Michel Faubert – Jérôme Minière: Histoires sorcières : Avocats du diable
Musique

Michel Faubert – Jérôme Minière: Histoires sorcières : Avocats du diable

L’art du conte se fait audacieux et brise les tabous. Il se métisse, chasse la pensée unique et poursuit la filiation entre passé et présent. À travers tout le Québec, son auditoire s’accroît. Le conte a rangé sa chaise et sa veste à carreaux depuis quelques années déjà, l’aviez-vous remarqué?

Voilà un duo inopiné!

L’un, chanteur des Charbonniers de l’enfer et conteur émérite, l’autre bidouilleur à ses heures et chantre de la nouvelle chanson francophone. Des indices laissaient pourtant entrevoir cette association. Tous deux travaillent sous la même enseigne. Et les histoires de Petit Cosmonaute, la dernière parution de Minière, tiennent souvent de la fable ou de la comptine, sans oublier Herri Kopter, rencontre urbaine avec un monde imaginaire.

Faubert connaissait tout cela et l’appréciait aussi. En homme dévoué à son art, il sait insuffler les bonnes idées et faire jaillir le conte. À son invitation, l’année dernière, naissait une première rencontre aventureuse à Lyon: Michel Faubert et Jérôme Minière dans Histoires sorcières.

Cette première collaboration n’est cependant pas à l’origine d’Histoires sorcières. Faubert envisageait de reprendre les contes d’un incontournable auteur français, Claude Seignolle, et d’écrire quelques histoires dont il avait déjà les idées. Minière s’avoua ravi d’y participer. Ravissement partagé car nous redécouvrons Seignolle, celui qui "a donné naissance à une oeuvre unique dans les annales de la littérature fantastique", en plus de nouveaux contes de la plume des deux protagonistes et une efficace écriture mise en commun.

Claude Seignolle est le pape des satanistes de Turin: "Cette anecdote, une parmi tant d’autres, confie Faubert, révèle bien le personnage. Alors que de véritables satanistes de Turin découvraient Les Évangiles du Diable de Seignolle, ceux-ci lui demandèrent de leur en faire la lecture. Bon joueur, il accepta et les satanistes lui conférèrent ce titre!" On retrouve quelques évangiles dans ces soirées: "Les comètes et les étoiles filantes sont des allumettes que le Diable lance après avoir allumé sa pipe!" En 30 années d’écriture, ce monument vivant de la littérature fantastique a sauvegardé tout un pan de la tradition orale française. Bien qu’il ait abandonné la plume depuis longtemps, il n’a jamais cessé de s’occuper de son oeuvre et, à l’occasion, de retoucher ses contes. Faubert entretient une relation privilégiée avec lui. "On s’appelle une fois par mois et on discute longtemps. À 85 ans, j’aimerais beaucoup être comme lui, d’une vitalité hors du commun. Il m’a beaucoup influencé!"

On ne retrouve pas que du Seignolle dans les soirées d’Histoires sorcières. Faubert présente de nouveaux contes écrits de sa main et Minière signera avec lui le texte de Monsieur Émile. Une histoire inspirée d’un fait vécu où Minière déverse sa poésie dans la bouche d’une entité surnaturelle. "Dans ce conte, je me suis inspiré d’un fait vécu mais aussi des mondes cachés que des gens possèdent sans le savoir. La partie de Jérôme s’inspire de contes chamaniques sibériens." Selon Faubert, Minière a apporté, en plus de la musique, beaucoup de poésie dans cette entreprise. "Le premier angle voulait que Jérôme fasse des musiques et que moi je raconte. Puis, à la suite de l’étrange événement de Lyon, nous n’étions pas satisfaits. On s’est entendu ensuite pour que Jérôme prenne la parole. Sans lui, ce serait complètement différent!" On découvrira donc "un Minière conteur" dans un conte urbain de son cru inspiré de l’histoire des tortues de Detroit! Une véritable légende urbaine jamais résolue à ce jour. Quant à Faubert, ses contes macabres évoquent la mort, la sexualité, la maladie, la phobie – de la taxidermie notamment – et le malin en s’inspirant profondément de faits vécus. De quoi inspirer toutes les peurs!

N’oublions pas la musique, qui occupe une place importante de par les ambiances qu’elle projette. "L’arrivée de la musique change beaucoup de choses. J’avais des canevas, et la présence de Jérôme a fait se développer ces histoires d’une autre manière que s’il y avait eu une autre musique ou pas du tout. La musique a eu beaucoup d’influence, d’autant plus que des compositions sont arrivées avant que les contes ne soient élaborés." Une bande-son minimale accompagne la plupart des contes et offre véritablement une autre perspective. Minière accompagnera à la guitare, aux claviers ou à la voix son nouveau comparse sur quelques chansons bien choisies. "Une autre chose qui n’était pas prévue", dira Faubert. Une charogne de Ferré-Baudelaire et 10 000 oiseaux de Pierre Flynn, entre autres, s’intègrent intelligemment au concept.

La mise en scène, signée Pyer Desrochers, est soignée. Faubert apprécie son approche et n’a pas hésité à faire appel à ses services. Le jeu d’éclairages propose une atmosphère sobre et juste. Quant à Jérôme Minière, le travail de Desrochers lui a permis de prendre sa place sur scène. "J’ai la mauvaise habitude de m’effacer quand j’accompagne quelqu’un. Je me fais discret, un peu comme un premier de classe!" La chimie semble maintenant opérer et une belle complicité se dégage pendant la soirée.

Histoires sorcières poursuivra sa route au Québec et en Europe en continuant d’évoluer. "C’est un spectacle élastique où parfois il y aura plus de Seignolle ou plus de Faubert-Minière. Il y aura différentes versions, c’est sûr, parce que de nouvelles choses s’ajoutent et on ne peut pas tout intégrer. Selon moi, il fallait incorporer des affaires nouvelles", conclura Michel Faubert. Histoires à suivre…

Du 28 au 31 octobre et le 1er novembre
Au Cabaret