Paul Cargnello : L’amour à gauche
"À bien y penser, je suis un idéaliste apocalyptique." Attablé dans un café du boulevard Saint-Laurent, Paul Cargnello est bien conscient du paradoxe. En fait, plus on l’écoute parler, plus on comprend que c’est cet équilibre qui alimente le feu du poète anarchiste montréalais de 24 ans, en concert lundi pour le lancement de son deuxième album, Between Evils.
Ses visions apocalyptiques, l’anglophone sous contrat avec La Tribu les exprime majoritairement dans ses nombreuses pièces engagées. Ayant participé à des actions de militantisme lors du mini-sommet de l’OMC à Montréal, Paul n’hésite pas à inclure dans la même phrase les mots "politicien" et "diable". Il pousse l’analogie jusqu’à évoquer Hitler à deux reprises sur ses récentes compositions Le Monde immuable et Strummer, une ode au défunt chanteur des Clash pour qui Cargnello éprouvait un amour bien particulier. "L’expression "between evils" fait surtout référence à nos choix politiques inexistants, avance Paul dans un français assuré. D’un côté, nous avons les néo-libéraux, et de l’autre, les néo-conservateurs. Lorsque ces deux partis forment le gouvernement et l’opposition, nous n’avons pas vraiment le choix d’être désillusionnés et de souhaiter la révolution. La comparaison avec Hitler est forte, mais a-t-on vraiment le goût de voir Paul Martin diriger le Canada pendant quatre longues années? L’enfer! En disant oui maintenant à ses politiques de droite, il ira toujours plus loin, et nous le regretterons plus tard." Tant que certains se contenteront de faire l’autruche, le multi-instrumentiste se dévouera à la cause. "Les artistes ne peuvent pas seulement divertir, ils doivent politiser. Je respecte Daniel Lanois, mais merde, il a joué lors du congrès du Parti libéral. Il a montré qu’il était avec eux. C’est désolant."
De par ses mélodies et ses arrangements de Rhodes et de Hammond, Between Evils laisse une grande présence aux influences blues et soul de Cargnello. Un choix qui coule dans cette même veine de socialisation. "Mon premier disque faisait la transition entre mon groupe punk The Vendettas et ma carrière solo. Celui-ci réfère plus au folk/R&B, une musique à l’origine des luttes humaines. Écoute Leadbelly, Al Green ou Robert Johnson, il y a une énergie dans le blues qui émane autant du désespoir que de la force de l’homme. Par contre, je ne veux pas copier la musique des Noirs comme Eric Clapton. Je veux l’intégrer au punk, au rap et au reggae qui m’habitaient déjà."
Son côté idéaliste, maintenant? Paul le garde plus secret, comme s’il comportait une certaine pudeur. C’est en causant du premier extrait, L’Amour perdu, et sa vision encore une fois dantesque, qu’il se livrera. "C’est une de mes rares pièces qui abordent la rupture amoureuse. Un couple d’amis s’était séparé, et je me suis rapidement mis à angoisser même si cette déchirure n’était pas mienne… Je la voyais comme une fin du monde, car je crois en l’amour, au vrai qui dure toute une vie. Je suis avec ma copine depuis neuf ans. J’en avais 15 lors de notre rencontre, et depuis, Jessie incarne le pilier de ma vie, un amour dont je ne pourrai jamais me départir. J’en parlais déjà sur I Still Choose You (tirée de son premier compact, Lightweight Romeo); lorsque tout va mal dans le monde, je sais qu’elle sera toujours là pour moi et moi pour elle."
L’amoureux remet ça aujourd’hui avec Ballad of Paul and Jessie. "J’admire énormément John et Yoko, qui vivaient d’amour. Lennon a écrit ses pièces les plus importantes alors qu’il vivait avec elle (Working Class Hero, Imagine, Woman Is the Nigger of the World). Jessie aussi m’a fait évoluer. Avant de la connaître, j’étais un mini-rebelle
Le 26 janvier
Au Cabaret Music-Hall
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