Dumas par Léon,Léon par Dumas : Vice et versa
Musique

Dumas par Léon,Léon par Dumas : Vice et versa

Tu m’aimes? M’aimes-tu? Pourquoi? Moi? Les protagonistes du programme double le plus convaincant de l’automne se sont découvert une passion commune pour Melody. Est-ce une fille ou trois accords de guitare "à l’anglaise"? Comme autant d’arguments pour une blind date publique organisée par des amis fidèles, Dumas raconte Léon, Léon raconte Dumas. Et Melody? En sortira-t-elle ravie?

Allô Melody,

Dumas? Ses yeux me rappellent un peu ceux de Georges Brassens et son accent, celui de Georges Brassard – checke-z-y é’s ailes, crisse. C’est un gars que j’ai rencontré pour la première fois il y a environ un an, et que j’ai ensuite retrouvé sur le jury de la présélection du Festival de Granby – on a tripé pas mal fort. Super sympathique, le gars (tu l’aimerais dès la première rencontre, toi aussi). On vient un peu du même milieu lui et moi, j’ai même l’impression parfois qu’on a eu les mêmes parents; on aime les chips sel et vinaigre; on est pas mal sauvages; on a envie de faire attention à ceux qu’on aime; on a le même gérant; on préfère 10 entrevues à 150; on vit la nuit; on est toujours en retard dans nos impôts; pis on a besoin de muses pour écrire.

J’aime beaucoup son écriture, sincère, vraie, il y a une espèce de pureté là-dedans qui me touche pis qui me fait plaisir. Le gars a 24 ans, 2 albums d’enregistrés, des bonnes mélodies en tête, pis il est cool – qu’est-ce tu veux d’plusse, tabarnak? (comme dirait la célèbre maxime).

Son quartier général, c’est Chez Baptiste (sur Mont-Royal), il y sort souvent, tout seul – il aime sortir seul parce que ça laisse plusse de place aux rencontres de hasard – je suis bien d’accord. On s’est vu là, d’ailleurs, hier soir. On a parlé de tout et de rien et, entre autres, des lignes ouvertes. Il adore les lignes ouvertes. Il dit que c’est là qu’on peut vraiment prendre le pouls du peuple; que c’est là que du vrai monde parle de vraies affaires, sans sous-entendu quel qu’il soit.

On a aussi parlé des meubles qui décorent Chez Baptiste, on s’est ostinés sur le brun et jaune des murs (qu’il voyait, lui, en rouge et vert). Ça lui a rappelé la fois où il avait confondu le pot de relish avec celui de la sauce forte, dans son hot-dog… les daltoniens sont fuckés ben raide.

Anyway, on s’est commandé une bière pis on est passés à autre chose: les gens qui nous font chier.

On s’entend parfaitement pour dire que ceux qui sont fermés d’esprit ou qui sont convaincus que leur réalité est l’unique vérité sur la planète nous font chier. Dumas se fâche rarement, mais là, ses joues sont devenues un peu plus rouges quand il en parlait (brunes, pour les daltoniens). Son grand-père aurait été fier de l’entendre parler et de le voir défendre des valeurs auxquelles il croit. Savais-tu que Dumas avait été élevé chez son grand-père? Dans le sous-sol, en fait. C’est d’ailleurs là qu’il a commencé à rêver de musique. Le soir, il écoutait son grand-père qui jouait du violon à l’étage en revenant de la shop. Paraît que c’était un homme bien, son grand-père. Je pense même que c’est lui qui l’a initié aux blocs Lego (son jouet préféré). Je pense aussi que c’est lui qui l’a initié au Big Wheel (un gros tricycle que Dumas avait retourné en échange d’encore plusse de blocs Lego). Là-dessus, on s’est fait un "cheers" à la santé du maire de Victoriaville et comme ça allait ben notre affaire, on s’est mis à parler de religion.

Dumas n’est pas religieux mais il est animé d’une morale et d’une foi. L’univers est rempli d’étranges hasards, qu’il garroche après une longue pause, c’est à nous d’essayer de provoquer notre chance […] je vis avec cette impression…

On dit que c’est sous l’impulsion de cette philosophie que Dumas a pu un jour passer de gardien de but à défenseur, puis d’avant-centre à assistant-coach, au hockey. On dit aussi que c’est avec une larme dans l’oeil qu’il se remémore cette belle époque lorsque, l’hiver venu, il patine, cigarette au bec, sur la patinoire Laurier.

