Entretien avec Urbain Desbois : Curieuse bibitte!
Rat des villes, rat des champs, URBAIN DESBOIS (auteur-compositeur-multi-instrumentiste et interprète) nous propose une nouvelle collection sonore: son troisième album, Entomologie.
Urbain Desbois avait démontré, avec son album précédent, sa parfaite maîtrise de l’aphorisme et du haïku. Sur son plus récent, Entomologie, il passe en format radiophoniquement viable, mais avec le même bonheur: "C’est un but que je me suis donné pour cet album, d’écrire des chansons qui dépassent la forme à laquelle j’étais habitué, d’écrire des chansons plus conventionnelles, plus longues, avec des refrains… C’est vraiment une étape."
Les textes, il lui aura fallu six mois pour les ciseler: "Tous les jours, "j’allais au travail> sur mon balcon, en face de la forêt. Et j’ai raturé, relu, réécrit, retravaillé, élagué, ce que, jusque-là, j’étais incapable de faire. Le résultat est complètement différent, bien que je m’y reconnaisse encore; c’est une métamorphose dans un même corps, un corps simplement plus étoffé. Je crois avoir respecté mon intégrité dans cette évolution."
Cet album, Urbain Desbois a pensé, a posteriori, l’appeler Philatélie. Et il n’aurait pas été mal nommé, car c’est bien d’une collection qu’il s’agit, jolis tableaux qui collent à la mémoire, des atmosphères, des images: "Juste une émotion / Je trouve ça fatigant / Il m’faudrait des mots / (…) / C’est comme la faim / C’est comme la soif / C’est comme avoir envie de faire l’amour / C’est comme en montant l’escalier / Pour arriver enfin chez toi" (Qu’est-ce que c’est?, sur Entomologie). La base musicale de l’album, folk-rock comme Urbain et conservant une touche de country comme Desbois, contribue à cette atmosphère métaphorique et introspective. On pense à Neil Young ou à Beck. "Comme pour les textes, j’ai beaucoup retravaillé les compositions. Les sonorités, elles, sont venues après." Et, une fois de plus, l’idée de "collection", qu’elle soit entomologique ou philatélique, est bien en place: pas moins de cinq formations musicales différentes pour onze chansons, des cordes jazzées, des chœurs même… Évolution, disiez-vous? Le travail d’Urbain Desbois est aussi, littéralement comme littérairement, une mise en abyme; il semble avoir développé cette capacité à s’observer créant. Et c’est peut-être là que réside la profondeur, abyssale parfois, des créations urbaines et déboisées du trentenaire pensant. "La trentaine, c’est l’âge adulte. Je trouve ça bizarre, en fait. Je me sens dans cet âge adulte, mais ça m’agresse un peu. Je veux continuer de jouer, moi! Je le fais encore beaucoup: jouer de la musique, jouer à quatre pattes avec mes enfants, faire des jeux de mots."
Pourtant entouré d’insectes à la campagne, Urbain Desbois n’en connaissait pratiquement aucun avant de se lancer dans l’écriture d’Entomologie. Il les a "apprivoisés", notamment par de scientifiques lectures. Mais il connaît bien aussi ce drôle d’insecte qu’il est, il sait l’observer, l’analyser. "Il y a en nous un côté plus sombre, où l’on va se cacher parfois. Les artistes plongent peut-être plus souvent que les autres dans ce monde intérieur; et ils en ramènent des objets à la surface. Ce sont des scaphandriers. Pour ma part, avec le temps, l’eau est devenue moins trouble, j’ai moins de mal à descendre en ces profondeurs."
Le 17 avril à 20h30
Café-Théâtre Côté-cour
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