Bïa : Bïattitude
Du carburant, le public ne cesse d’en verser au compte de la dame vermeille. Son deuxième album, Sources, sorti en 2000, s’était vendu à 10 000 exemplaires. Le plus récent, le pourpre Carmin, paru il y a un an, frise les 20 000 copies déjà.
Évidemment, ça ne joue pas à la radio. Mais les gens achètent le disque pour une bouffée de soleil, pour la caresse du vent. Autre fait singulier au sujet de Bïa, c’est qu’elle écrit et chante naturellement en français mais aussi en espagnol, en portugais, en italien et en anglais. "C’est un privilège, et c’est une complication en même temps. Moi, je ne peux pas faire autrement. J’ai commencé à vivre dans des pays de langue étrangère et ça n’a jamais arrêté. Je me suis résignée au fait qu’on ne puisse pas me classer mais c’est comme ça, voilà! Je ne peux pas me considérer comme une personne unilingue. Je ne peux renoncer à aucune de ces langues que j’utilise car chacune recèle des trésors spécifiques. Il y a des mots qu’on ne dit pas dans certaines cultures, des expressions uniques, une forme d’humour particulière. Chacune témoigne d’un vécu, d’un mode de pensée, d’une vision du monde."
Si les idées politiques de ses parents l’ont amenée du Chili au Portugal, du Brésil au Pérou et à la France, Bïa a choisi elle-même le Québec où elle vit désormais la moitié de l’année avec des voisins musiciens et son ange gardien, le contrebassiste Erik West-Millette. En plus des chansons qu’elle écrit ayant souvent comme titre des prénoms de femmes, comme Olga Maria, Baby Neném, Mariana, Helena, Bïa interprète également l’Italien Gianmaria Testa, l’Argentin Atahualpa Yupanqui, le Français Jacques Higelin. Et puis elle traduit volontiers les chansons de son idole carioca Chico Buarque. Le comble de la poésie? Son adaptation de J’ai vu, une divine berceuse d’Henri Salvador et Michel Modo tirée du phénoménal Chambre avec vue, qu’elle a retranscrite en brésilien, et chante mieux que n’importe qui. Vous savez, celle qui dit lentement: "J’ai vu tant de mers et de rivages, tant de ciels, de paysages; j’ai vu tant d’escales, tant de ports… J’ai pu marcher sur des sables d’or".
Parce qu’aujourd’hui, Bïa accepte de lever le voile sur 10 ans de sa vie qu’elle a passés à parcourir les océans avec son ex: "Ç’a été mon université, ma maîtrise, mon doctorat et… mon club de sport. C’était une histoire d’amour et en même temps mon passage à la vie adulte. Ma vision du monde a pris une ouverture, j’ai découvert les grands espaces et je ne pouvais plus jouer de la guitare tellement mes mains étaient calleuses à force de tirer les cordages! C’est clair, cette chanson a été écrite pour moi… Quand je suis arrivée ici, je n’avais pas envie de focaliser sur cette histoire un peu romantique de bateau, surtout qu’on en avait beaucoup parlé en France. Maintenant, le temps a passé et je sais à quel point cette période a été pour moi un enrichissement."
Un vécu particulier, loin des blitz typiques du show-business, qui explique en partie comment les chansons simples et sensuelles de cette petite fée nous apportent un petit quelque chose d’intemporel, un petit bout d’éternité.
"Je suis contente quand j’arrive à transmettre dans mes chansons, dans ce travail que je fais et qui m’apporte tellement de bonheur, ce petit quelque chose que les gens peuvent ramener à la maison après le spectacle. C’est comme une sensation d’espoir et de confraternité. C’est comme quand on vivait au Portugal avec mes parents. J’étais enfant -de sept à douze ans – et ils recevaient des intellectuels et des ouvriers, exilés comme eux. Et ça jouait de la musique. Cette dignité, cette joie, ce truc d’être ensemble dans la bonne humeur sans misérabilisme, tu sais. Cette guitare rassemblait tout le monde autour d’une mélodie et nous faisait sentir qu’on n’était pas seuls."
Le 1 avril
À l’Auditorium Dufour
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Femme du monde
C’était écrit dans le ciel qu’elle parcourrait le monde. Dès l’âge de quatre ans, elle quittait le Brésil avec ses parents pour aller flairer du côté espagnol. "J’ai appris d’autres langues très jeune. Mes parents ont vécu dans des pays de langue espagnole. Dès l’âge de neuf ans, j’apprenais le français et l’anglais à l’école." Toute jeune, elle a su qu’elle jouerait avec les mots. "Je me suis vite rendu compte que je mettais du cœur à apprendre les langues, que j’avais un don. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu approfondir car chaque langue apporte un univers, une façon de voir le monde. Ça m’ouvre beaucoup d’horizons. Je regrette seulement de n’avoir qu’une seule vie, et d’ainsi ne pas pouvoir parler 20 langues."
On comprend maintenant pourquoi Bia a cette internationalité. C’est d’ailleurs ce voyage à travers le monde qu’elle nous offre sur scène. "J’ai été habituée à voyager. J’ai pu voir ce qui se passait outre-mer." Bia se considère comme une citoyenne du monde entier. Elle a pu constater les différences entre les publics d’ici et d’ailleurs. "L’accueil est différent selon les pays que je visite. Le public québécois est particulièrement chaleureux. Il y a des moments en France où je ressens la même chose qu’au Québec. Mais là-bas, les gens sont timides au début du spectacle, contrairement au Québec où ils embarquent dans le show plus vite. Ça, je le sens en Italie aussi car les gens sont plus présents dès le début du spectacle. Au Brésil, les gens sont plus sentimentaux, plus près de leurs émotions. Ils pleurent parfois durant les chansons." Mais peu importe le public qui est devant elle, l’objectif de Bia sera toujours d’ensoleiller et de faire en sorte que les gens voyagent avec elle.