François Racine : Changer d’ère
En reprenant la version lepagienne d’Erwartung et du Château de Barbe-Bleue, le metteur en scène FRANÇOIS RACINE prend le risque d’ébranler l’Opéra de Montréal. Risque calculé.
Montréal verra enfin, 10 ans après Toronto où elles furent créées par la Canadian Opera Company (COC), les mises en scène de Robert Lepage pour le programme double Bartók (Le Château de Barbe-Bleue, 1918) / Schoenberg (Erwartung, 1924), deux œuvres présentées en première à l’Opéra de Montréal. C’est le metteur en scène François Racine qui reprend le travail de Lepage, comme il l’a fait pour la plupart des reprises du populaire doublé. "C’est la 10e fois que je le fais, explique-t-il, sur les 11 reprises jusqu’à maintenant, et chaque fois je découvre de nouvelles choses. La rencontre entre Lepage, le scénographe Michael Levine et le concepteur d’éclairages Robert Thomson a produit un résultat d’une sensibilité que je qualifierais de géniale."
Est-ce que ça représente vraiment un risque de proposer ces opéras modernes au public montréalais que nos institutions musicales décrivent souvent comme plutôt conservateur? François Racine tempère: "Jusqu’au changement de direction artistique récent, il n’y avait aucun risque qui se prenait et l’on ne visait que la rentabilité, sans aucun projet esthétique qui puisse être en concordance avec la culture active de Montréal. À Toronto, on a pris le risque et ç’a été payant. Dès le début, en janvier 1993, puis quelques mois après au Brooklyn Academy of Music et par la suite au Festival international d’Édimbourg, d’où nous avons rapporté le premier prix. La COC a connu avec ça un rayonnement extraordinaire. La compagnie a par la suite approché Atom Egoyan pour Salomé, François Girard pour Odipus Rex et elle montera bientôt Siegfried de Wagner. Il y a un risque qui doit être assumé si on veut qu’il se passe vraiment quelque chose. On ne peut pas toujours prétendre que "le public n’est pas prêt". L’était-il davantage en 1993 à Toronto? Ou à Cincinnati, ou à Hong Kong, où l’on trouve un public très conservateur? Partout, ce spectacle a bien marché. Ce n’est pas le public qui est à blâmer. Évidemment, nous n’avons pas une tradition opératique comparable à celle de l’Allemagne, mais c’est peut-être aussi un avantage qui nous permet de prendre des risques. Et la nouvelle direction semble décidée à le faire."
C’est ce que nous verrons en nous penchant sur la programmation de la prochaine saison de l’Opéra de Montréal, divulguée ces jours-ci. En attendant, place au doublé de Lepage, annonciateur d’une nouvelle période…
Les 13, 18, 20, 24 et 27 mars
À la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
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