Jeronimo : Jamais sans ma frousse
Musique

Jeronimo : Jamais sans ma frousse

La tournure que prend le monde actuel ne plaît guère au Belge Jérôme Mardaga, alias JERONIMO. Et la trouille engendrée ne lui inspire aucune honte. Au contraire, elle le  réconforte.

Comme Bowie, il a peur des Américains. Il redoute ce monde sous le joug des apparences et de l’argent. Il craint l’amour, un peu, et appréhende que des machines soient un jour nécessaires pour gérer les émotions. "Je suis quelqu’un d’assez peureux dans la vie. J’ai toujours essayé de me protéger d’un tas de choses, parce que le monde extérieur m’a toujours fait peur et je dirais que plus ça avance, pire c’est! Quand je vois ce qui se passe, par qui on est dirigés, puis vers où ces gens nous amènent, seulement d’admettre sans honte que ça m’effraie, eh bien, ça m’aide et me donne un peu confiance. Et le fait que des gens viennent me dire qu’ils ressentent la même chose, eh ben, ça m’isole un peu moins; je me dis que je ne suis pas seul", confie le guitariste-chanteur Jérôme Mardaga, qui profite de quelques jours de repos dans la métropole avant de poursuivre sa tournée du Québec avec ses musiciens Sacha Symon (basse) et Thomas Jungblut (batterie).

Son disque, Un monde sans moi, est un avis de refus, une clause de non-adhérence à un contrat dont on a été exclu, oublié, et dont la signature a été imposée. Et peu importent les conséquences de cette résiliation unilatérale. "Je pense que le thème global de l’album et son titre, ça veut dire "Oh! Là! Hey! Ho!… Moi, c’est pas comme ça que j’avais envisagé les choses au départ, et si c’est ça qu’on me propose, ben non, moi, je vais essayer de trouver autre chose, quitte à être un peu seul et malheureux, mais je ne peux pas adhérer à tout ce qui nous est proposé parce que je crois qu’il y a énormément de choses qui sont très nocives pour nos esprits"." "Un appartement à Blankenberghe ou à Ibiza/Avec beaucoup de soleil/À côté de la plage/Juste en face de l’océan/Et tout autour des fausses blondes avec leurs gros nibards en silicone/Vous avez déjà goûté du silicone?/C’est vraiment dégueulasse", déplore-t-il sur L’Été inoubliable, dénonciation virulente de la dictature du bien-paraître et des vacances préfabriquées. "Je ne comprends pas: pour moi, c’est une dérive significative de notre société moderne occidentale. C’est-à-dire qu’on peut tout refaire: "Mon nez est un peu de travers, hop! un nouveau nez, et hop! de nouveaux seins…" Je ne sais pas, moi, peut-être qu’un jour on va arriver et dire: "Mais j’aime pas mon enfant, j’en veux un autre"; "Pas de problème, on va vous sortir le numéro 2"! J’ai l’impression par moments qu’on va vraiment vers ça, au mépris de tout le mal que ça peut engendrer, non seulement pour la santé physique mais aussi mentale… On fait beaucoup d’argent avec le malheur et l’insatisfaction des gens alors qu’on devrait plutôt leur apprendre à s’accepter tels qu’ils sont. Je suis peut-être un peu naïf par rapport à tout ça mais je ne pense pas être bien loin de la vérité…"

En plus des craintes extérieures, certaines surgissent du plus profond de l’être, de la seule condition humaine. Comme cette douce hantise de l’amour, flirtant sournoisement avec le besoin de rencontres sur la pièce La Fille sous l’eau. "Je pense que c’est toujours un peu lié; on a envie d’aimer quelqu’un mais, en même temps, on a peur parce que ça représente beaucoup de choses: ça signifie s’engager, respecter et faire confiance… On en a envie, on en a besoin, c’est vital mais, d’un autre côté, on est toujours un peu freiné parce qu’on ne sait pas ce qui pourrait arriver…" Comme par exemple, tout ce qui peut mener à des problèmes du genre Ma femme me trompe, dernier extrait de l’album. "Je crois que l’ennui tue les couples. Ça ne leur laisse pas beaucoup de chances de survie; quand il ne faut surtout plus changer les choses parce qu’on est "bien" comme ça et qu’on a peur, encore une fois, de changer ce qui fonctionne plus ou moins alors qu’on pourrait aller vers un mieux… Moi, c’est quelque chose que j’ai vécu, et qui s’est passé après la chanson. Au départ, ce n’était pas une chanson autobiographique; c’était une chanson beaucoup plus pour rire, mais maintenant, ça me fait nettement moins rire (rires!)…"

Le 16 octobre à 20 h 30
À l’Autre Caserne
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