Einstürzende Neubauten : Le silence est le vacarme d'aujourd'hui
Musique

Einstürzende Neubauten : Le silence est le vacarme d’aujourd’hui

À l’aube de leur 25e anniversaire, les Allemands d’EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN s’engagent dans une tournée prometteuse, sortant à peine du laboratoire Perpetuum mobile, un dixième album enregistré sous le signe du renouveau.

Si le chanteur et touche-à-tout Blixa Bargeld a définitivement quitté les Bad Seeds, la séquence d’activités s’est aussi concentrée grâce à une originale mise en spectacle des répétitions. Dans une volonté d’indépendance, E.N. ont ainsi financé la production de Perpetuum mobile par le biais d’abonnements à leur site Internet, permettant à leurs fans de participer à la direction artistique, en plus d’obtenir un album complet de matériel inédit.

Ces répétitions devant public pourraient faire croire à l’influence de récentes modes télévisuelles. Pas exactement, selon Alexander Hacke rencontré avant le concert de Paris: "Ça ne fonctionnait pas vraiment comme la télé-réalité, plutôt comme un site porno. Ça ne durait pas vingt-quatre heures, c’était un rendez-vous que nous avions avec les spectateurs. Après avoir fait un don, ils pouvaient agir avec nous, intervenir dans le processus de création, ce qui nous éloigne des parodies à la Big Brother."

Compte tenu des multiples projets parallèles qu’entretiennent les membres du groupe, cette mise sous surveillance a joué le rôle d’un stimulant et amélioré la ponctualité. "Ça nous a donné une réelle discipline, poursuit Hacke. Au lieu de se rencontrer de manière épisodique et aléatoire, nous avions cette fois une véritable contrainte, ce qui a beaucoup accéléré le travail. Nous envisageons sérieusement de conserver cette méthode."

Mutation perpétuelle
Reconnus comme des éclaireurs de la musique dite "industrielle", Einstürzende Neubauten se sont faits plus délicats avec les ans, allant du bruitisme expérimental à des structures plus reconnaissables et s’engageant même dans un certain lyrisme. Aux côtés des sections de cordes, les plaques de tôle ont cédé du terrain aux tuyaux de PVC et autres plastiques. "Nous avons un peu réinventé la cornemuse avec l’air comprimé et ces tubes de plastique, plus légers que nos anciens tuyaux de métal. Nous sommes tous plombiers maintenant! Bien qu’on aime mélanger les matériaux, la priorité est accordée au nouveau matériel, car pour chaque pièce d’E.N., un nouvel instrument est nécessaire, ce qui limite les possibilités en tournée et nous confine à une tactique de guérilla."

L’utilisation sophistiquée du vent va de concert avec l’apologie du mouvement qui habite le nouvel album, lequel ravive des avenues abordées dès l’excellent Ende Neu il y a huit ans. "En 1996, après que deux membres se soient poussés, nous devions honorer la fin d’un contrat de disque, ce qui a nécessité un véritable effort de renaissance… Après le 20e anniversaire, on s’est retrouvé exactement dans le même état d’esprit et nous étions prêts à tuer E.N. C’est alors que cette idée d’un album interactif est apparue et nous a rendu notre motivation."

De fait, une nouvelle magie s’est installée chez cet ensemble qui aurait pu sombrer dans sa légende. Les percussions qui firent sa marque ont acquis une autre dimension, à teneur plus orientale: "J’ai grandi dans un voisinage turc, au sein de la musique orientale, révèle Hacke. Mais ces percussions rituelles trouvent leur source dans des séances d’abandon où, disposés en hexagone, nous tentons de canaliser notre énergie contre une personne ou une chose. C’est une forme de magie noire, la plus forte, je crois, après celle des rites sexuels."

À l’heure où les têtes débordent de messages, la cacophonie ambiante appelle selon le musicien une résistance différente. "Le silence est le nouveau vacarme. Le monde a changé depuis nos débuts, alors qu’il n’y avait pas de bruit dans la musique populaire. Maintenant, on ne retrouve pas une pièce de hip-hop sans quelques bruits ajoutés, ce qui en fait une nouvelle norme et un nouvel outil de divertissement. Aujourd’hui, fermer des canaux, faire des black-out et éteindre des voies est la plus actuelle des rébellions."

Le 27 avril
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