

"Mangez-moi! Mangez-moi! Mangez-moi!…" Vous vous souvenez de cette ritournelle enfantine qui trottait dans la tête d’à peu près tout le monde en 1994? Billy Ze Kick et les Gamins en Folie, eux, s’en souviennent. Parce que ce sont eux qui l’avaient composée (bonne raison…) mais surtout parce que ce sont eux qui en ont vécu les bénéfices et les inconvénients. C’est que sous ses airs faussement naïfs, Mangez-moi… faisait directement référence à la cueillette des champignons magiques. Scandale dans les chaumières françaises! Assez pour qu’un policier de la brigade des stups de Nantes dépose une plainte au parquet de Paris pour "incitation à l’usage de stupéfiants"! Mais, contrairement à ce qu’on pouvait croire, la majorité des ventes astronomiques (600 000 exemplaires du single et 400 000 de l’album) avaient été obtenues avant que le scandale n’éclate: "En tout cas, commercialement, ça ne nous a pas du tout servi, raconte Monsieur Bing (Benoit Careil de son vrai nom). Dès l’instant où l’on a parlé de la plainte et du sens des paroles de la chanson dans les médias, toutes les radios sauf une (Skyrock) ont censuré notre album! Ce qui est spécial, c’est qu’avant la plainte, il y avait une espèce de consensus qui faisait que parce que c’était un tube, ils la faisaient jouer même s’ils savaient pertinemment de quoi ça parlait. Mais la plainte visait également ceux qui la diffusaient, alors ils ont pris peur… Mais ne serait-ce que de voir des gens s’attarder sur nos textes et que ça suscite un débat dans la société sur les drogues et la liberté d’expression, c’était assez réjouissant pour nous. Et comme la chanson rejoignait autant les parents que leurs enfants, disons que ça a permis à plusieurs familles d’en discuter. Et ça, c’était bien…"

Heureusement, le parquet de Paris a décidé de ne pas donner suite à la plainte, de peur d’amorcer un véritable débat sur la drogue. Puis, le groupe s’est dissous à la fin de l’année 94 "pour donner à ses membres la chance de poursuivre leurs rêves", la chanteuse Billy se lançant dans une expérience solo, et M. Bing devenant le directeur général du Jardin Moderne de Rennes, le genre de lieu rassembleur pour les musiciens indépendants que pourrait ouvrir ici la SOPREF si elle était adéquatement subventionnée.

Comme aucune major ne semblait intéressée par un retour éventuel de la bande à Billy (PolyGram, flairant la bonne affaire, avait, à l’époque de Mangez-moi, pris le premier album en licence), la voie de l’indépendance semblait la meilleure pour un groupe prônant la liberté d’expression, la conscience sociale et le délire pur et simple, comme on peut de nouveau le constater sur leur plus récent Verdure et libido, offert en édition québécoise par Local Distribution (avec quatre chansons tirées de leur premier album, dont Mangez-moi). Une équation rafraîchissante mais pas simple à cataloguer: "Le problème qu’on a, je crois, c’est qu’on est engagé et, en même temps, on est adepte de l’autodérision, et il semble que ça passe plutôt mal. À mon avis, ce n’est pas crédible pour elles (les majors). Elles aiment bien avoir des sérieux d’un côté et des rigolos de l’autre. Mais le mélange des deux, elles ne savent pas quoi faire avec… Nous, on ne fait pas la morale aux gens. On exprime l’état d’esprit d’une génération qui est consciente du monde dans lequel elle vit et qui veut à la fois vivre heureuse, même dans la marginalité, et avec le maximum de liberté. On n’est pas là pour créer des vocations militantes; on est là pour les accompagner."

Le 15 novembre
Au Club Soda
Avec Le Karlof Orchestra et Geneviève et Matthieu
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