

La Grande Sophie : Double « je »
Ralph Boncy
C’est un détail mais elle est grande comment, la Sophie, exactement? "Un mètre soixante-dix-huit, me dit-elle depuis Paris, pas du tout gênée. C’est une taille assez normale, mais je suis née en 69: pour ma génération, c’est plutôt grand." En fait, Sophie s’est fait affubler de ce surnom franchouillard dans le "réseau associatif", à l’époque où elle galérait avec des groupes prometteurs comme Louise Attaque et Mickey 3D. Fraîchement débarquée alors de Marseille où elle avait chanté dans tous les bars possibles et imaginables, ce drôle de sobriquet qu’on lui colla devint "une astuce médiatique", confie-t-elle, qui lui a permis d’attirer l’attention et de développer un personnage.
Parce qu’elle voit grand, la Sophie! Son premier album sera un compact double (carrément!) et elle y inventera, brevet à l’appui, la "kitchen miousic" (en français dans le texte). "C’est vrai que je faisais tout de chez moi, un petit peu. Surtout, j’avais pas envie qu’on me classe, à la base. Mais c’était plus un truc pour me faire remarquer. Et ça a très bien fonctionné!" Deuxième album: Martin – une chanson bizarre -, sous étiquette Sony. Troisième album, changement de major: la fille sort chez Universal Et si c’était moi, un album drôlement bien réalisé. Plus besoin de gimmick. "Aujourd’hui, mes chansons suffisent; je vais les laisser vivre", glisse-t-elle sans prétention. Et c’est vrai que ça tient plutôt bien la route. Le disque débute avec Ringo Starr, une chanson marrante sur un batteur taciturne. Mais le ton devient vite plus intime, voire mélancolique. Avec On savait, Passage obligé, et La Première Ride, parti pris confidentiel, l’auteure regarde avancer les aiguilles du temps et l’horloge biologique fait tic tac, tic tac.
"C’est le thème récurrent de cet album: quand on passe le cap des 30 ans, on aborde tous ces sujets-là. Mais je suis assez pudique. Voilà pourquoi le titre de l’album suggère l’hypothèse que ce soit moi mais que la personne qui écoute se reconnaisse, elle aussi.
Tout cela est interactif! Et puis, je suis un peu actrice des histoires des autres. Je les revis avec mon vocabulaire."
La Grande Sophie n’est donc pas un personnage comique. Juste une fille optimiste qui ne veut plus grandir. Gamine, elle avait senti l’appel en voyant Peau d’Âne (Catherine Deneuve) chanter dans sa cuisine! Après, elle a plutôt suivi les traces de Chrissie Hynde, Suzanne Vega, PJ Harvey, des rockeuses qui l’ont suivie dans son marathon des toutes petites salles. "Tout m’a servi, assume-t-elle aujourd’hui. C’est un parcours que je ne regrette absolument pas."
N’empêche qu’hier soir, Sophie a encore rempli l’Élysée Montmartre, la grosse salle de Pigalle. Et pour compléter son bain de foule, la mignonne s’est payé la traite du body surfing. Elle rajoute, toute guillerette: "Peut-être que je pourrai faire ça chez vous en janvier?"
Et si c’était moi
Universal