Mark Kozelek : Fantômes sur la grand-route
Depuis 1992, Mark Kozelek avait surtout fait corps avec la formation de San Francisco Red House Painters, à la remarquable mélancolie. Après une suite invraisemblable d’ennuis avec les compagnies 4AD et Island, le leader Kozelek avait commencé à faire cavalier seul, enregistrant surtout des reprises de Bon Scott (premier chanteur d’AC/DC!) traitées comme de véritables déconstructions folk-rock.
Plus récemment, le chanteur et guitariste renouait avec Anthony Koutsos des Red House Painters et recrutait Geoff Stanfield (Black Lab) et Tim Mooney (American Music Club) pour fonder Sun Kil Moon. Leur première production, Ghosts of the Great Highway, est un grand pas en avant malgré l’univers connu qu’évoque la voix languide de Kozelek. Hippies postmodernes gavés de guitares antidépressives, la nouvelle bande trouve l’équilibre entre nostalgie et vigueur.
En visite à Montréal pour la toute première fois en carrière, Mark Kozelek y sera par contre en solo, ce qui n’est pas une catastrophe. Joint entre deux accès de grippe, il résume l’ambiguïté: "Je n’ai pas vraiment de groupe actuellement. J’ai surtout fait des spectacles solo dans les dernières années, mais je pense que l’ensemble de Sun Kil Moon va faire quelques apparitions cette année."
Maître de son répertoire des 12 dernières années, l’artiste y glanera librement. "J’essaie de proposer un répertoire différent chaque soir, donc il y aura quatre ou cinq pièces du dernier album, et pour le reste, j’irai piger dans le vieux matériel. Ce n’est que moi avec une guitare, alors c’est très cru et schématique; il ne faut surtout pas s’attendre à une reproduction fidèle des enregistrements, mais à un autre type d’authenticité."
Éventuellement, nous pourrons entendre ce qu’il fait du vieux hard-rock australien… Ou encore une ou deux pièces de Judas Priest, puisque c’est à un guitariste de ce groupe qu’une récente chanson (Glenn Tipton) emprunte son nom.
"Plusieurs personnes sont indisposées par leurs toutes premières influences. Moi, je renoue avec mon passé, mon enfance en Ohio où le heavy métal était l’élément central d’une diète musicale. Je ne savais pas qui était Joy Division, et cette absence de sophistication a fait partie de moi. Si vous écoutez l’ensemble de ce que j’ai fait, je crois que vous pouvez discerner le spectre de mes influences, de John Denver à Simon and Garfunkel, jusqu’à Yes et AC/DC. Mais tout ça est présent sous forme de signets: Clark Gable me rappelle mon père, les mots Glenn Tipton me rappellent ma sœur avec qui j’étais allé à un spectacle de Judas Priest, et où Glenn Tipton m’avait regardé dans les yeux pendant une seconde au milieu de 16 000 personnes."
S’il est un sens à l’étiquette post-rock, Kozelek en exprime une facette puisque pour lui, tout se ramène désormais à la répétition dans le glorieux monde alternatif. "Toute chose finit un jour ou l’autre par se reproduire. Pour la plus grande part, la musique indépendante actuelle ne fait que produire des versions miniatures de choses qui étaient dans le vent il y a 30 ans. Kings of Convenience est ainsi une sorte de nouveau Simon and Garfunkel, Red House Painters, une version indie rock de Pink Floyd, etc. Tout ce qui arrive maintenant me semble une forme de revival."
Lorsque j’évoque le fait que les Red House Painters sont déjà une inspiration pour certains groupes, Kozelek tempère un peu son fatalisme: "J’espère que ma vie signifie quelque chose."
Le 1er février
Au Cabaret Music-Hall
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