

Top 5 2003
Gilles Tremblay
1. Emmylou Harris
Stumble Into Grace
(nonesuch / WEA)
On connaissait Emmylou Harris la chanteuse, grande dame du country. Wrecking Ball l’avait menée vers de nouveaux horizons musicaux; Red Dirt Girl révélait une auteure-compositrice remarquable. Stumble Into Grace confirme que Harris, 56 ans, est au sommet de son art. Ses chansons composent un univers intime, un regard souvent triste mais serein sur la vie. De petits bijoux de textes entre autres sur l’amour et la solitude. Avec Time in Babylone, elle porte un jugement acerbe sur la société américaine, une terre où "you can sell your soul and dignity for 15 minutes on TV". Avec la participation de Malcolm Burn, Kate et Anna McGarrigle, Linda Ronstadt, Jane Siberry et Daniel Lanois.
2. Wendy Lands
Sings the Music of The Pianist Wladislaw Szpilman
(Hip-O Records / Universal)
Dans la foulée du film de Polanski, Andrzej Szpilman fait connaître la musique de son père. Avec le réalisateur John Leftwick (Rickie Lee Jones, Lyle Lovett), il a choisi parmi les 500 thèmes du compositeur. Ils ont réuni auteurs et musiciens et demandé à la chanteuse canadienne Wendy Lands de participer à l’aventure. Il en résulte un album inspiré, d’une richesse musicale remarquable qui laisse percer des teintes de flamenco, de folk, de country et de jazz. On retiendra Turn Away et Hold Me a Moment (Leftwick), Smoke and Mirrors (Shira Morow), Fall in Love Again (Michael Ruff) et My Memories of You (David Batteau).
3. Gianmaria Testa
Altre Latitudini
(Le Chant du Monde / Fusion III)
4. Chet Baker
Oh You Crazy Moon
(Enja / Justin Time)
5. Kate Rusby
Ten
(Pure Records / Compass)
Spectacle de l’année
Les Charbonniers de l’enfer
Dès l’entrée en scène, on se sent convié à une célébration quasi mystique, impression renforcée par un éclairage brillant de retenue et de sobriété. Puis on se laisse emporter par le chant des Charbonniers de l’enfer. Alors que la mode est au métissage du folklore, du pop et du jazz, les Charbonniers vont à contre-courant, proposant un retour aux sources de la musique traditionnelle. Et loin d’être passéiste, ni actuelle d’ailleurs, leur musique est sans âge, nous rejoignant par son propos et son petit air de déjà entendu, mais toujours dans des versions différentes. Ce que Michel Bordeleau, Michel Faubert, André Marchand, Jean-Claude Mirandette et Normand Miron accomplissent, ce n’est pas seulement d’entraîner les convertis, mais de conquérir les plus réfractaires à leur cause. Les Charbonniers n’ont rien à envier aux plus célèbres ensembles a cappella. La preuve par cinq que la voix demeure le premier des instruments.
Anne-Marie Withenshaw
1. The Sounds
Living in America
(Warner)
Mêlez la perfection pop des harmonies nordiques d’Abba aux flirts intoxiqués de Blondie, ajoutez une bonne dose de riffs guitares-synthés new wave à la Cars, et le soupçon d’arrogance nécessaire chez toute formation scandinave qui se respecte: vous comprendrez ce qui rend les pièces de ce quartette de Stockholm si accrocheuses. Certains diront que le penchant des Sounds pour ces groupes vieux de quelques décennies (jusqu’aux allures de Debbie Harry que se donne visiblement leur chanteuse Maya Ivarson) est malsain et cliché. Je préfère n’y voir qu’un groupe qui a su rendre hommage à son époque musicale préférée en y infusant un cachet contemporain, et dont l’ultime résultat est une superbe douzaine de petites bombes de trois minutes qui, en 1984, auraient toutes pu se retrouver sur la face A. Aussi au sommet du palmarès dans la catégorie "Déception de l’année", pour avoir choisi de tomber en sabbatique… dans les coulisses du Café Campus, 15 minutes avant leur première prestation montréalaise, sans jamais revenir.
