David Bowie rencontre exclusive : L'état des stocks
Musique

David Bowie rencontre exclusive : L’état des stocks

Avec à son actif, pour la dernière année, un nouvel album, un récent passage à Montréal terni par un vilain rhume et une première boucle de l’Amérique complétée, le Thin White Duke reprend la route et s’arrête enfin à Québec après une trop longue absence. En exclusivité, le filiforme quinquagénaire du rock commente son nouveau spectacle, se penche sur sa prolifique carrière et propose du même coup une séduisante leçon d’humilité. Questions et réponses.

Le

Reality Tour reçoit d’excellentes critiques partout où il passe. Vous avez pourtant déjà dit que vous n’aimiez pas monter sur scène. Qu’est-ce qui a changé?
"Eh bien, plus le temps passe, plus je suis à l’aise sur scène. Il y a quelques années, par contre, je détestais vraiment ça. J’étais tellement concentré sur l’écriture que l’idée de monter sur scène me semblait superflue et très pénible. Cela dit, actuellement, je prends un grand plaisir à donner des spectacles."

Durant le spectacle, vous remontez le temps en jouant des vieux succès, comme Changes, Life on Mars, Quicksand et Five Years. Prenez-vous encore autant de plaisir à interpréter ces chansons?
"Oh oui! Durant cette tournée plus particulièrement, on s’est assurés de choisir seulement les morceaux qu’on avait envie de jouer. Bien des gens ont d’ailleurs été surpris d’entendre certaines chansons et pas d’autres. Par exemple, on a choisi de ne pas faire Space Oddity et Golden Years – il y a tellement de chansons qu’on n’a pas faites durant la tournée – parce qu’on a préféré graviter autour des pièces qu’on avait "besoin" de jouer. On joue par contre Fame et China Girl, qui demeure une de mes chansons favorites encore aujourd’hui."

Auriez-vous préféré vous concentrer sur Reality (paru en 2003) et Heathen (sorti en 2002)?
"Non. Je crois qu’on a trouvé un bel équilibre entre le vieux et le nouveau matériel. Même pour un jeune groupe, il serait mal vu de se concentrer seulement sur le plus récent disque, à moins, bien sûr, que ce ne soit son meilleur disque! (rires)"

On a dit de Reality que c’est un album que vous auriez pu écrire il y a 10 ou 15 ans. Qu’en pensez-vous?
"Je ne sais pas si j’aurais pu écrire Reality il y a 15 ans. En ce qui me concerne, je trouve que Reality ne ressemble aucunement à ce que j’ai fait dans le passé. Je crois que cet album possède son style très personnel. C’est très difficile pour moi de prendre un tel recul par rapport à ma musique."

Reality est votre 25e album… (interruption de la part de D. Bowie)
"C’est ce qu’on dit en effet! (rires)"

Comment parvenez-vous encore aujourd’hui à vous réinventer musicalement?
"C’est mon travail. C’est ce que je suis habitué à faire. J’ai choisi d’être auteur-compositeur car j’adore ça. Par conséquent, ce n’est pas un problème pour moi d’écrire des chansons. C’est ma vie. Je vais d’ailleurs y consacrer tout mon temps jusqu’au jour où je ne pourrai plus écrire. En fait, je crois que la plupart des auteurs écrivent jusqu’au jour de leur mort, non? (rires)"

Après toutes ces années d’écriture, diriez-vous que l’inspiration est toujours la même?
"Oui, probablement. Je ne crois pas que mon style d’écriture ait beaucoup changé depuis mes débuts. On pourrait donc dire que je suis encore inspiré par la même source."

Est-ce que ça devient plus facile?
"Non, ça n’a jamais été facile pour moi d’écrire. Cela dit, j’écris assez rapidement et je passe ensuite beaucoup de temps à fignoler chaque composition. Les expériences géographiques – les différentes villes que je visite au cours d’une année – contribuent aussi à enrichir mes chansons. En ce moment, je traverse une phase expérimentale. Mon prochain disque devrait donc être assez différent. Je suis impatient de terminer la tournée pour retourner en studio! Mais ça n’ira pas avant la fin de juillet puisqu’on doit d’abord participer à quelques festivals au cours de l’été."

Que voulez-vous dire lorsque vous parlez d’une phase expérimentale? À quoi peut-on s’attendre musicalement?
"Ça veut dire que je vais essayer de m’éloigner des cadres traditionnels de l’écriture. Je vais laisser plus de place à l’improvisation, plutôt que d’écrire des chansons avant d’entrer en studio. Je veux rester ouvert à toutes les possibilités et éviter d’élever des barrières entre la création et moi. Autrement dit, je ne sais pas encore à quoi ressemblera le prochain disque! Je verrai une fois que je serai en studio. J’aimerais par contre qu’il soit prêt avant la fin de l’année."

