Mandinga : L'Or du Pérou
Musique

Mandinga : L’Or du Pérou

Mesdames et messieurs, nous sommes au regret de vous annoncer que le groupe Mandinga (prononcez bien Man-n’-Diiing-Ga! ) n’animera pas la soirée annuelle de danse sociale au club de banlieue près de chez vous. Le piège est qu’il ne s’agit nullement ici d’un nouveau band de salsa ou de merengue. Ni d’un groupe à flûtes des Andes en poncho qui joue "El Condor Pasa". Mandinga est un cas particulier, voyez-vous. C’est une formation révolutionnaire. Et j’ai des preuves!

D’abord le nom. De consonance hispanique, ce mot réfère pourtant bien à l’Afrique de l’Ouest. Au Nigeria et au Congo, où fut capturé le premier contingent d’hommes noirs transportés par les conquistadores jusqu’aux rives pacifiques du Pérou. Minoritaires chez les Incas, ils ont travaillé comme esclaves dans les mines d’argent et n’ont pas laissé un sou en héritage. Sauf que… "Plus tard, explique Musuk, percussionniste central du groupe, des musiciens improvisés ont commencé à jouer leurs rythmes traditionnels dans les ports, assis sur les boîtes d’approvisionnement et sur les caisses de whisky entassées sur les docks. C’est de là que vient le cajon (littéralement, la boîte en espagnol), l’instrument de base de la musique nationale afro-péruvienne, l’emblème musical du pays." Un instrument très physique et spectaculaire que l’on croit à tort associé au flamenco. La faute à Paco de Lucia.

Musuk et son jeune frère Kullak, le chanteur leader du groupe doublé d’un congero percutant, sont issus de père québécois et de mère péruvienne. Mais ils portent fièrement leur double patronyme de Viger Rojas, selon la tradition hispanique. Pendant leur adolescence, ils ont parcouru l’aller-retour de Montréal à Lima et ont puisé à pleines mains, à la source même, un talent brut, une énergie fabuleuse. Et un rythme ensorceleur en 6/8, le festoja, qui constitue le ciment et la base fondamentale de la plupart de leurs compositions. "Callao était un ghetto, une région relativement dangereuse, se rappelle Kullak. On avait un petit band avec deux autres frères guitaristes et on se réunissait après les classes pour répéter nos petits spectacles. L’école était à Barranco; à une heure et demie, et il fallait prendre trois autobus avec nos cajons!" Faut vouloir.

Pourtant c’est au Québec, au cégep, que les talentueux frangins rencontrent d’autres frères de musique qu’ils endoctrinent à la défense de la culture latino-américaine d’ascendance africaine. Guillaume Adan, un remarquable flûtiste et saxophoniste (qui a largement fait ses preuves aux côtés du cubain Carlos Placeres), et Joseph Marchand (guitariste, arrangeur et désormais co-détenteur d’un Félix du meilleur réalisateur qu’il a obtenu avec Ariane Moffatt) ignorent alors que Mandinga signifie également fou, malin, astucieux ou rebelle. Aujourd’hui, ils répètent à dix dans un sous-sol de la rue Saint-Denis.

On peut y entendre une section de cuivres flambant neuve, une choriste haïtienne et deux Brésiliens: le batteur Sacha Daoud – que l’on a remarqué aussi avec Gaija – et André Faleiros, un aventureux bassiste brésilien, né en Hollande, qui a passé quinze ans dans son pays et dix ici pour étudier la musique et se lier d’amitié avec tout le groupe.

"J’ai essayé de rester fidèle à ce qu’ils attendaient de moi, s’excuse-t-il. Mais je ne pouvais pas vraiment aller contre ma nature. Avec l’arrivée de Sacha, c’est devenu plus syncopé."

Du tonus, de l’invention, on serait tenté de dire que Mandinga est le chaînon manquant d’un jazz-rock progressif de veine latine, mais ne vous y essayez même pas: le groupe se refuse à tout étiquetage. Guillaume, qui passe allègrement du sax ténor à la kejada de burro (un instrument barbare fait d’une mâchoire d’âne), affirme malgré tout: "On ne fait pas de la musique péruvienne typique. On est à Montréal, on ne s’en cache pas. Le spectacle Echos de Chincha est une résonance extérieure d’une forme musicale métissée, dans un concept de troupe avec douze danseurs en costumes traditionnels. Je n’appelle pas ça non plus du jazz, même si je capote sur le jazz latin."

"Manquez pas ça pour tout l’or du Pérou!"

Samedi 29 novembre
Au Kola Note
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