Paul Kunigis : Dualité
PAUL KUNIGIS, leader de la formation gitane Jeszcze Raz, peut difficilement se présenter comme un Polonais pur laine. Héritier de la culture juive, il a vécu une partie de son enfance en Pologne, sa jeunesse en Israël, a atterri à Toronto pour des études universitaires en linguistique avant de tomber sous le charme de la vie montréalaise. Entretien avec un poète à l’identité fragmentée.
Il est loin le soir où Paul Kunigis s’était laissé prendre à son propre jeu. Une veillée ordinaire où le musicien, alors membre d’un groupe de blues, avait refilé à son public enflammé une pièce en polonais, afin de lui dire poliment que le spectacle était terminé. Mais à son grand étonnement, la foule s’était emballée à nouveau. La mort de la formation Acoustik Blue Note avait alors sonné, Jeszcze Raz était né!
Quand il se remémore ce souvenir, le poète aux yeux de mer se dit toujours surpris de la réaction des gens ce soir-là. Était-ce la musique, l’émotion, l’ambiance? Il ne saurait répondre. Une réalité devenait cependant évidente: il pouvait être tout à fait lui-même sur scène et exploiter ses racines d’Europe de l’Est à l’intérieur de sa musique.
Fort d’un succès au Canada (JUNO 2003 pour l’album de musique du monde de l’année), Kunigis reluque maintenant son continent d’origine. Son album Balagane, un délicieux bordel sonore dont la plupart des textes ont été improvisés lors de l’enregistrement, devrait sortir sous peu dans cette partie du monde. Un agréable retour aux sources… Bien qu’il sente que sa vie se trouve en Amérique, le chanteur tzigane prévoit séjourner, voire acheter une résidence secondaire, dans sa Pologne natale. "La musique me donne cette aisance à me sentir partout chez moi, soutient le rêveur, avec une douce assurance dans la voix. Je vais redonner à la Pologne ce que je lui ai pris. C’est mon devoir…"
Déchiré, le polyglotte raconte que son cœur balance constamment entre le Québec et la Pologne. Un conflit émotif peu évident à résoudre. C’est pourquoi Kunigis essaye tant bien que mal de fusionner ses deux identités ethniques. Jusqu’à maintenant, la meilleure solution qu’il ait trouvée pour ne pas souffrir de sa double nationalité est de réunir autour d’un projet artistique des musiciens et des producteurs issus des deux milieux. Un mélange qu’il estime très sympathique. Sa participation à la composition d’une musique pour un théâtre juif, mais établi au Québec, découle entre autres de cette drôle de ligne de conduite.
Nomade des temps modernes, Paul Kunigis évite de couler son destin dans un moule. La preuve, outre la réalisation de la trame sonore du film québécois La Pension des étranges de Stella Goulet, l’auteur-compositeur-interprète a flirté avec différentes disciplines, dont la cuisine, au cours des dernières années. D’où l’apparition d’une certitude: "Je ne suis pas esclave de la carrière musicale. Si un jour le robinet de l’inspiration se ferme, je sais qu’il y aura toujours d’autres portes qui s’ouvriront."
Le 21 février à 20 h
Au Théâtre Centennial
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