Laurent Voulzy : Briller par son absence!
Musique

Laurent Voulzy : Briller par son absence!

Laurent qui?… La majorité des amateurs de chanson francophiles au Québec n’identifient pas le nom VOULZY. Il n’est pas dans la banque de données. Pourtant, on connaît bien les 20 succès dont il a signé la musique pour son ami Alain Souchon et on peut fredonner Rockcollection en trouvant l’air drôlement familier. Le chanteur à lunettes reste une énigme non résolue ici, qui s’explique en partie par ses rarissimes visites dans notre bout de pays.

La première fois que je lui parle, par la magie du cellulaire, il est en train de traverser la campagne bretonne et tombe en pleine tempête de neige. "On se croirait au Québec!" me dit-il étonné, émerveillé comme un gosse par cette magie de la nature. On cause, bien sûr, de cette collaboration à quatre mains qui a donné une flopée de hits irrésistibles depuis bientôt 30 ans. Une signature délicate, un véritable style. Une espèce de mimétisme étrange qui fait que ces chansons-là sont des deux sans être tout à fait ni l’un ni l’autre. Comme si elles étaient l’œuvre d’un troisième personnage, un auteur fictif qui s’appellerait peut-être Laurent Souchon ou Alain Voulzy…

"Quand on travaille l’un pour l’autre, on se met totalement au service de l’autre. Quand Alain écrit pour moi, c’est l’idéal de ce que j’ai envie de dire. Pareil, quand j’ai fait la musique de Jamais content ou Allô maman, bobo!, c’était pour lui, c’est évident. En plus, on a des tempéraments assez différents. Il est rapide, moi je suis lent; il voit le verre à moitié vide quand je le vois à moitié plein. Et en même temps, on est très complémentaires. Il amène une dérision ou une mélancolie dans ce que j’aurais dit d’une manière plus tonique. On a mis de l’un dans l’autre dans les chansons."

Des modèles du genre? Somerset Maugham, Rame, C’est déjà ça, chantées par Souchon, ou bien Le Cœur grenadine, Belle-Île-en-mer, Marie-Galante et surtout My Song of You, le portrait craché de ce chanteur d’origine guadeloupéenne, couleur café "au lait mélangé" qui assume complètement sa voix fluette et son côté crooner.

Car le vrai mystère Laurent Voulzy, c’est son éternelle… adolescence. On parlera de sa paresse, de sa timidité maladive, de son perfectionnisme légendaire qui fait qu’il aura mis huit ans à concocter son petit dernier, Avril, lequel a remporté la même Victoire de la musique que son illustre prédécesseur, Caché derrière. D’ailleurs, la première fois que le chanteur nous a visités, c’était à l’occasion d’une tournée de promo pour cet album réalisé avec Michel Cœuriot. Aujourd’hui, c’est avec le fils de celui-ci qu’il reprend la route en frères de guitare. Né en 48, toujours fan des sixties, Voulzy n’a pas d’âge.

À preuve, la très belle compilation Saisons, sortie récemment au Québec en prélude à ses premiers concerts québécois cet été, débute par une chanson inédite: Là où je vais, tellement pleine de fraîcheur et de bonheur de jouer qu’on la croirait sortie intacte d’un tiroir où on l’aurait cachée au bon vieux temps de l’innocence. "Pas du tout. C’est une nouvelle chanson toute récente écrite après l’album Avril. En plus, c’est une photo de mon état d’esprit du moment. Un état qui dure depuis quelque temps."

Chronique d’un succès renouvelé. Après avoir enregistré un des meilleurs albums live de la chanson francophone, le Voulzy Tour, en 96, Laurent viendra nous voir en concert intime (aux FrancoFolies; aucune date n’est encore confirmée pour Québec), formule "unplugged" ou "pas tout à fait plugged", blague ce fou des guitares qui n’aurait pas pu se priver de sa Rickenbacker électrique. "Je n’ai pas de secret. La seule chose que je cherche quand je fais une chanson – dans la composition comme dans l’enregistrement -, c’est l’émotion maximum. Il me faut garder cette émotion quand je réécoute la pièce. Il faut que ça m’émeuve. Et le but, évidemment, c’est de procurer cette émotion aux autres."

Voilà ce qu’il y a de magique dans les chansons de Voulzy. Ce sont des petits films qui s’étirent de plaisir et que l’on revit. Comme les sept minutes nocturnes du Cocktail chez Mademoiselle ou les épisodes rocambolesques de Rockcollection. Comme cette sensation de planer sur la mer des Antilles, au ras des vagues, dans Le soleil donne, Le Rêve du pêcheur ou Amélie Colbert. Vous pouvez les réentendre 100 fois: toujours émane le même sentiment de fragilité et de perfection. Comme "un truc qui colle encore au cœur et au corps"…

Saisons
Laurent Voulzy
(Conjugaison musique)