Dumas : Révolution naturelle
On savait qu’avec Le Cours des jours, il possédait l’un des disques les plus forts de l’année 2003. Encore fallait-il le défendre sur scène, lui dont les premiers pas avaient été hésitants. Ces deniers mois, l’artiste aux cheveux en broussaille a remis les pendules à l’heure. DUMAS ne s’est pas offert une évolution, mais bien une révolution.
En fait, on est loin d’être convaincu que l’homme qui nous a offert son répertoire cette dernière année est le même qu’on avait entendu un certain soir de 2002. Le chanteur gauche et hésitant dont la voix déraillait de temps à autre avait cédé le pas à un showman plein d’assurance, sexy et en apparence détendu. Signe de maturité évident, Dumas modifiait déjà les arrangements des chansons de son dernier disque, leur injectant une bonne dose de fougue et d’électricité. À la lumière de ce sans-faute, on peut également vous assurer que les cours de chant qu’il a suivis resteront un investissement nettement plus payant pour lui que n’importe quel REER.
Cette remontée fut d’autant plus grande que le natif de "Victo" venait de perdre l’usage de l’oreille gauche quelques jours auparavant. Il devait en outre apprendre à vivre avec un acouphène insistant: "Pour toutes ces raisons, je me souviens être entré sur scène le couteau entre les dents, raconte-t-il. J’avais passé les deux semaines précédentes complètement déprimé. Je paranoïais, convaincu que je ne pourrais plus faire de musique. Ça m’a fait capoter, j’ai commencé à analyser les métiers que je pourrais exercer dans la business, c’était ridicule. Des artistes venaient me voir pour me parler de ma surdité et je voyais dans leurs yeux qu’ils se disaient "Yes sir, en v’là un de moins…" Ça m’a donné un coup, mais ça m’a permis de réaliser la chance que j’avais. Depuis, je travaille plus fort et avec plus de discipline, question d’enregistrer toutes les chansons que j’ai en tête. On ne sait pas de quoi demain sera fait…" Parmi ses projets (sérieux et moins sérieux), notons des compositions de fille pour une chanteuse dont il est toujours à la recherche, et une œuvre créée à partir d’échantillonnages de lignes ouvertes. Au moment où vous prenez votre café, l’acouphène est toujours là à le hanter, mais son ouïe s’est sensiblement améliorée. Les médecins ne pourront faire de constat définitif avant six mois.
Bonsoir, il est parti!
Suffit de rencontrer le jeune homme de 24 ans pour comprendre que le métier ne l’a pas encore trop pourri. Simple, encore timide en entrevue, Dumas est un naïf romantique comme on les adore. De ceux qui croient au mythe de l’artiste et du rock’n’roll, à la vie nocturne et sans doute alambiquée. Tenez, juste un petit exemple. En novembre passé, parce que ses textes n’avançaient pas, il a décidé de s’isoler dans un chalet de Saint-Gabriel-de-Brandon question d’avancer plus rapidement: "J’ai pas d’auto, alors on m’a déposé au chalet avec de la bouffe, sans moyen de transport. La première semaine j’ai écrit comme un malade, mais franchement ce n’était pas super bon. La deuxième semaine, j’ai commencé à me sentir tout seul. Deux semaines dans le bois, c’est long en ostie. Le soir, je buvais un peu, j’essayais d’écrire mais je finissais toujours par me rabattre sur les lignes ouvertes. C’était mon contact avec la société. J’en étais même rendu à écouter Bonsoir les sportifs avec Ron Fournier. J’avais pas pensé que je pourrais m’ennuyer."
S’il n’a pas écrit de grandes rimes au cours de ces deux semaines passées au fond des bois, Dumas a tout de même eu le temps de réfléchir un bon moment. Sur l’autoroute qui le ramenait à Montréal, l’auteur-compositeur était désormais conscient de ce qu’il voulait… et surtout de ce qu’il ne voulait plus. Pas question, notamment, de répéter la formule littéraire avec laquelle il avait abondamment joué sur son premier disque: "Je n’avais plus envie d’écrire sur des filles. J’aurais pu le refaire facilement, mais c’est trop commun et j’avais déjà beaucoup donné dans le genre. Je ne voulais plus ma gueule sur la pochette. C’était clair. Ça ne me dérange pas de me faire photographier et de jouer la game de la promo. Ça, je l’assume. Mais pour vendre un disque, qui est en quelque part un projet collectif, je ne veux pas voir ma face. Il n’y a plus de filles non plus dans mes clips. Je ne veux plus de cette carte-là." En clair, ce qu’il veut dire, c’est que malgré son image à faire craquer, Dumas préfère miser sur sa musique pour rejoindre le bon peuple. La stratégie demandera certes plus de temps et de labeur, mais si son oreille gauche peut lui donner un brin de répit, elle devrait à tout le moins lui apporter la longévité. Ce qui n’est pas négligeable.
Le 1er avril
À la salle Jean-Despréz
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