Alpha Blondy : Pas bête, Alpha!
Musique

Alpha Blondy : Pas bête, Alpha!

Seydou Koné, alias Alpha Blondy, est impossible à joindre au téléphone! On essaie tout pendant sa brève escale à Seattle. De portable en portable, on le cherche partout, on joue à cache-cache. Et lorsqu’il finit par décrocher le combiné dans sa chambre d’hôtel, et qu’il vous dit humblement "Bonjour, mon frère", Alpha-le-rebelle, Alpha-le-pacifiste, le plus célèbre et le plus fou des chanteurs de reggae de tout l’hémisphère sud, vous fait oublier une heure d’attente en une seule phrase.

"Il faudra dire aux promoteurs de ne plus nous écarter de [W91]l’itinéraire canadien", blague le célèbre Ivoirien sur le ton le plus sérieux. Il ajoute même, avec un air amical qui désamorce l’ironie: "Il paraît qu’on était trop cher, mais maintenant on a fait un prix abordable." C’est que, pendant qu’on le croyait disparu de la carte et que les mauvaises langues le prétendaient encore disjoncté, Alpha a fait un nouvel album assez percutant, Merci, mixé en France chez Harry Son et distribué aux États-Unis par Shanachie. La multinationale EMI a beau l’avoir laissé tomber pour incompatibilité de caractère, cet ancien drop out de Columbia University a encore un public attentif bien posté aux quatre coins de la planète. Et s’il ne se rappelle pas du tout la dernière fois qu’il est venu à Montréal, on lui pardonne: il a tellement voyagé depuis! L’Europe, l’Asie, l’Afrique, bien sûr, et le Pacifique (il se produit notamment à Tahiti, en Nouvelle-Calédonie et dans plusieurs villes d’Australie) sont peuplés de fans qui connaissent encore par coeur Jérusalem et Brigadier Sabari.

En tout cas, en attendant la grand-messe de mercredi prochain au Métropolis, je ne suis que trop content d’avoir au bout du fil la personne qui va enfin m’éclairer sur cette malheureuse crise annoncée qui bouleverse maintenant la Côte-d’Ivoire, depuis le schisme interne jusqu’à l’intervention très controversée des troupes françaises. Mon interlocuteur ne rigole pas. "On m’a sorti une fois: si quelqu’un te dit qu’il comprend le problème ivoirien, c’est qu’on le lui a mal expliqué! Je n’ai jamais compris ce désir aveugle de pouvoir qui s’empare des politiciens et va jusqu’à mettre en péril un pays qu’ils disent tous aimer."

Alpha avait formellement alerté la population et les dirigeants dans des textes récents comme Guerre civile ou encore La Course au pouvoir. Et quand son compatriote Tiken Jah Fakoli, qui a le vent en poupe, chante haut et fort Le pays va mal, lui renchérit de plus belle avec le refrain "Ça va de mal en pis". Nous, à force d’écouter Coldplay et 50 Cent, on a tendance à oublier que certains chanteurs se savent investis d’une mission historique et se croient engagés dans la chose politique de leur pays, à l’exemple d’un certain Marley en Jamaïque, jadis. "La Côte-d’Ivoire a besoin aujourd’hui que ses enfants parlent aux politiciens, poursuit simplement l’interprète. C’est leur manque de maturité politique qui les a amenés à se planter comme ils l’ont fait. Jusqu’à entraîner une guerre civile. En tant que musicien, j’ai joué mon rôle de thermomètre et de sonnerie d’alarme, you know. Mais tu sais, la politique est une drogue dure. Quand ces mecs sont sous son emprise…"

Proprement effrayante, la chanson Vous jouez avec le feu qui clôt le nouvel album est un ultime avertissement à cet égard, assez cinglant pour faire grincer les dents. Prophète de malheur, Mister Blondy? "Cette chanson s’adresse à tous les hommes politiques, à tous les partis de mon pays, précise le chanteur sans broncher avant de nommer le FPI, le RDR et le PDCI. "Moi, mes chansons, je les chante partout. J’ai cette chance depuis 25 ans de dire toujours ce que je pense. On ne m’a jamais encore fait taire. Voilà pourquoi je vis encore là-bas. Les gens me rencontrent dans la rue à Abidjan et j’entends toujours la même phrase: Les événements m’ont donné raison. Le peuple a dit que j’avais eu tort d’avoir raison trop tôt."


Le 17 septembre à 20 h
Au Métropolis
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