Les Chiens : Dans la niche
L’anecdote a débuté dans le livret qui accompagne l’album du groupe André. On y lit que les six chansons ont été enregistrées à la maison, dans l’arbre d’ÉRIC GOULET. Étant intrigué par une telle image, le lieu s’imposait comme point de rencontre pour une future entrevue. Un concert à l’horizon, deux ou trois coups de fil rapides et nous y étions. Dans la niche du chanteur des Chiens.
"Je dors au bord d’une autoroute", chante-t-il sur le compact La Nuit dérobée. Éric Goulet vit effectivement sur une artère passante près d’une caserne de pompiers. Construit sur trois étages, le 4-1/2 aux plafonds bas compte quelques murs et escaliers de bois qui, jumelés aux fenêtres donnant sur le parc La Fontaine, suggèrent l’idée de cette fameuse cabane perchée. "C’est ici que j’ai travaillé sur nos albums La Nuit dérobée et Debout, en plus de Fantastik Strapagosse de WD-40", raconte Goulet, tisane à la main, sur un fond de Robert Johnson, l’homme qui, selon la légende, vendit son âme au diable pour devenir maître du blues. "C’est une ancienne shed qui est devenue ma maison et mon studio."
Aboyant un rock plus mordant sur leur quatrième album, Les Chiens sont passés maîtres dans l’art des chansons riches musicalement et textuellement. Bien qu’il soit de race canine, il est tentant de comparer le groupe au monde rampant des reptiles. Les rythmes dégagent par leur lourdeur, le son des guitares crée de sombres atmosphères insidieuses et les vers langoureux si fragiles de Goulet transpirent presque inévitablement la solitude, le désespoir et l’amertume. Se retrouver dans son lieu de création a quelque chose de bien particulier. On se dit soudainement que ces murs ont vu plus souvent qu’à leur tour le cœur de l’homme écorché à vif. "Mes chansons partent toujours d’une émotion personnelle, mais ce sont souvent des métaphores qui mélangent réel et fiction. Je préfère développer une situation à régler, un conflit, plutôt que de parler des choses banales de la vie. J’aime les phrases qui tuent… Avant que la vie m’arrache le cœur (Le Risque de l’habitude)."
À 36 ans, en plus de tenir la barre des Chiens, Goulet multiplie les projets parallèles. Ses collaborations avec Urbain Desbois, PsychoCaravane, Alex Jones, André et bientôt Jean-François Fortier et Vincent Vallières lui offrent aujourd’hui une certaine stabilité, en plus d’une liberté créatrice. "J’ai vécu des passes creuses en maudit, mais aujourd’hui, j’ai la chance d’être libre. Je ne suis pas riche, mais je ne suis pas pris à la gorge par les dettes. Je peux prendre mon café pendant deux heures, ne rien faire pendant quatre jours et laisser l’inspiration me rattraper. C’est ma richesse à moi… ça et quelques guitares."
Une richesse qui accompagne un talent reconnu puisque, pour une troisième année consécutive, Les Chiens sont en nomination au gala de l’ADISQ pour l’album alternatif de l’année. Ils avaient d’ailleurs remporté le prix en 2001 pour La Nuit dérobée, qui avait mené les cabots vers de sublimes ruelles éthérées, jamais visitées par nul autre congénère québécois. Une surprise au départ pour l’ex-Possession Simple, qui ne s’attendait jamais à recevoir un Félix de son vivant. À l’instant même, la statuette trône sur le réfrigérateur de Goulet, qui lui a trouvé une utilisation bien spécifique. "Sa lourdeur et ses rondeurs en font le pic à glace idéal pour déglacer mon congélateur sans risquer de le briser. Les bouts sont peut-être un peu éraflés, mais je suis bien content de l’avoir." www.leschiens.org
Jeudi 29 Avril 2004
Bar Le Potin, arr. Chicoutimi
Vendredi 30 Avril 2004
Le Vieux Couvent, St-Prime
voir Calendrier Rock/Pop