Là-dessus, on a constaté qu’on avait pus de cigarettes. Alors je suis sorti en acheter un paquet. En marchant vers le dépanneur, je me suis mis à réfléchir à ses textes. On peut y lire 9 fois le mot aube; 6 fois silence; 3 fois aurore; 1 fois solitaire; 4 fois je respire et 1 fois des cigarettes.

J’aime bien Dumas, que je me suis dit.

De retour Chez Baptiste, il y avait deux nouvelles bières sur la table. "Ç’a donc ben été long, tabarnak?" que me dit Dumas (pour citer une maxime bien connue). "Je pensais un peu à tes textes", que je lui réponds. L’ex-pompiste de Victo ferait quoi s’il ne pouvait plus écrire? Il ne sait pas. Il prend une bonne gorgée. Je m’allume une cigarette. Il ne sait toujours pas. Au moment où j’ai commencé à penser à autre chose, il ajoute: "Peut-être que j’animerais des lignes ouvertes."

Puis on s’est mis à parler de ce qui nous inspire lorsqu’on écrit; ici encore, on a un point en commun: les gens. Dumas a toujours une personne précise en tête lorsqu’il écrit. Cette personne est souvent liée à lui par amour ou par amitié. Dans ses rêves – qu’il note dans un carnet -, il n’y a que des personnages humains. Aucun insecte, aucun poisson, aucun oiseau, aucun animal (à part un ours, parfois, dans un cauchemar récurrent). La psychanalyse le fascine.

Le patron est venu ramasser les bouteilles vides qui traînaient sur notre table puis on s’est mis à parler de notre chanson inachevée, que nous achèverons; des heures qu’il aime passer en studio; de la chance que nous avons de pouvoir exercer le métier que nous aimons, en ce moment. Dumas m’a raconté un peu l’urgence de vivre qu’il ressentait, de même que sa peur de mourir jeune – ou de mourir trop tôt. On n’est pas les seuls à ressentir ça, je crois. Mais bon. La vie, malgré sa merde, peut vraiment valoir la peine quand on cherche à faire ce qu’on aime, avec ceux qu’on aime (certains crétins gouvernent ce monde sans trop y réfléchir, de toute évidence). Là-dessus, ça nous en a encore coûté chacun une. Une petite dernière avant de rentrer chacun chez soi.

Voilà. Je suis le cours des jours. C’est ce que nous avions en tête hier soir.
On se r’parle de ça un peu plus tard,
Love,
Martin Léon x
P.-S.: J’pense que ce serait un bon gars pour toi…


Salut Melody,

Comment c’est aujourd’hui en Angleterre? Ici à Montréal, il neige. Comme promis, moi, je t’envoie 12 grandes vérités sur Martin Léon, inspirées par ses titres de chansons.

1. Grand Bill
La première fois que j’ai entendu parler de Martin Léon, c’est par l’entremise d’un ami qui m’avait raconté qu’en tournée de promo à Québec, Léon avait accidentellement défoncé un mur dans une chambre d’hôtel en faisant un cauchemar. J’ai bien aimé cette légende de rock… La madame de l’hôtel, sûrement moins. Ensuite, on s’est croisé quelques fois et on est devenus amis. Léon, c’est quelqu’un de vrai. C’est ça qui m’a marqué au début. Le genre de gars que j’aurais aimé avoir comme grand frère. Un joyeux cocktail de poète, de philosophe et de conteur. Mais je n’ai jamais su c’était quoi le cauchemar.

2. Tu comprends rien
Son album, c’est une photo acoustique d’une partie de sa vie. Une photo très bien réussie à mon avis. Le thème de l’incompréhension entre les gens y est très présent. Il pense que si les gens savaient communiquer, ils se parleraient moins. J’aime bien l’idée. Tu me suis-tu?

3. Somelaihen
Somelaihen, ça veut dire chips sel et vinaigre dans mon ancien quartier d’Arthabaska, en banlieue de Victoriaville. C’est l’Indien des chips Yum Yum lui-même qui les aurait nommées ainsi. On partage la même passion pour ces chips. La belle haschischine dont il parle dans la chanson Kiki BBQ serait en fait la petite-fille de l’Indien. Mais ça reste à confirmer. Léon est aussi la seule personne que je connais qui mange des retailles d’hostie en quantité industrielle. Je crois qu’il a acheté la compagnie.