Si c’est le cas, vous aurez lancé un album par année depuis 2002. Est-ce que ça veut dire que vous avez plus de choses à dire?
"Je ne sais pas si j’ai tant de choses à dire que ça. Cela dit, je suis très inspiré musicalement en ce moment. Mes textes ne proviennent pas du même endroit que ma musique. Pour moi, la musique est sans frontières, c’est essentiellement ce qui me nourrit. D’ailleurs, il se pourrait bien que mon prochain album soit instrumental."

Vous avez accepté de poser avec Iman pour la campagne publicitaire de la nouvelle ligne de vêtements de Tommy Hilfiger, baptisée H. Pourquoi?
"Ils ont proposé l’idée à ma femme, qui m’a par la suite convaincu d’accepter. Je suis très satisfait de l’avoir fait. Tu sais, chaque fois qu’on accepte de faire une session de photos pour un magazine, on nous fournit des vêtements de créateurs connus. Par exemple, le Rolling Stone de cette semaine est rempli de chanteurs rock portant des vêtements griffés. C’est comme une grosse publicité. Ça fait plusieurs années que je me prête à ce jeu et cette fois-ci, tant qu’à porter les vêtements d’un créateur que je n’ai pas choisi, je me suis dit: "Aussi bien être payé (rires) pour le faire!" Deux heures devant un appareil photo, ce n’est pas si pire que ça."

La rumeur dit que vous êtes l’un des artistes les plus riches au monde. Plus riche même que Paul McCartney. Est-ce vrai?
"J’aimerais bien (rires)! Ce n’est absolument pas vrai."

Savez-vous d’où vient cette rumeur?
"Je crois qu’elle est née il y a quelques années, lorsque j’ai vendu les droits de certains de mes albums. C’est ridicule."

Néanmoins, quelle est la chose la plus précieuse que l’argent vous ait procurée?
"Rien n’aurait d’importance si je ne pouvais plus écrire d’albums. Aucun montant d’argent au monde ne pourrait compenser cette perte. Si on me plaçait dans une situation où je devais choisir entre l’argent et la musique, j’abandonnerais l’argent. Mon premier choix sera toujours de pouvoir chanter et jouer de la musique. Je préférerais d’ailleurs avoir l’habileté plutôt que la liberté d’écrire."

Vous avez écrit la musique et les textes du livre pour enfants Musical Storyland, illustré par Jamilla Naji (le livre sera disponible le 24 avril aux États-Unis). De quoi s’agit-il exactement?
"C’est intéressant que tu m’en parles. Je n’ai absolument rien à voir avec ce projet. Les textes et la musique qu’on retrouve dans ce livre, je les ai écrits dans les années 60, quand j’étais encore très jeune. J’ai naïvement cédé les droits sur ces chansons à cette époque. L’illustratrice Jamilla Naji a construit un livre à partir de ces dernières. Elle ne m’a même pas envoyé une copie du livre. Elle n’était pas obligée de le faire, bien sûr, mais j’ai trouvé cela très impoli de sa part. Je ne sais pas si le livre est bon ou mauvais. Chose certaine, je ne céderai plus jamais mes droits d’auteur!"

Macy Gray a joué en première partie du concert de Montréal et maintenant, c’est au tour de Stereophonics. Est-ce vous qui choisissez vos premières parties?
"Oui. J’ai choisi Stereophonics car c’est un excellent groupe britannique. Vous aurez aussi l’occasion de découvrir à Québec The Polyphonic Spree, que j’adore. J’aime aussi énormément The Dandy Warhols. Ils ont ouvert pour nous en Europe."

Quelles sont les formations qui attirent votre attention en ce moment?
"J’écoute un excellent groupe de New York qui s’appelle TV on the Radio. Ils viennent de lancer l’album Desperate Youth, Blood Thirsty Babes (rires) et je suggère à tous de les découvrir. C’est le meilleur groupe new-yorkais en ce moment. J’ai récemment découvert la formation japonaise Supercar et j’adore également la trame sonore du film Lost in Translation. Un film superbe."

Que pensez-vous de l’industrie musicale?
"Elle est très mal en point, tu ne trouves pas? On dirait qu’elle n’arrive pas à gérer le nombre incroyable d’albums qu’elle génère chaque semaine. C’est son problème principal: il y a trop de disques disponibles et la qualité s’en ressent. Ah et puis à quoi bon, je ne sais pas pourquoi l’industrie va mal et je m’en fous! Je préfère me concentrer sur ma musique…"

Le 4 avril à 19 h 30, avec The Polyphonic Spree
Au Colisée Pepsi
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