

Entretien avec Tord Gustavsen : Triatomique!
Lelièvre Denys
Les dernières éditions du Festival International de Jazz de Montréal ont permis d’illustrer une facette importante du jazz contemporain: l’expression du trio piano-contrebasse-batterie. La formation du pianiste norvégien Tord Gustavsen a remporté l’été dernier un vif succès, et c’est la raison de son retour en salle cet automne.
Tord Gustavsen est né à Oslo le 5 octobre 1970. Il a joué du piano, comme il le dit, "toute sa vie", c’est-à-dire dès l’âge de quatre ou cinq ans. Son parcours est varié: il a accompagné à l’orgue du spiritual et du gospel dans les églises, a appris les rudiments de la musique classique et suivi une formation complète au Conservatoire de jazz d’Oslo. C’est là qu’il a rencontré Harald Johnsen (contrebasse) et Jarle Vespestad (batterie). Le trio comme tel existe depuis trois ou quatre ans. Le disque du trio sur ECM, Changing Places, a été l’un des plus acclamés par la critique internationale. À l’image de la première pièce, Deep As Love, l’ensemble offre une suite de thèmes très lyriques, très évocateurs, comme des chansons; une improvisation qui allie impressionnisme et blues, caractérisée par la douceur, la délicatesse, le recueillement. Une musique dépouillée, économe, concise, sans notes superflues, comme dans Going Places. Le caractère introspectif de la musique de Gustavsen amène certains critiques à parler de romantisme, ce qui est restrictif: "Tous les trois, nous aimons jouer quelque chose qui est à la fois doux et très intense." At a Glance et surtout IGN offrent des moments rapides, plus percussifs. Graceful Touch et Where Breathing Starts, deux des plus belles pièces du disque, semblent évoquer quelque forme de tango ou la habanera, elles sont inspirées de musiques populaires: "Ma musique compte un mélange assez paradoxal: musique méditative et musique des Caraïbes. Je suis très intéressé par les racines de la musique afro-américaine: les premières formes du blues, le style Nouvelle-Orléans, la musique des Caraïbes." Amené à se situer par rapport à l’utilisation de l’électronique par plusieurs musiciens actuels, Gustavsen précise son choix: "Je n’utilise pas vraiment l’électronique. Je peux m’en servir comme source d’inspiration. Mais l’exploration du piano acoustique représente le défi de toute une vie." L’été du trio de Tord Gustavsen a été passablement occupé. L’ensemble a effectué une tournée de plusieurs villes européennes en compagnie du trio de Brad Mehldau et d’E.S.T, s’arrêtant par exemple à Vienne, près de Lyon. La génération des années 70 du jazz norvégien (Jan Garbarek, Terje Rypdal, Bobo Stenson, Palle Mikelborg, Arild Andersen) a certes offert une originalité indéniable, un son particulier. Gustavsen retient surtout l’apport d’une "solide confiance pour s’exprimer dans le contexte de la tradition jazz". Le FIJM a beaucoup contribué à nous faire connaître la dernière génération de musiciens norvégiens. Gustavsen partage son temps entre l’accompagnement de chanteuses (Silke Nergaard, Siri Giaere, Maria Roggen) et le travail en trio. Son intérêt premier est d’explorer toujours davantage cette interrelation avec Johnsen et Vespestad. Une occasion unique de découvrir un trio de jazz d’une musicalité exemplaire!
Le 21 novembre à 19 h et 21 h 30
Au Studio-Théâtre de la Place des Arts
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