Entretien avec Daniel Bélanger : Sons du K.-O.
Musique

Entretien avec Daniel Bélanger : Sons du K.-O.

DANIEL BÉLANGER nous livre avec son dernier-né, Déflaboxe, un album-concept qui ne ressemble en rien à ce qu’on connaît. L’artiste nous y fait vivre un véritable match de boxe en dix rounds où un homme mène son dernier combat. Métaphore de la vie humaine, de ses luttes intérieures, faite d’échantillonnages et de textes récités. Entretien sur le ring.

Comment est né l’album Déflaboxe?
"C’est un combat que j’ai vu chez moi, un combat préparatoire à un grand combat. Un des boxeurs ne se défendait plus, il tendait sa joue pour se faire frapper. En fait, il allait se suicider sur le ring. J’ai senti qu’il était incapable de décider lui-même de laisser tomber la boxe. Il ne se défendait plus pour que les autres l’empêchent de boxer jusqu’à la fin de ses jours. Ça m’avait énormément touché, cette espèce de courage du désespoir."

Après l’écoute de Déflaboxe, on a un peu l’impression d’être chacun un boxeur dans son petit ring à soi, essayant de résister aux coups du destin…
"En fait, il s’agit d’une métaphore sur la solitude et sur le fait qu’on a des coups à prendre. C’est un peu cliché et assez classique comme interprétation. On sait tous qu’on naît et qu’on meurt seul… J’espère que ce n’est pas aussi sombre que ce que je suis en train d’en dire (rires)…

"En même temps, j’y ai découvert quelque chose de nouveau: l’échantillonnage. L’album est constitué à 100 % d’échantillonnages puisés à 95 % dans le répertoire québécois des 50 dernières années. J’étais autant inspiré par le thème que par la matière. (…) J’en ai profité pour mettre de la musique que j’écoutais dans les années 70. Il y a une mine de vinyles au Québec dans les magasins de disques usagés, on retrouve des choses extraordinaires, surtout dans le répertoire québécois, parce que personne n’est allé y mettre son nez. Si tu prends un échantillonnage de James Brown, ça se peut que tu sois le quatrième à le faire, alors que je ne crois pas être le quatrième à avoir échantillonné Raymond Berthiaume, le Ville Émard Blues Band ou Muriel Millard… J’ai aussi échantillonné un petit huit secondes d’un album d’Elvis Costello qui s’appelle Juliet Letters, mais il ne cède pas les droits d’utilisation, Elvis Costello. Il demande à être le co-compositeur. J’ai donc co-composé une chanson avec Elvis Costello, alors que je ne l’ai jamais vu (rires)."

Est-ce que ç’a été difficile de t’empêcher de chanter par moments?
"Oui, à la fin, en dixième ronde, il y a de la musique de Claude Léveillée et je chantonnais en même temps que le saxophone mais on l’a finalement enlevé, en tout cas on l’entend très peu. Ça devenait hors contexte tout à coup de chanter là-dessus. Il faut dire que le breakbeat et toute cette culture-là se prêtent bien à la narration. Le hip-hop, c’est aussi la musique de la boxe, il est très présent dans ce monde-là."

Musicalement, on a vraiment l’impression de passer de coups effrénés à des ralentis, jusqu’aux petits oiseaux qu’entend parfois notre boxeur?
"C’est de la mise en scène. C’est comme une pièce de théâtre sans entracte. Je me suis éclaté avec Déflaboxe parce qu’il englobe un paquet de disciplines. Ç’a été une recherche fabuleuse. (…) Le texte était tout écrit, et à un moment donné, j’ai eu le flash d’enlever tous les mots féminins dans les neuf premières rondes. À partir de ce moment-là, ç’a été un cauchemar. Bien que ça ait l’air de quelque chose de relativement simple, ça m’a rendu fou. Jusqu’à la fin, j’en ai trouvé. À travers ça, je faisais le pari que, de façon subliminale, on se sente encore plus dans un monde de gars. Je ne sais pas si ça marche…"

En spectacle le 28 novembre
Au Métropolis