Nada Surf : Affront populaire
Musique

Nada Surf : Affront populaire

Enfin échappé de l’étiquette one hit wonder, Nada Surf revient faire la preuve de plusieurs qualités qui ne lui ont jamais fait défaut. À preuve, ce Let Go toujours touchant, intense et passionnant.

Du succès planétaire de leur premier simple (Popular) il y a sept ans à l’intimité et l’introspection de leur troisième album Let Go, les New-Yorkais de Nada Surf ont, pour le grand public, connu de meilleurs jours. C’était bien mal connaître ce groupe qui a toujours voulu (et pas toujours su, involontairement) garder ses ambitions modestes malgré son désir de toucher, profondément et intensément, un bassin de fans toujours aussi fidèles. Surtout ici, depuis que le groupe possède en plus cette aura de sympathie due aux versions françaises de certaines de leurs chansons.

Il ne faut pas s’en cacher, pour plusieurs, le nom de Nada Surf est uniquement accroché à ce très sarcastique guide de popularité typiquement ado qui l’a rendu célèbre. On voudrait bien passer sous silence ce moment où un petit groupe accrocheur est contre son gré devenu une boursoufflure postgrunge des ondes radio et télévisuelles. Car contrairement à bien des jeunes se lançant dans l’aventure musicale, Matthew Caws (guitare, chant), Daniel Lorca (basse) et Ira Eliot (batterie) se seraient bien passé de cet épisode… ou presque. Joint chez lui à Brooklyn, le francophile Matthew Caws, pour un, a cependant une vision très lucide de ces débuts fulgurants qui auraient bien pu les renvoyer dans l’indifférence, l’anonymat ou, pire encore, dans l’univers impitoyable des has been. "Popular nous a aidés et nous a nui tout autant… Ça n’a pas été bien pour nous, car ça a donné une impression bizarre du groupe et maintenant ça fait tellement d’histoires dans la presse du genre "Vous vous rappelez le groupe qui était grand et qui est devenu petit"! La vérité est plutôt à l’inverse de cette version: on est juste un petit groupe et on l’était avant aussi. Mais pendant six mois, par accident, paf! nous voilà à la télé. Mais maintenant, on peut dire que les choses sont revenues à la normale: soit faire des disques en espérant qu’ils soient toujours meilleurs. Bref, cette histoire est ennuyante, car elle donne une visibilité que je trouve moins intéressante que les disques."

Parlons-en, des disques. La carrière de Nada Surf n’a pas toujours été de tout repos de ce côté. Après un premier essai pour Elektra produit par Ric Ocasek, l’étiquette les vire. L’excellent deuxième album ne sort qu’en Europe sous la houlette de Fred Maher (Luna, Lou Reed), puis le dernier se fait à la maison, entre amis, et sort sur l’étiquette beaucoup plus confidentielle de Barsuk. De nombreux changements qui expliquent un peu la longue attente entre chaque album. "Tous ces changements nous ont surtout nui, explique Caws. Ils nous ont pris beaucoup d’énergie et de temps que j’aurais aimé mieux utiliser pour la musique ou pour écrire simplement des lettres!… Mais pour en revenir à Let Go, c’est le disque dont nous sommes le plus fiers. Il faut dire aussi qu’il y avait beaucoup moins d’attentes envers celui-ci; personne ne nous regardait, nous avons pu opérer dans un vide total, ce qui est un grand luxe, je crois."

Des changements à l’externe, oui, mais d’autres sont aussi audibles sur Let Go. Des charges intenses et des monologues sarcastiques de The Proximity Effect, le groupe est passé aux constats doux-amers plus posés toujours aussi authentiques sur ses plus récentes chansons. Bonne nouvelle, Nada Surf n’a jamais cessé d’évoluer. "Après The Proximity Effect, j’ai été chez moi pour deux ans, ce qui a donné corps à des histoires du coin, des histoires de quartier et de coeur; pas des trucs conceptuels écrits sur la route et qui se déroulent dans nos têtes. C’est surtout écrit du point de vue de quelqu’un qui travaille plus, par exemple, chez un disquaire que sur un disque, et qui ne sait pas toujours ce qui se passe. La vérité, tu sais, c’est que quand ça marche bien en musique, on n’a pas une vie normale, on est plutôt privilégiés! Notre ego est constamment caressé dans cette situation. Je dirais simplement que le disque, lui, est écrit du point de vue de quelqu’un qui n’a pas tout ça, qui n’est pas détaché de la réalité et qui ne vit pas dans des conditions surréelles! Et je crois que ça aussi, c’est un luxe…"

Même si Matthew Caws avoue que New York a une grande influence sur le groupe, force est d’avouer que le son Nada Surf prend parfois une tangente moins urbaine dans sa forme (entendre la fabuleuse Blonde on Blonde, en hommage à Dylan), moins urgente aussi. "Peut-être, peut-être… avoue Caws, mais l’âge a à voir là-dedans: ça donne souvent une musique plus calme. J’espère bien refaire de la musique plus "lourde" mais je ne crois pas que nous referons de la musique nécessairement "nerveuse". Tu sais, je suis déjà une personne nerveuse et c’est épuisant d’être nerveux!"

Le 1er juin

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