Marc Déry : La maladie du bonheur
Musique

Marc Déry : La maladie du bonheur

MARC DÉRY est un homme comblé par les temps qui courent. Sa conjointe, Élyse Marquis, vient tout juste de donner naissance à son premier enfant. Parions que les joies de cette nouvelle paternité lui inspireront quelques refrains, lui qui avait relevé le défi de carburer au bonheur pour l’écriture de son second album solo. Un disque qui s’ouvrait même sur une déclaration d’amour, à sa femme et à la vie.

C’est connu, le bonheur n’a pas bonne presse chez les tenants du monopole du bon goût. Les gens heureux n’ont pas d’histoire, dit-on? "Et ça me dérange, dégaine aussitôt Marc Déry. Ça écœure le monde, le bonheur, alors que ça ne devrait pas générer ce genre de réaction-là. Ce que je veux communiquer, c’est que le bonheur n’est jamais totalement là, mais qu’on y aspire, qu’on l’espère. Je voulais en parler pour qu’il soit en vie, au moins dans la tête de quelqu’un. Parce qu’on en a envie, non?"

Pour Déry, le bonheur réside dans la banalité du quotidien: "Parce que c’est là qu’il est, croit-il. Tout le monde pense que le bonheur va lui arriver sur un plateau, qu’il va y avoir une sorte de grosse lumière blanche dans le ciel. On passe à côté parce qu’on le cherche au mauvais endroit. Je suis convaincu que le bonheur est dans l’attitude, dans la perception qu’on a du monde."

Mais paradoxalement, le bonheur demeure tabou, mal aimé des processus de création où l’on préfère se vautrer dans le malheur, quitte à y sombrer. Une faiblesse atavique qu’on doit combattre, selon Déry: "Le malheur, on reste dedans par réflexe défensif. Si on se laisse aller, cette peur d’être déçu ou blessé demeure toujours. Il y a ce fond judéo-chrétien qui nous fait croire qu’on ne mérite pas le bonheur, que si ça va bien, le pot va nous tomber sur la tête à un certain moment. Je suis comme ça aussi, mais j’en suis conscient."

Architecte du son
Le deuxième album de Marc Déry laissait autant d’espace à l’échantillonnage qu’aux instruments traditionnels, conjuguait chanson et électronique avec un équilibre trouvé dans la richesse des textures sonores et des ambiances. "Sans avoir la prétention d’avoir parti un mouvement, je peux au moins dire que j’y étais dès le début", indique-t-il à propos de la fusion entre chanson et électronique qu’il opérait déjà sur son premier album éponyme, deux ans auparavant. Avant Bélanger, avant Moffatt. "Il fallait donc faire un grand bond en avant, effectivement, arriver de l’autre bord en explorant un peu plus loin si possible."

Chez l’ex-Zébulon, les textes viennent en second. "Quand je fais ma musique, je crée le cadre. Je cherche dans la musique; c’est elle qui va me dire quoi raconter. Ça m’inquiète plus de faire un texte bâclé qu’une musique bâclée. Le texte n’est pas au second plan, même s’il arrive en second lieu. C’est pour ça que ça a pris du temps, sortir cet album-là (L’Avenir): je voulais être fier de chaque texte. Il y a des musiques là-dedans qui ont eu trois ou quatre textes. Ostie qui se lève tard, au début, c’était une histoire d’amour entre un plongeur et un dauphin! Ça a changé plein de fois. (…) Certains n’avaient pas vraiment compris la démarche du premier album et il y a des critiques qui me reprochaient que ce soit un peu trop premier degré. Je voulais être sûr d’être bien compris cette fois-ci, alors j’ai pris mon temps."

"Même si ça a l’air d’un truc très personnel, pendant les deux années que j’ai passées à faire cet album, il y a eu des moments où j’étais profondément down. C’est d’ailleurs dans ces moments que j’ai écrit les textes les plus joyeux parce que j’étais à la recherche de ça. Il y avait cette volonté de chanter une chanson légère et, surtout, qu’il y ait de l’espoir. Et c’est difficile de faire ça sans faire un truc qui soit racoleur."

Dans un proche avenir
Accompagné de Vincent Réhel (Stefie Shock) aux claviers et échantillonnages, de son frère Yves (Zébulon) aux voix, guitares slide, acoustique, électrique et basse, de son collaborateur pour l’album Michel Dagenais à la basse et à la guitare, et de Jean-Sébastien Nicol (Loco Locass) à la batterie, Déry avoue avoir beaucoup travaillé à reproduire l’esprit de ses deux albums dans son spectacle, tout en lui donnant une touche essentielle de spontanéité.

On devine d’ailleurs aisément que certaines pièces peuvent constituer de solides bases de lancement à des jams endiablés. "Si tu penses à Geyser, devine Déry, c’est un bon exemple. Ça commence avec une intro de percussions, on fait la toune, et à la fin ça vire en jam et c’est le funk qui prend le dessus pour quelques bonnes minutes. C’est pour ça que j’ai choisi ces musiciens-là, je voulais que ce soit un show musical, que les effets les plus spéciaux se trouvent dans la musique et pas ailleurs."

Le musicien n’a donc pas lésiné sur les moyens pour obtenir un son qu’il veut "vintage, authentique", trimbalant autant d’orgues et de pianos électriques d’antan (B3, Wurlitzer, etc.) que de machines ultramodernes pour parvenir à ses fins. "On a toute la quincaillerie, même les grosses machines qui marchent à coups de pied, rigole-t-il. On va vraiment s’amuser."

Le 2 avril à 20 h 30Au Vieux Clocher de Magog