Richard Séguin : Retour aux sources
Musique

Richard Séguin : Retour aux sources

Avec son spectacle Murmures, RICHARD SÉGUIN propose un retour aux sources. Seul sur la scène avec sa guitare et son harmonica, l’artiste replonge à la base de sa création et savoure ce qu’il apprécie le plus de son métier: la rencontre avec le public.

Même s’il a déjà donné plus de 60 représentations de Murmures, Richard Séguin semble toujours aussi emballé par la formule acoustique de son spectacle. "En étant seul, juste avec voix et guitare, tout devient au service du texte, note-t-il. Ce que j’ai découvert avec ce spectacle-là, c’est une grande liberté et beaucoup de place pour la nuance. On peut aller de la grande intimité jusqu’au cri de révolte. Cette formule permet vraiment une rencontre avec le public."

La rencontre se fait d’autant plus que l’auteur-compositeur-interprète en profite pour parler à son public. "J’aime bien mettre les chansons en contexte. Je dis d’où la chanson vient, quelle expérience a provoqué telle ou telle chanson. J’aime ça, quand je vais voir des spectacles, qu’on me parle. Ça relève plus de la rencontre à ce moment-là."

Richard Séguin revisite donc ses plus grandes chansons dans ce spectacle où des projections de ses gravures servent d’arrière-scène. Choisir des pièces parmi 30 ans de répertoire n’a pas été chose facile. Pour faire un tri dans sa boîte à chansons, le plus célèbre habitant de Saint-Venant-de-Paquette a fait appel à sa bonne amie Hélène Pedneault. "Au départ, j’avais trois heures de spectacle!" souligne-t-il. Le choix s’est donc arrêté sur environ trois chansons par album avec quelques coups de cœur. Le chanteur interprète aussi des chansons qu’il avait écrites pour Luce Dufault, dont une émouvante version de Belle Ancolie.


Le doute créateur
Attablé à un petit café de la rue Frontenac à Sherbrooke, Richard Séguin se prête de bonne grâce au jeu de l’entrevue. Ses yeux de mer se pointent franc dans ceux de son interlocutrice. Rencontrer un artiste de cette trempe et de cette intensité a de quoi intimider.

Mais même malgré l’impression qu’il peut laisser aux gens, malgré toutes les années de métier et malgré qu’il fasse partie de ces artistes qui ont façonné la mémoire musicale du Québec, Richard Séguin continue de créer dans le doute. "C’est un long processus pour moi, l’écriture. Plus long et ardu qu’avant, même." Quand on lui demande pourquoi, il prend une pause avant de répondre pour bien peser ses mots. "Je veux aller plus loin. Je me pose plus souvent la question à savoir si je suis allé suffisamment en profondeur. Je ne veux pas me répéter."

"Avec le temps, le poids des mots est différent. Les choses sont beaucoup plus nuancées que quand j’étais plus jeune. Je fais beaucoup plus d’ébauches de chansons. Il y en a beaucoup qui sont faites, mais que je ne chante pas."


Le secret de son succès
Rares sont les artistes qui peuvent se targuer d’être toujours en selle après 30 ans de carrière. Même si on le voit moins souvent qu’à une autre époque, Séguin est de ceux qui ont su demeurer. Son secret? Savoir disparaître de temps en temps. "Des fois, c’est douloureux parce qu’on a l’impression qu’on va être oublié, mais le fait d’être en campagne, ça relativise bien des choses. L’essentiel se rend partout", dit-il en évoquant son village des Appalaches.

L’artiste refuserait même plusieurs propositions qui lui sont faites. "J’aime mieux prendre mon temps et faire des choses qui me touchent artistiquement." Ce n’est donc pas de sitôt qu’on le verra interpréter un pot-pourri de ses chansons à Star Académie, même s’il ne décrie pas totalement la machine. "La seule chose dont j’ai peur avec ce phénomène, c’est qu’on perçoive les gens de façon interchangeable. Le système économique, ça vient fausser tous les rapports de créativité."

Un peu plus tard dans la conversation, le chanteur exprimera qu’il a toujours eu de la difficulté avec ce qu’on appelle "l’industrie" de la musique. C’est peut-être pour cette raison qu’en marge de la tournée Murmures, il a sorti l’album Solo. Un très beau disque qui reprend 15 chansons du spectacle, mais non disponible en magasin. Les fans peuvent se le procurer seulement sur son site Web ou après le spectacle. "L’album Solo, c’est comme un talisman qui accompagne la tournée. La sortie d’un disque, ça implique beaucoup de choses, comme la promotion et la distribution. Et cet album-là était en marge de tout ça. Il accompagne la tournée dans sa grande intimité. Et beaucoup de chansons sur cet album sont des reprises. Je ne voulais pas revenir avec un album de reprises. Le prochain album que je vais sortir de façon officielle fera place à de nouvelles chansons."

Le chanteur entrera d’ailleurs en période d’écriture en avril, mai et juin. "Un album, c’est vraiment difficile à faire. Si tu savais le degré d’angoisse que je vis dans la création! lance le chanteur avant de poursuivre. Ce n’est pas clair encore ce que je veux faire. Je sors les chansons une à une et après je vais voir. Je m’interroge à savoir lesquelles forment un tout. Mais je m’accorde le temps, il n’y a personne qui me presse."

Et en attendant qu’il reprenne le processus de création, Séguin savoure tous les moments de sa tournée. "La scène, c’est ce qu’il y a de plus pur encore dans tout le métier. Le contact avec les gens est direct. La scène laisse toute la place aux chansons. La scène reste la plus palpable, la plus vraie."

L’artiste continue aussi de s’engager dans des causes et auprès d’organismes qui lui tiennent à cœur comme Eau Secours et le Carrefour pour elle, une maison d’hébergement pour femmes et enfants violentés à Longueuil. "Les causes que j’appuie se résument à un mot: le respect. Celui de l’individu et de l’environnement. J’aime être présent et fidèle à des causes où l’engagement se fait d’année en année."

Près d’une heure vient de s’écouler depuis le début de l’entrevue. Séguin remet son parka avant de retourner à Saint-Venant. Une rencontre fort sympathique avec un artiste à l’intégrité rassurante.


Le 27 mars à 20 h 30
Au Théâtre Granada