2. Missy Elliott
Under Construction
(Elektra / Warner)
Bon, d’accord, Under Construction est techniquement paru en 2002 (fin novembre), mais les paroles hyper-sexuées et pleines d’humour de la grande dame du hip-hop, jumelées au beats béton de son collaborateur de longue date Timbaland, ont fait de ce quatrième album une des constantes musicales de 2003, autant dans les clubs que sur les chaînes de vidéoclips et, surtout, "dans le tapis" dans ma voiture. Après l’ubiquité du méga-succès Get Ur Freak On en 2001-2002, la barre était haute et Missy et Tim avaient l’immense défi de créer une pièce aussi novatrice et, pour reprendre le terme, freak que la précédente. La psychédélique Work It et son successeur Gossip Folks sont les preuves concrètes de l’intarissable talent d’Elliott, qui embrasse et renverse à la fois tous les stéréotypes hip-hop (avouez qu’en plus, elle n’a ni le discours ni le physique typique de la "ghetto pitoune"). Sa reprise de Bring the Pain de Method Man, en duo avec celui-ci, ainsi que les pièces mettant en vedette Jay-Z ou Ms. Jade témoignent du parfait retour vers le futur qu’est Under Construction.
3. Yann Perreau
Western Romance
(Foule-Spin / Sélect)
4. Sam Roberts
We Were Born in a Flame
(Universal)
5. Outkast
Speakerboxx / The Love Below
(Arista / BMG)
Spectacle de l’année
Red Hot Chili Peppers, Queens of the Stone Age et Mars Volta
Red Hot Chili Peppers, Queens of the Stone Age et Mars Volta, le 13 mai 2003, au Centre Bell. Un trio d’enfer. La prestation de QOTSA nous aura seulement mis l’eau à la bouche pour leur show de septembre au Métropolis. Les Chili Peppers, de leur côté, ont exhibé la traditionnelle hyper-kinésie qui a fait leur réputation sur scène, en plus de se donner corps et âme en livrant un programme certes plus orienté vers le matériel mélodique et planant des deux derniers albums (Zephyr Song, Otherside), sans oublier les vieux classiques de l’ère plus funky du groupe (Suck My Kiss, Give It Away).
Patrick Marsolais
1. Dumas
Le Cours des jours
(Tacca / Sélect)
Aérien, novateur, mélodique, Le Cours des jours aura permis au natif de Victo d’effectuer un bond de géant. Ce fut pour moi l’album de route ultime. Essayez de sillonner les lacets d’asphalte escarpés de la Gaspésie en écoutant Arizona, vous m’en donnerez des nouvelles… Désormais incontournable dans le paysage musical québécois, reste à souhaiter qu’il le devienne dans tous les bons salons du Québec. De la grande pop.
2. The White Stripes
Elephant
(V2 / BMG)
La pression était à la hauteur du hype, c’est-à-dire immense. Et le tandem a répondu comme de vieux pros, créant au passage une des grandes chansons de l’année (Seven Nation Army), tout en construisant un mur sonore maximal à partir d’une instrumentation minimale. Malgré quelques temps morts en milieu de partie, Elephant demeure un magnifique disque où agressivité, fragilité, inventivité et dextérité se conjuguent à la puissance 10. Un seul souhait maintenant: qu’on laisse Meg chanter une ou deux chansons de plus, les contrastes étant ici une valeur ajoutée.
3. Yann Perreau
Western Romance
(Foule-Spin / Sélect)
4. Johnny Cash American IV
The Man Comes Around
(American / Universal)
5. Lhasa
The Living Road
(Audiogram / Sélect)
Spectacle de l’année
Dumas
Aisance, ambiance, évolution déjà palpable des chansons du Cours des jours, Dumas s’est fait rock et a franchement triomphé malgré des troubles d’ouïe majeurs, tout récents à l’époque. Qui plus est, notre homme a eu l’humilité d’oublier quelques chansons moins fortes de son premier disque, quitte à proposer un show moins long, mais béton. Il était 1 h 30, Dumas venait de quitter pour de bon, mais nous on serait restés encore longtemps.
Jean-François Dupont
1. Cat Power
You Are Free
(Matador)
Sous son pseudonyme félin, l’énigmatique Chan Marshall atteint des sommets dans l’épure et l’intensité, une tendance qui se profilait déjà sur les petits frères The Covers Record et Moon Pix. Rarement une démarche artistique aura-t-elle paru aussi authentique et directe, tout en évoquant de façon grave mais non triste, et sans jamais se fracasser, une fragilité pudique et fière. La plupart du temps seule au piano ou à la guitare, Marshall prouve qu’elle peut faire énormément avec presque rien; car ce qu’elle possède de plus précieux est son immense talent et une présence unique. Ici, aucun faux-semblant; que de l’émotion distillée avec précaution sur 14 chansons qui sont autant de pointes au cour.
