La Bottine souriante : Semelle compensée
Musique

La Bottine souriante : Semelle compensée

Après l’annonce d’une mort prématurée l’an dernier, La Bottine souriante est encore bien en vie. Et curieusement, elle a pris un coup de jeunesse!

Le temps des Fêtes est affaire de traditions. Les réunions de famille, le sapin, la dinde, les canneberges et… La Bottine souriante. Sur disque ou en spectacle, la locomotive lanaudoise accompagne nos célébrations depuis une bonne vingtaine d’années, guidée par un sympathique moustachu bedonnant et énergique qui n’est pas sans rappeler, les cheveux blancs en moins, ce bon vieux père Noël. Or, cette année, la tradition a bien failli en prendre un coup. Le sympathique moustachu a levé les voiles, idem pour un des plus solides équipiers de la formation. Mais il en faut bien plus pour remiser cette bonne vieille Bottine au placard…

Premier témoin de cette transformation: J’ai jamais tant ri, un compact paru il y a quelques semaines et enregistré rapidement au mois de septembre. La rumeur de la mort de la Bottine s’étant répandue, le groupe devait réagir avant qu’on ne l’enterre définitivement. Le disque devenait essentiel, quitte à ce qu’il soit moins peaufiné que ce à quoi la formation nous avait précédemment habitués: "On n’avait pas le choix, il fallait emprunter des avenues qu’on connaissait déjà, rester conservateurs au niveau de la conception, affirme le contrebassiste Régent Archambault. Le fait qu’on soit une nouvelle gang implique qu’on se découvre les uns les autres. Ça amène automatiquement une plus grande spontanéité, mais il fallait rester prudents. Cela étant dit, l’atmosphère est franchement agréable dans le groupe. C’est important pour une formation qui fait une musique de party, issue des cuisines et des camps de bûcherons. Sur certains albums précédents, on se prenait peut-être trop au sérieux. Je pense au 10e album, où les arrangements étaient assez poussés, mais où l’atmosphère était déficiente. Là, on est contents. On reste conscients que le disque fut enregistré en vitesse, et que déjà, aujourd’hui, il y a des choses qu’on ferait différemment. Mais je crois qu’on amène tout de même de la nouveauté, notamment avec l’apport des jeunes. Leur façon de faire s’entend."

En fait, ils sont trois jeunes à avoir incorporé le laboratoire musical. André Brunet, violoniste de 26 ans, est là depuis quelques années déjà. Le chanteur Pierre-Luc Dupuis, 23 ans, et Éric Beaudry, 32 ans, n’ont pas soufflé leur première bougie au sein du groupe: "Ça m’a pris du temps avant d’accepter l’offre de la Bottine, avoue le multi-instrumentiste Beaudry. Je ne savais pas quoi faire. J’enseignais au Cégep de Joliette, je faisais partie de quelques groupes, alors intégrer la Bottine signifiait l’abandon de projets qui me tenaient beaucoup à cour…" Beaudry, après un mois de réflexion, allait remplacer Michel Bordeleau. Restait celui qui allait remplir les immenses souliers de Monsieur Lambert. Pas évident. Ou bien on trouve un clone qui ne peut qu’être une copie pâlotte, ou bien on s’éloigne du modèle original, quitte à s’aliéner le public… "Ça n’a pas été une mince tâche, soutient Archambault. Il nous fallait quelqu’un de charismatique et de jovial, capable de faire le party. Quand Pierre-Luc est arrivé pour l’audition, il nous a fait rire pendant une demi-heure. On avait trouvé notre gars. Il joue de l’accordéon et de l’harmonica assez bien, et il sait chanter; il a tout ce qu’il faut, et en plus il est jeune."

Cette jeunesse est la preuve concrète de la dynamique animant la Bottine souriante, un vivoir de tradition tout aussi bien qu’un malaxeur d’idées où la musique l’emporte sur l’individu. À ce titre, elle pourrait bien devenir une école-orchestre où les membres iront et viendront de manière presque anonyme. Une institution plutôt qu’un groupe, qui continuera de rafraîchir notre patrimoine dans 50 ans, avec une nouvelle génération aux commandes. Reste à voir quels sont les objectifs de l’équipage actuel. Le nouveau compact n’a pas les ambitions qui animaient ses prédécesseurs, les arrangements de cuivres nous ayant semblé plus discrets qu’à l’accoutumée. En ce sens, J’ai jamais tant ri marque un retour vers la source même de la musique traditionnelle, plutôt qu’un pari ouvert vers de nouvelles frontières. Pas sûr que ce soit la démarche la plus certaine vers un succès à long terme. Vous pouvez toutefois parier votre chemise qu’une fois bien en selle, le groupe nous réservera une ou deux surprises dont il possède le secret… "Moi, j’ai envie d’approfondir l’aspect littéraire du répertoire, souhaite Beaudry. Le côté festif de la Bottine est très fort, mais il me semble qu’on pourrait aussi développer un pan un peu plus sérieux. Faut juste trouver le bon équilibre. Pour moi, la musique traditionnelle, c’est pas juste des chansons à répondre…" Comme l’impression que la Bottine n’a pas terminé sa route…

Du 26 au 31 décembre
Au Spectrum
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