Eva : Voix de service
Née à Berlin d’un père russe et d’une mère d’origine lithuanienne, EVA a construit sa vie dans une France qui lui a prêté sa langue. "L’identité que j’ai vraiment, c’est ma voix. Ce n’est pas mon enfance." Une voix reconnaissable entre mille pour une femme généreuse qui fera escale aux Oiseaux de passage.
Son spectacle, De Berlin à Paris, nous mène en train sur les routes d’une Europe tourmentée, au gré des chansons d’Eva et de Marlène Dietrich. "On y rencontre plusieurs personnages, qui boivent un peu et qui sont perdus. Les années folles, c’était déjà une annonce des temps difficiles à venir. L’Autriche, Vienne, c’était décadent, la fin d’une époque, d’un empire." Une époque qu’Eva n’a pas connue mais qui la trouble. "Je suis née après la guerre, et la question juive est très difficile à assumer pour moi", explique Eva. C’est en partie pour ses idées antifascistes qu’elle a toujours admiré la grande Marlène, femme maternelle bafouée par un pays qu’elle a continué d’aimer. "On lui a craché dessus quand elle est venue chanter en Allemagne en 60. Elle a beaucoup aidé les Juifs. Elle a refusé des fortunes: quand elle est devenue une star à Hollywood, on a voulu qu’elle revienne et elle a dit: "Non, moi j’aime ça.""
Proche de Marlène par ses origines et par son timbre chaleureux, Eva refuse toutefois d’imiter la femme et son œuvre. Artiste à part entière, elle suit une voie unique faite d’humanité et de pudeur, et regrette la lente disparition du mystère dans le processus créatif comme dans la vie privée. "Je n’aime pas qu’on dise tout, qu’on montre tout. Une chose couverte est tellement plus belle!"
Pour Eva, le chant demeure une occasion privilégiée de s’ouvrir. "Le chant a toujours été là dans ma vie, depuis que je suis toute petite. Je chantais dans des moments graves, des moments de peur. Le chant, c’est tellement physique. Ça s’adresse au cœur, ça n’est pas intellectuel. La communication est immédiate, et j’aime beaucoup ça. Dans tous les autres arts, il faut attendre, il y a plus de solitude." Cette relation de proximité avec l’auditeur lui plaît beaucoup. "Tout le monde est né avec un don, ce n’est donc rien d’extraordinaire. Et le don de chanter, c’est uniquement d’élever une voix pour toutes les autres voix qui se taisent." Elle affirme le plus sérieusement du monde qu’elle n’est pas une vraie chanteuse. "C’est un secret! Moi, je suis une femme qui se met en chant à des moments où il y a d’autres gens, parce qu’elle a envie de consoler, et de se consoler. Je suis un porte-parole momentané, fugitif."
Du 28 au 30 janvier à 20 h
Aux Oiseaux de passage
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