Yann Perreau : Le vagabond solidaire
Musique

Yann Perreau : Le vagabond solidaire

En cette ère dominée par le divertissement pré-mâché, les vedettes instantanées et les diktats du marketing, il est à l’occasion très agréable de se faire rappeler l’Art, et toute la démarche impliquée. Parmi les irréductibles de la résistance se dresse YANN PERREAU. Aide-mémoire.

"J’ai tout le temps fait un peu de musique; aussitôt que j’ai eu l’âge de monter sur le banc de piano, j’ai commencé à jouer un peu, autodidacte, comme ça…" Et c’en était fait. Après un interlude derrière la batterie, Yann Perreau se met à écrire des chansons puis s’amorce rapidement l’épopée Doc et Les Chirurgiens, pendant laquelle il chope la virulente piqûre de la scène. "En fait, je pense que c’était un peu inné chez moi; je suis le dernier de la famille, de 10 ans plus jeune que l’autre avant moi, donc c’est sûr que j’ai tout le temps eu beaucoup d’attention (rires); aussitôt que le petit "pit" rentrait dans le salon, c’était le centre d’attraction! Alors les portes m’étaient un peu entrouvertes pour tout ça, puis avec Doc, je les ai toutes défoncées…"

La formation donnera près de 300 concerts et remportera un certain succès mais au moment où les voiles commencent à gonfler, la compagnie de disque ferme ses portes. Ses compères se réfugiant dans d’autres projets, Perreau décide de faire une pause et de prendre le large. Avec un simple sac à dos et bien peu de moyens, il se rend à Oakland, en Californie. Il vagabonde sur le campus de Berkley, visite le Grand Canyon, écrit beaucoup et passe des nuits à jammer avec toutes sortes de gens rencontrés dans les pubs ou les rues de San Francisco. "Dans ces conditions-là, t’as pas le choix d’aller vers les gens puis de te démerder", note-t-il, soulignant vraisemblablement un des principaux objectifs du périple.

À son retour, Perreau donne quelques concerts avec Doc, mais le groupe rend officiellement l’âme en décembre 98. Il survit ensuite grâce à une variété de jobines puis élargit ses champs de connaissance. Il suit une formation de marionnettiste, s’inscrit à un cours de gestion de carrière artistique et fait une rencontre déterminante pour la suite des événements: "J’ai rencontré Gilles Brisebois (Jean Leloup, Voivod), avec qui j’ai commencé à taper des tounes, à temps perdu, quand il pouvait…" Infatigable, il auditionne pour la troupe théâtrale de Pol Pelletier puis est sélectionné. Pendant un an, il y apprendra nombre de trucs qui rehaussent aujourd’hui ces prestations scéniques, tout en écrivant l’essentiel de Western Romance. Au retour d’un atelier de théâtre au Pérou, Brisebois lui parle de Nicole Bouchard, en train de mettre sur pied l’étiquette Foulespin. En novembre 2002, paraît enfin le premier album solo de Yann Perreau.

Même après un déluge d’éloges et plusieurs prix le récompensant autant pour son album que son spectacle (livré avec David Brunet (guitare), Daniel Thouin (claviers), François Chauvette (batterie) et Maxime Lepage (basse)), Perreau doit se retrousser les manches car la partie est loin d’être gagnée. "Surtout avec le piratage, Star Académie et tout ça… C’est vraiment un double combat; il faut faire de la bonne musique puis essayer d’écrire des bons textes et en plus, il faut que tu te battes parce que c’est pas facile avec tout ça, en plus des coupures; ça te ramène sur terre en estie!", laisse échapper celui qui participera prochainement à une table ronde sur les nouveaux défis de l’industrie du disque.

Et tout ces artisans de la nouvelle chanson québécoise, ils se tiennent fort heureusement les coudes bien serrés. "Mets-en! Moi je ne me gène pas pour en suggérer des shows à aller voir, parce qu’il y en a de la bonne musique au Québec; Ariane Moffatt, Dumas, Martin Léon, Stefie Shock, Ève Cournoyer et tout ça… Fred Fortin! C’est peut-être celui qui nous a ouvert le plus de portes, vers la fin des années ’90; il est là pour rester ce gars-là!, avance Perreau. C’est cool parce qu’il y a une compétition saine, dans le sens où on veut tous vivre de ça puis on s’entraide; on fait tous partie de la même grande famille!"

Le 12 mars à 20h avec Martin Léon
À la salle Jean-Despréz
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