Pierre Barouh : Ruche relaxe
Musique

Pierre Barouh : Ruche relaxe

Tout comme ses derniers enregistrements, la mini-tournée québécoise de PIERRE BAROUH pourrait prendre l’allure d’un hold-up parfait.

Caméra en poche et tous capteurs ouverts, Pierre Barouh se promène doucement dans l’existence avec la sagesse du grand migrateur. C’est qu’il a des tonnes de pollen accumulées aux pattes: comédien auprès de Lelouch puis fondateur de la mythique étiquette de disques Saravah, il compose beaucoup pour autrui en plus de se chanter lui-même, faisant découvrir au passage les Brigitte Fontaine, Jacques Higelin, David McNeil, Pierre Louki, Jean-Roger Caussimon, Françoise Kucheida, Fred Poulet et autres improbabilités. Depuis quelque temps, sans avoir renoncé à quoi que ce soit, l’abeille Pierre s’offre néanmoins la lenteur essentielle à la bonification d’un miel si singulier.

Aujourd’hui, son triangle de prédilection se situe entre le Japon, qu’il habite avec sa famille et où il est le plus adulé, le Brésil, qu’il fréquente depuis presque un demi-siècle, et le Québec, où il revient dans des circonstances toujours très improvisées. Anti-star, il ne nous promet qu’Une rencontre, une occasion, ainsi qu’il dénommait un de ses plus fameux albums (Itchi go, itchi e). Projections de ses films, chansons (accompagné du pianiste Réjean Yacola), duos, tout peut se produire sur scène dans ce qui s’avère davantage une conversation amicale qu’un spectacle.

À titre de prétexte (hormis l’hommage à Pierre Jobin d’il y a quelques jours), Barouh possède cette fois un essaim de rééditions. Outre Viking Bank et Les Années Saravah, on notera en premier lieu Saudade (Un manque habité), double album qui rassemble des pièces parues entre 1958 et 1965 et qu’il a augmentées d’inédits plus récents. "Une histoire marrante, confie Barouh. Ce sont mes premiers balbutiements, que les Japonais voulaient sortir à nouveau. J’avais pas écouté ça depuis 40 ans. À la réécoute, ça a provoqué des remous considérables, et ce contact avec des chansons que j’avais occultées m’a amené à collaborer à nouveau avec le pianiste Maurice Vander; en quelques heures, nous avons produit quatre nouvelles pièces! Ç’a été le hold-up parfait." Le temps de produire un cinquième morceau avec les musiciens de Sanseverino et d’ajouter un fragment d’archive en compagnie de Baden Powell, et les baroumanes disposaient d’une jointure surprenante entre deux époques.

La marge à crédit
Après m’avoir fredonné de mémoire le récitatif J’ai 26 ans, de Brigitte Fontaine, Barouh poursuit une chaîne d’évocations apparemment sans fin, ce qui nous ramène à l’actualité: "J’ai été beaucoup provoqué récemment, ce qui m’a fait écrire. Maya [sa fille] a fait un disque, et il y a aussi ce petit festival que j’ai créé avec des amis en Vendée. Une série de soirées sur le parvis qui a franchement bien tourné, dans une atmosphère nettement japono-fellinienne! C’est un exemple parmi d’autres de réactions très constructives à la spirale médiatique que vous subissez aussi. Il y a là un véritable public qui se développe."

On reconnaît là l’activiste et enchanteur qui renouvela la chanson française à coups de bossa, de surréalisme et d’avant-gardisme rétro, faisant de chaque enregistrement une rencontre imprévisible. Et attention, n’allez pas lui proposer une fois de plus l’étiquette du marginal: "Le mot marginal m’énerve. Les marginaux sont inventés par les grands médias, ils n’existent donc que diffusés. J’ai toujours souhaité rejoindre le plus grand nombre et j’accepte tout au plus le nom d’utopiste."

Croiser Barouh, c’est tout de même cheminer le long d’une petite route départementale, accueillir les particularités de chaque lieu plutôt que d’y projeter des généralités admises. Revenu de bien des choses, l’homme distille encore toutefois son élixir personnel contre le cynisme, en prenant soin de nous laisser y inclure quelques ingrédients finaux.

Du 26 au 28 mars à 20 h
Aux Oiseaux de passage
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