Hawksley Workman : Paris extase
Chouchou de la presse et d’une partie grandissante du public, le séducteur HAWKSLEY WORKMAN ramène sa gueule d’ange hédoniste dans nos contrées – et pas loin de la maison – après un énième périple outre-Atlantique où la France, particulièrement, est tombée amoureuse de lui. L’occasion de faire le tour de l’image d’un jeune homme à succès empreint de candeur autant que d’idées de grandeur.
"Oh man, I’m so busy!" Dès les premiers mots, l’homme à l’autre bout du fil confirme ce qu’on voulait lui dire après une bonne attente: que lui, Hawksley Workman, est un homme occupé et qu’il devient parfois difficile de mettre le grappin sur lui! Tout le contraire de la première entrevue qu’il accordait à ce journal en 2000, alors qu’il avait fallu plusieurs minutes avant que l’on puisse lui poser une véritable question sur sa venue ici, puisqu’il en posait lui-même mille et une sur la ville, les festivals et… la température. Mais, emploi du temps chargé ou pas, Hawksley Workman demeure dans le fond une de ces perles d’authenticité de la musique qui semble trouver son bonheur dans le travail.
Workman lançait son troisième album, Lover/Fighter, en septembre dernier. Depuis ses premiers efforts, For Him and the Girls et (Last Night We Were) The Delicious Wolves, l’évolution du jeune homme est perceptible et dûment identifiable. Du brouillon au charme fou du premier jusqu’aux chansons mieux produites et plus ordonnées du deuxième, Hawksley Workman en est arrivé à un album extrêmement cohérent, très vivant et à la personnalité tout de suite identifiable. En somme, quelque chose d’étincelant qui lui ressemble beaucoup. Les critiques ont continué à louer le travail de l’Ontarien et, enfin, le public semble avoir emboîté le pas au concert de louanges. Il n’y a qu’à regarder le travail de prosélytisme effectué en France, pays d’adoption et adopté pour un temps, par exemple par le magazine Les Inrockuptibles, normalement très intransigeant, pour déceler l’impact que peut maintenant avoir Workman.
Paris gagné
Workman et ses hommes, qui traînent leur spectacle depuis maintenant trois mois à l’étranger, ont posé les pieds au pays juste à temps pour la tournée canadienne, qui débutait au cours de la deuxième semaine de décembre. L’artiste ne s’est pas fait prier pour avouer que ce retour au bercail est le bienvenu. "Après tout ce temps passé sur la route, je crois que nous sommes tous un peu fatigués. Ce qui est bien dans le fait de retourner au Canada, c’est que tout le monde se sentira mieux, un peu plus près de chez soi. Car lorsqu’on est dans cet état, fatigué et loin de la maison, on se sent parfois totalement abandonné!"
On sent bien, derrière cette jovialité, que Hawksley Workman en a trimé un coup depuis la sortie de Lover/Fighter; la longue expérience de ce troisième opus s’est amorcée bien avant sa sortie. "Ce n’est pas que j’étais vraiment nerveux ou que j’avais des appréhensions, mais… quand tu sais que ton album va sortir, tu sais aussi que ça va prendre une grande signification. Ça devient alors un peu comme avoir le trac avant d’entrer sur scène… Ça découle du fait que les chansons ont été conçues pour la plupart sur la route et que j’ai pris beaucoup plus de temps pour les enregistrer – six mois comparativement à trois semaines pour les deux premiers -, ce qui est inhabituel chez moi. J’avais toutes les chansons, mais je cherchais simplement la meilleure façon de les présenter."
On connaît le résultat. Avec ses pièces aux mélodies imparables et à la production impeccable, Hawksley Workman peut enfin faire son entrée dans les grandes ligues sans honte. Le seul regret, pour certains, sera de partager avec la masse ce travail d’artisan, les chansons de Workman étant du genre de celles que l’on garde jalousement pour soi pour ne révéler leur existence qu’à quelques seuls initiés!
Face à face
À l’origine, le projet du chanteur était de pondre deux albums, un Fighter et un Lover, Workman ayant développé pour cela une trentaine de chansons. Mais parce qu’aucune maison de disques n’aime entendre la douce expression "album double", et aussi pour bien d’autres raisons, Workman n’a retenu que les meilleures et celles qui se soudaient le mieux ensemble pour finalement aboutir au concept de dualité formant Lover/Fighter. Une approche connotant bien les relations amoureuses et historiettes de Hawksley, qui s’est non seulement imposée d’elle-même mais qui, si on regarde en arrière, était déjà fort présente sur For Him and the Girls et son successeur. Un sujet bien souvent enveloppé d’une certaine recherche spirituelle et d’appels à un dieu quelconque. Étonnant, toutefois, pour un album qui s’ouvre sur un "Fuck you" inattendu! "Je crois qu’on retrouve cette dualité chez bien des gens, explique Workman… Chez moi, il y a toujours une lutte entre le cœur et la raison, deux entités à part entière qui ne cherchent, chacune, qu’à se retrouver au sommet. En outre, même si mes principales sources d’inspiration demeurent Dieu, les femmes et le whisky, j’espère toujours trouver Dieu autant que j’espère que Dieu me trouve! Cet aspect spirituel nourrit tout ce que je fais et la musique est un moyen de sonder et de rechercher. C’est simplement ma façon à moi de savoir où je m’en vais, sauf qu’en ce qui me concerne, mon voyage est étalé au grand jour parce que je fais de la musique. Mais même si je n’écrivais pas de musique, je ferais le même genre de recherche spirituelle." Si Hawksley Workman est aujourd’hui titulaire d’un certain succès et, surtout, de beaucoup de respect (il est le premier à reconnaître ce dernier point), il ne le doit avant tout qu’à lui-même.
Le 21 mai à 21h15
Au Parc Major’s Hill
(Dans le cadre du Festival canadien des tulipes)
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