Yvon Krevé : Un « patnè » increvable
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Yvon Krevé : Un « patnè » increvable

J’écris le plus simplement possible, explique Yvon avec ce même débit increvable qui le caractérise quand il rappe. Je n’essaie pas de styliser plus qu’il ne faut, you  know.

Il y a deux choses au sujet d’Yvon Krevé qu’il ne faudra jamais oublier ni passer sous silence. Primo: sa spectaculaire entrée sur la scène du hip-hop québécois. Invité du tandem Sans Pression dans le désormais incontournable L’Étage souterrain, un clip de Charles-Éric Savard, le métis capoté avait surgi littéralement comme un diable de sa boîte avec son flow complètement insensé. Deuzio: ce beau lundi de juin de l’an 2000, jour où son premier album, L’Accent grave, s’est inscrit, moins d’une semaine après sa sortie, au numéro un des ventes francophones du palmarès québécois, chiffres soundscan à l’appui. Le genre de truc qui impose le respect dans l’underground et ferme la gueule aux délateurs pour un bout.

Et même si sa toute nouvelle galette, Quand j’rap pas, n’a pas fait une entrée aussi fracassante sur le marché, bon sang! ce n’est pas faute d’avoir du punch. Ça rebondit sans répit du début à la fin avec une franchise, une insolence et un fun irrévérencieux rarement égalés dans le genre. Les censeurs vont péter les plombs, ça c’est sûr.

"J’écris le plus simplement possible, explique Yvon avec ce même débit increvable qui le caractérise quand il rappe. Je n’essaie pas de styliser plus qu’il ne faut, you know. Ça reste direct et assez cru mais il ne faut pas que les gens qui ne sont pas du milieu aient de la difficulté à comprendre le texte à cause du vocabulaire ou de la vitesse, par exemple."

On te reçoit cinq sur cinq, man. Dans nos rues, Ma vision des choses, Guess Who’s Back ne sont pas des titres qui risquent le moindrement de rater la cible. On joue franc jeu.

"Je n’écris pas pour un public ou une cible en particulier. Ça sort comme ça doit sortir."

Mais ça ne se prend pas la tête pour autant. Yvon poursuit avec son punch, sa dégaine habituelle: "Sur le premier disque, il y avait des sujets plus sérieux. Avec le deuxième, c’est devenu moins knowledge, plus fun. C’est venu aussi avec la naissance de mon fils!" Le kid a trois ans maintenant. Deviendra-t-il rappeur lui aussi? "Je ne veux pas qu’il fasse du hip-hop, dit Yvon sans détour. Je veux qu’il chante de la musique, comme R. Kelly, qu’il fasse de la vraie musique qui rapporte de l’argent." D’ailleurs, le rêve avoué de ce papa rappeur, c’est de posséder un studio pour réaliser d’autres artistes urbains.

Mais s’il règle tous ses problèmes avec l’industrie, noir sur blanc, dans Bizness de cds, Monsieur Krevé va se faire taper sur les doigts pour atteinte à la pudeur. N’empêche qu’il rigole un bon coup quand je le traite "d’obsédé textuel" qui pourrait quasiment mériter le titre de M.C. le plus horny du Québec. "J’aurais pu écrire un album entier rien que sur ça! La presse sérieuse pense qu’on insulte les femmes avec toutes ces références à notre sexualité, mais je te garantis qu’elles sont les premières à apprécier ce langage sans-gêne. C’est une question de culture. On est différents. On est plus chauds!"

Douce ironie quand même que le destin de ce pornographe parfaitement crédible né par hasard à Winnipeg et domicilié aujourd’hui dans le réseau 450. Fils d’une Albertaine anglophone et d’un musicien créole des Fantaisistes de Carrefour, ce groupe néo-romantique de la banlieue de Port-au-Prince qui a fait fureur dans les années 60, Yvon en a long à dire sur la famille, la chaleur humaine, mais sa prétendue couronne de "King de Longueuil" ne lui fait ni chaud ni froid. "Je n’ai jamais voulu porter de titre. Ce sont les journalistes parfois qui veulent mettre plus de hype et qui emploient des formules comme ça. C’est sûr que si on dresse une liste des M.C. issus de la Rive-Sud, on pourrait me mentionner parmi les pionniers. Mais, en réalité, le pont est à cinq minutes. Et la vie nocturne, les clubs, l’action, c’est vraiment à Montréal que ça se passe!"

Le 30 mai
Au Club Soda
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