4. Sur tes seins
Léon m’a confirmé qu’il avait toujours eu besoin d’une muse pour écrire. On parle souvent de tes seins, Melody, en buvant du Ricard. La dernière fois, on s’est battus.

5. J’aime pas ça quand tu pleures
Martin a d’ailleurs passé son enfance à se battre dans le quartier Saint-Roch à Québec. Léon n’a pas d’idole mais des modèles. Il aime entre autres Bruce Lee pour sa détermination. Ça lui ressemble. En 1996, il a appelé l’opératrice en Italie pour joindre Ennio Morricone, le grand compositeur de musiques de films. Pour faire une histoire courte, il l’a joint par l’entremise de la mairie de Sienne, où il habite, et a fini par étudier avec lui. Il est le seul Québécois, à ma connaissance, à avoir travaillé avec lui. Léon, il a une bouille d’Italien.

6. Bumper à Bumper
Il se promène dans une vieille Volvo, un des modèles automobiles les plus sécuritaires selon l’industrie, ce n’est sûrement pas un hasard. Sa Volvo, on est restés pris bumper à bumper sur le pont Jacques-Cartier avec cet été. En pleine canicule, elle avait perdu tout son prestone et dans la grande chaleur de l’été dernier, le moteur avait surchauffé. Martin a passé une bonne demi-heure à demander de l’eau aux voitures dans l’embouteillage. Il a même fallu échanger du papier à rouler contre une bouteille. J’ai encore une photo de ça quelque part. C’est souvent du Bob Marley qui joue dans son auto. Dans sa valise, on peut trouver la plupart des accessoires qu’on retrouve dans le décor de son spectacle. Au dire de Sweet Leïlanie qui l’accompagne au violoncelle en spectacle, il traîne la moitié de son mobilier. C’est un peu son autobus privé de tournée, THE KIKI BBQ TOUR BUS, le modèle le plus sécuritaire de l’industrie!

7. Kiki BBQ
La première fois que j’ai entendu cette chanson, Melody, j’étais chez nous et j’étais resté assis sur le divan toute la fin semaine en pensant aux écureuils du parc Laurier. Je l’ai écoutée en boucle une couple de fois et je me suis dit que celle-là, j’aurais aimé l’écrire. Je crois que Martin aimait bien à l’époque être serveur dans une rôtisserie. C’était une façon à lui d’observer le quotidien du monde. Il s’était fait ami assez vite avec les serveuses dans la cinquantaine, qui lui ont appris comment parler aux femmes. Ensuite, dans la vingtaine, il est parti en Europe avec son sac à dos. On ne sait pas si les conseils des madames lui ont servi. Kiki, j’ai jamais su c’était qui et j’ai jamais goûté à son poulet.

8. Perte de nord
Dans le Nord, il y a un caribou amputé d’une patte. Elle sert de support à cendrier dans le salon de Martin. Il la traîne parfois sur la route.

9. Out in time
Martin n’est pas quelqu’un de fondamentalement ponctuel. Hier, je lui ai donné rendez-vous à 19 h 15, il est arrivé à 20 h 30. Mais quand il est là, il est là en criss (comme dirait Maxime). Il est allé acheter des sushis. Il a demandé au serveur s’il pouvait manger à l’intérieur. C’est un garçon bien élevé, qui a le talent de lâcher un tabarnak au bon moment.

10. Cinq minutes
On a commencé à écrire une chanson ensemble dernièrement qui dure environ cinq minutes. On n’a pas fini le texte encore. Martin travaille une chanson comme il travaille un diamant. Il aime laisser vivre la mélodie et prend son temps. J’aime cette façon de travailler. C’est un artisan.

11. Moon Grill
J’ai parlé à Martin ce soir, il semble anxieux de savoir ce que j’ai écrit dans ma lettre.

12. C’est ça qui est ça
Je te laisse sur une phrase qu’il m’a sortie hier: "Les bouttes de la vie qu’on n’aime pas, il faut les réinventer." C’est ça, Martin Léon, un philosophe du quotidien. Je l’aime bien. Le gars est aussi vrai dans la vie qu’il l’est sur son disque Kiki BBQ.

Salut,
Dumas
Xx
P.-S.: Je pense qu’il serait un bon gars pour toi, Melody…

Dumas et Martin Léon en spectacle
Le 29 novembre à 20h

Au Spectrum