The Real Tuesday Weld : L'ange du diable
Musique

The Real Tuesday Weld : L’ange du diable

L’actrice américaine Tuesday Weld était réputée dans les années 50 et 60 pour ses nombreux rôles d’adolescente. Malgré une beauté du diable et quelques interprétations plus importantes, elle refusait catégoriquement de vivre comme une figure notoire du cinéma, incarnant délibérément des personnages obscurs dans le cadre de productions plus risquées. Elle faisait à sa tête, et refusa même le rôle-titre du film Lolita, réalisé par Stanley Kubrick.

À la suite d’un rêve dans lequel figurait la comédienne, le Londonien né en Afrique du Sud Stephen Coates se mit en tête d’enregistrer ses albums sous le nom de The Real Tuesday Weld.

Avec son accent britannique prononcé, le compositeur explique la coïncidence. "Je l’admirais déjà pour son humilité. Elle aurait pu se prendre la tête, mais le monde des célébrités ne l’attirait pas. Qu’elle m’apparaisse dans un rêve fut pour moi un signe, puisque la nuit d’avant, c’était le chanteur anglais Al Bowlly qui me visitait pendant mon sommeil."

Parsemés de pièces aux ambiances de cabaret des années 30, les disques Where Psyche Meets Cupid et I, Lucifer de The Real Tuesday Weld démontrent bien l’importance que Stephen accorde aussi au crooner Al Bowlly. "Il est devenu le premier chanteur populaire du pays. Du moins, le premier reconnu par les gens dans la rue. Les Allemands ont écourté son existence durant la Deuxième Guerre mondiale. Leurs bombardements sur l’Angleterre l’ont éliminé un soir, alors qu’il rentrait peinard à la maison. Sa voix mystérieuse reste gravée dans ma mémoire. Ces deux rêves consécutifs m’ont donc convaincu d’abandonner ma carrière de peintre pour me lancer en musique."

À 34 ans, Stephen dégage un charisme mystérieux. De son quartier londonien de Clerkenwell, il fréquente régulièrement le cimetière Bunhill Fields où reposent les corps de William Blake et Daniel Defoe. C’est d’ailleurs dans ce Clerkenwell que se déroule l’action de son dernier disque I, Lucifer, inspiré d’un roman de Glen Duncan du même titre. On y retrouve Satan qui se voit offrir une dernière chance d’entrer au paradis. Pour ce, il doit vivre un mois dans la peau d’un jeune écrivain sans semer le chaos autour de lui. "Pour mon disque, j’ai imaginé la trame sonore du récit. Au moment où il écrivait son livre, Glen vivait sous le même toit que moi. Je n’ai donc pas lu son histoire pour ensuite composer l’album: tout s’est enchaîné graduellement. Nous échangions des idées sur les thèmes abordés, et puisque Lucifer connaîtra une saga amoureuse qui tournera au vinaigre, nous discutions de l’amour, du diable et de la mort."

À travers les 14 pièces d’I, Lucifer, Stephen Coates nous entraîne dans de multiples registres où les textes mettent en scène une dualité fantaisiste. "Habituellement, les bandes originales réunissent différents groupes aux styles variés afin de répondre aux diverses atmosphères du long métrage. Comme The Real Tuesday Weld faisait cavalier seul, la commande était de taille."

Si les pièces s’inspirent d’émotions distinctes, le fil conducteur reste bien précis. Le jazz, les rythmes électroniques et le folk côtoient admirablement l’ambiance cabaret burlesque récurrente de Stephen; sa musique gagne une profondeur évoquant Tom Waits, Leonard Cohen et même Serge Gainsbourg lorsqu’il murmure lascivement les mots. "Gainsbourg me fascine complètement. Nous jouerons d’ailleurs une version anglaise de La Javanaise lors de notre concert à Montréal." Et ce n’est pas la seule preuve d’ouverture à la culture française que démontre Coates. Il avouera l’instant d’après être sous le charme des Triplettes de Belleville, ignorant toutefois que Benoît Charest est québécois. "C’est un pur génie, j’aimerais bien le rencontrer pour lui témoigner mon admiration!"

Le 8 mai
Au Petit Café Campus
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