

Luc De Larochellière : Quelque chose d’animal…
Quatre ans se sont écoulés avant qu’on entende son 6e album. Nouveau son ou nouveau style? Quelque chose d’animal poursuit la mission que LUC DE LAROCHELLIÈRE s’est donnée…
Marie-Josée Belley
Photo : Martin Tremblay
Bien des gens pensaient que Luc De Larochellière s’était évanoui de la scène québécoise. En fait, c’est bien le contraire, car il n’a pas arrêté de travailler à divers projets. Il a même fallu qu’il s’arrête pour finaliser l’album, commencé au printemps 2003. "J’ai jamais été absent. J’ai fait autre chose… J’ai même dû mettre un holà à mes activités pour pouvoir faire l’album. Durant ces quatre ans, j’étais toujours dans des projets. Il y a eu la formule cabaret que j’ai promenée beaucoup, surtout dans les alentours de Montréal, où je présentais des spectacles "jam" avec des invités. Il y a eu aussi mon implication au sein des FrancoFolies et la direction artistique du Festival de la chanson de Granby. Je suis aussi allé au Mexique avant les Fêtes donner un spectacle avec des artistes mexicains et québécois. Il y avait toutes sortes de projets comme ça. J’ai aussi fait des chansons pour enfants sur des cd-roms, un thème d’émission de télévision, des spectacles dans l’Ouest canadien, un autre en Arabie saoudite… et un autre aux États-Unis. Finalement, je n’arrêtais pas… mais à partir du mois de décembre 2003, je me suis dit, je finis ce disque."
Quelque chose d’animal…
Avec des titres comme Alertez les actionnaires, J’arrive de la planète des singes, Si tu m’laisses, Mutant ou encore Jackie, Larochellière surprend, mais reste dans sa lignée dénonciatrice et revendicatrice. Mais l’auteur-compositeur-interprète ne se décrit pas directement comme tel. "Je fais une espèce de portrait quand j’écris. C’est sûr que c’est mon opinion… Ça devient un peu éditorial par le choix des images et des mots que je fais pour décrire telle ou telle chose. J’ai mes idées et je pense qu’elles finissent immanquablement par sortir dans mes textes. Je me vois plus comme un portraitiste que comme un dénonciateur en tant que tel. Mais parfois, juste en faisant le portrait, on voit l’image et on en tire des conclusions. Il est possible que les portraits que je brosse vont un peu dans le sens de mes opinions."
On pourrait penser que l’album Quelque chose d’animal est un concept en soi. L’auteur se défend d’avoir agi ainsi. "Un album concept? Pas vraiment. Lorsqu’il y a des chansons qui ont été écrites dans une même période, c’est sûr qu’il y a un certain lien… un lien d’époque. Je dirais aussi qu’il y a des chansons là-dedans qui se répondent même si parfois ça parle plus de sujet global, de société. Parfois c’est des trucs plus relationnels. Mais je trouve que tout ça, sans vouloir faire un album concept, tout ça finit par se répondre et créer peut-être quelque chose qui a une certaine suite."
Les chansons que Luc nous présente sur son 6e album ont été conçues au cours des quatre dernières années. Les paroles et musiques ont été écrites par lui et c’est avec ses acolytes, Marc Pérusse et le guitariste Alexandre Dumas, qu’ont été faits les arrangements. Pour Luc, "chaque chanson est un projet différent. Plus souvent qu’autrement, je compose la musique d’abord. Il y a des exceptions, mais en général, la musique vient avant. J’essaie de me laisser inspirer par l’esprit général de ce que j’entends comme musique. Je trouve ensuite le bon ton, le bon sujet… et à partir de là… à partir d’une phrase, d’une image, d’un éclair général, j’écris."
Et les thèmes?
La première chanson de l’album, c’est du Larochellière comme on l’aime. Si on lui demande si la chanson Quelque chose d’animal dénonce ce qu’est devenu l’être humain, Luc nous dira que c’est plutôt une représentation. "On utilise beaucoup d’images animalières pour décrire nos comportements humains. Dans cette chanson-là, j’essaie de raconter les espèces de personnages que l’on peut croiser selon les environnements. On pourrait se trouver dans un bar… l’alcool aidant, nos instincts animaliers ressortent un peu plus…"
Alertez les actionnaires se veut un message aux grosses industries. "Je vais dans un constat du monde dans lequel on vit… et de ses valeurs, et de nous dans ce monde-là. On voit un peu la façon dont certaines grandes entreprises fonctionnent. Ils justifient toujours. "On a été obligé de faire ci, de faire ça… car on est redevable à nos actionnaires". C’est souvent la phrase clé pour justifier des mises à pied massives… ou l’excuse pour aller faire fabriquer des choses par les pays du tiers-monde et ce, par des enfants. On dit "Oui, nous sommes redevables à nos actionnaires"… Je me suis servi de ça pour dire "Alertez les actionnaires, ici on tue sans en avoir l’air"."
Nouveau son, nouveau style?
Le son de l’album de Larochellière en surprendra plus d’un. On reconnaît évidemment le Luc De Larochellière que l’on connaît, mais celui-ci se permet d’explorer d’autres avenues, entre autres avec J’arrive de la planète des singes. "Ça fait un petit bout de temps que je fraie avec les machines. C’est sûr que cette espèce de lutherie électronique n’a pas cessé de se développer. Il y a certaines chansons où les musiciens et moi, on s’amuse un peu plus avec ça. La base de cette chanson reste un peu rock funk, mais ce qu’on a essayé de faire, c’est que chaque couplet soit une petite mise en scène. Les rythmes sont différents d’un couplet à l’autre. À chacun, je change de place. C’est comme un voyage. On suit mes déplacements et c’est lié par un fond techno-dance, mais chacun des couplets a une couleur. Il y en a un plus funky, l’autre plus rhythm’n’blues. C’est une chanson aussi où je parle de choses réalistes en utilisant parfois des images surréalistes."
On écouterait durant des lunes et des lunes la chanson Si tu m’laisses. "J’ai essayé de décrire ce qui se passait dans la tête de quelqu’un un peu avant sa rupture. Tu sens que ça s’en vient. Tu pognes ton coup de blues, de déprime… en fait, c’est tout ce qui nous passe par la tête, qu’il ne faudrait pas se laisser aller à… Tout le monde vit ça à un moment donné dans sa vie, cette espèce de petite crise de dépendance qui précède la rupture."
Luc nous présente aussi Jackie sur l’album. "Lorsque est venu le temps d’écrire les paroles, l’image qui m’est venue en tête est celle d’une jeune fille sur le bord de l’eau qui regarde le fleuve et puis, j’ai commencé à écrire le texte. C’est une jeune fille enceinte… une ado qui se demande ce qu’elle va faire, garder le bébé ou non. Elle vit en même temps sa quête d’amour insatiable. Dans la chanson, elle le garde, elle prend la décision de le garder même si c’est troublant. C’est un portrait inventé, mais je sais que ça existe, que ce genre de chose-là arrive très souvent."
Et la tournée?
Pas de projet de clip en vue, pas de spectacle de confirmé encore… Pour l’instant, Luc se concentre sur la promotion de Quelque chose d’animal. On pourra toutefois le rencontrer dans plusieurs festivals cet été en trio avec Marc Pérusse et Alexandre Dumas. Mais comme il dit, "à partir de l’automne, je vais m’attaquer à monter le spectacle officiel de ce disque-là…"
Luc De Larochellière
Quelque chose d’animal
(Les disques Victoire)