2. Dumas
Le Cours des jours
(Tacca / select)
Un des artistes québécois les plus prometteurs, avec Yann Perreau, Steve Dumas a réussi un grand coup avec un deuxième album touffu, habité et merveilleusement produit par Carl Bastien. En fait, tout marche au quart de tour sur Le Cours des jours: il y a là non seulement de la matière dense de bout en bout mais surtout un réel talent pour créer des atmosphères remplies de détails et des mélodies solides et jamais faciles. Bref, un travail exemplaire en tout point, intime et moderne, et qui possède en même temps une personnalité forte et bien à lui.
3. Mickey 3D
Tu vas pas mourir de rire
(virgin / EMI)
4. Mogwai
Happy Songs for Happy People
(matador)
5. Radiohead
Hail to the Thief
(Parlophone / EMI)
Spectacle de l’année
Les Rita Mitsouko au Festival d’été de Québec
Comme il y avait longtemps qu’il n’avait posé les pieds en ville, on ne savait pas trop à quoi s’attendre de la part du duo français. C’est sans doute pourquoi la surprise a été si grande chez les festivaliers, qui se sont littéralement fait submerger par la transe intense et foutraque de Catherine Ringer et Fred Chichin. Ces deux-là n’en ont fait qu’à leur tête, pigeant sans retenue dans le matériel le plus récent du groupe et omettant délibérément plusieurs des vieux succès. La grande Catherine tenait une forme splendide ce soir-là, jouant théâtralement chaque chanson; le groupe, lui, s’occupant de les rendre de la façon la plus organique – et lubrique – possible. Une expérience physique!
Ralph Boncy
1. Mandinga
Mandinga
(A-i-ta / Bros)
Enregistré en 2002 et mis en vente dans une seule librairie du centre-ville avant les 10 premiers shows du groupe, ce Mandinga local est un beau projet longuement mûri. Une pochette farfelue, quasiment anonyme; un contenu explosif: mon coup de foudre-surprise pour 2003. Les titres 500 Años Atras, avec la voix d’un authentique shaman de l’Amazonie péruvienne, et La Pelona, en spoken word – un texte écrit en 1959 par l’intellectuel et activiste Nicomedes Santa Cruz -, sont les meilleures chansons latino américaines que j’aie entendues depuis un bail. Vous ne pouvez plus prétendre vous intéresser à l’évolution des musiques du monde au Québec sans mettre la main sur ce compact.
2. Richard Bona
Munia
(Universal)
Bona est un prince. Après Scenes From My Life et Reverance, également personnels et touchants, le Camerounais poursuit sa route singulière avec une rare élégance. Doux, introspectif, exotique et infiniment musical.
3. Outkast
Speakerboxxx / The Love Below
(Arista / BMG)
4. Alejandro Sanz
No Es Lo Mismo
(Warner)
5. Karkwa
Le pensionnat des établis
(C4 / Dep)
Spectacle de l’année
Bobby McFerrin
Aux antipodes de l’éruption tropicale déclenchée au Spectrum par la volcanique Daniela Mercury et sa horde sauvage pour leur premier ravage en terre canadienne, le show le plus magique de l’année restera pour moi – et ce, contre toute attente – Bobby McFerrin à Wilfrid-Pelletier le 28 juin dernier. Une grosse salle pleine et un gars tout seul avec un t-shirt rouge. Personne n’a la moindre idée de ce qui va se passer. Improvisation totale avec deux musiciens magnifiques – Jorane et Richard Bona – et deux danseurs acrobatiques: Tamango, le king du tap, et Évelyne Lamontagne, trapéziste au Cirque Éloize. La star du show? Cette rare symbiose entre l’artiste et son public. Une espèce de moment complètement magique qui donne à repenser l’essence même des autres spectacles que nous voyons à longueur d’année.
Patrick Ouellet
1. The Postal Service, Give Up (Sub Pop)
2. Calexico, Feast of Wire (Quarterstick)
3. The Shins, Chutes too Narrow (Sub Pop)
4. The New Pornographers, Electric Version (Mint)
5. Pépé et sa guitare, Pépé et sa guitare (Indépendant)
David Desjardins
1. Tindersticks, Waiting for the Moon (Beggars)
2. The Dears, No Cities Left (Maple Music/Universal)
3. Lhasa, The Living Road (Audiogram/Select)
4. Joseph Arthur, Redemption’s Son (Real World/Universal)
5. Nick Cave, Nocturama (Anti/Epitaph)
François Gariépy
1. Plaid, Parts in the Post – Remixes (Peacefrog)
2. Galerie Stratique, Horizzzons (Statik)
3. Kid Koala, Some of My Best Friends Are DJs (Ninja Tune)
4. Sum 41, Does This Look Infected? (Def Jam)
5. Tiga, DJ Kicks (K7)