Gabriel Thibaudeau : Secret bien gardé
Le compositeur GABRIEL THIBAUDEAU est probablement mieux connu des cinéphiles et des amateurs de danse que des habitués du concert. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. La situation pourrait commencer à changer avec le prochain programme de l’ensemble Musica Camerata.
Après avoir commencé l’étude du piano à cinq ans et poursuivi dans cette voie à l’École de musique Vincent-d’Indy, Gabriel Thibaudeau s’est tourné vers la composition à l’Université de Montréal, où il a suivi les enseignements de Michel Longtin, Serge Garant et André Prévost. S’ajoutent à cela des cours donnés par Iannis Xenakis, que Thibaudeau a suivis alors qu’il était inscrit à la classe d’électroacoustique de Micheline Coulombe Saint-Marcoux. Cette suite de noms laisse à penser que notre homme doit être aujourd’hui un compositeur de musique contemporaine "pur crin". Il l’est aussi, mais il est surtout connu pour ses talents de pianiste dans les salles obscures où il accompagne des films muets. Pianiste attitré de la Cinémathèque québécoise depuis 1988 (il y est chaque vendredi à la séance de 18 h 30; c’est là qu’a lieu notre entretien), il a acquis à ce titre une réputation internationale très enviable qui lui permet d’exercer ses talents de compositeur, et plus seulement pour le piano, dans ce domaine très particulier. Le compositeur reste malgré tout méconnu du public qui fréquente les concerts. "J’ai composé principalement pour le cinéma, explique-t-il, et, bien que j’aie étudié avec des gens qui ont marqué la musique contemporaine, je n’ai jamais dédaigné les autres langages musicaux, ce qui fait qu’on trouve dans mes oeuvres aussi bien de la musique aléatoire que des accords de do majeur! La musique que j’ai composée pour le film L’Homme qui rit de Paul Leni (1928), à la suite d’une commande de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, et qui a été enregistrée par l’Octuor de France, reste, par exemple, assez romantique." On peut aussi trouver la musique de Thibaudeau pour le film The Phantom of the Opera (1925), de Rupert Julian, sur DVD.
Bien sûr, l’accompagnement de films muets demande une ouverture particulière à plusieurs genres musicaux. Le compositeur acquiesce: "Comme j’accompagne un film par semaine, et rarement des films comiques, je ne joue pas que du ragtime! Il y a un mois, j’accompagnais un film intitulé Gardien de phare (Jean Grémillon, 1929), et je l’ai fait au piano préparé, jouant la moitié du temps directement sur les cordes. Évidemment, je dois tout de même rester au service de l’oeuvre que j’accompagne et, en quelque sorte, réussir à me faire oublier." Attirés par cette polyvalence, les Grands Ballets Canadiens de Montréal (GBCM) lui commandaient en 2000 l’adaptation de la musique de l’opéra de Tchaïkovski La Dame de pique, pour un spectacle qui fut créé avec beaucoup de succès en octobre 2001. Ce ballet multimédia, la production la plus coûteuse de l’histoire des GBCM, est repris les 27 et 28 mai prochains (Théâtre Maisonneuve, 20 h). L’orchestre des GBCM, sous la direction de Jacques Lacombe, a enregistré l’oeuvre chez Analekta et l’interprète en direct lors des représentations.
Surprise, c’est au tour de l’ensemble Musica Camerata de Montréal de créer une oeuvre de Gabriel Thibaudeau lors du dernier concert de sa 33e saison. "Ma pièce Les Bijoux n’est pas une oeuvre tonale, explique le compositeur, et lorsque le directeur musical de l’ensemble, Luis Grinhauz, m’a commandé l’oeuvre, il m’a dit: "C’est une soirée de musique romantique"; mais je pense qu’il peut y avoir différentes interprétations du terme "romantique"! Donc, ce n’est pas forcément tonal, mais ça reste harmonieux." L’oeuvre, pour violon, alto, violoncelle et piano, est basée sur un poème de Baudelaire dont un narrateur fera lecture entre les mouvements. Au même programme: Fantasiestücke opus 88 pour piano, violon et violoncelle de Robert Schumann et le Quintette pour piano et cordes opus 26 d’Ernö von Dohnanyi.
Le 17 mai, 20 h
À la Salle Redpath de l’Université McGill
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Le NEM voyage
Le Nouvel Ensemble Moderne participait, du 2 au 13 mai, à sa 10e tournée française, donnant un concert à Beauvais et deux à Marseille dans le cadre du festival "Les Musiques". Le NEM a interprété, entre autres, la très belle pièce de Tim Brady Playing Guitar, qu’il créait ici en octobre dernier. Je ne sais trop si l’on doit l’interpréter comme l’éveil d’une nouvelle sensibilité chez la directrice artistique de l’ensemble, Lorraine Vaillancourt, mais c’est avec un autre guitariste que l’on pourra voir le NEM lors de son prochain concert, non pas à la Salle Claude-Champagne, mais bien au Colisée des Bois-Francs durant le Festival international de musique actuelle de Victoriaville. Après deux passages au FIMAV, en 1991 et 1997, le NEM y revient en très bonne compagnie: le guitariste britannique Fred Frith, dont il interprétera la musique. Le NEM a connu un grand succès lors de son dernier passage au FIMAV avec la musique d’Heiner Goebbels; il y a fort à parier que ce prochain concert avec l’un des "chouchous" du festival (il était de la première édition et en sera à sa 14e présence) laissera des traces dans l’histoire du FIMAV.
L’ensemble de 16 musiciens y interprétera des oeuvres qui ont été créées par l’Ensemble Modern de Francfort, l’Ensemble Asko d’Amsterdam, l’Ensemble Relâche de Philadelphie et Les Quatre Guitaristes de l’Apocalypso Bar, de Montréal. Lorraine Vaillancourt sera bien sûr à la barre et le compositeur-guitariste s’ajoutera à l’ensemble. Le 18 mai, 22 h, à Victoriaville.