Melissa Auf Der Maur : Enfin libre!
Musique

Melissa Auf Der Maur : Enfin libre!

D’ores et déjà disponible en Europe, le premier album solo de MELISSA AUF DER MAUR accostera notre continent le mardi 1er juin. Un compact intrigant considérant l’imposante feuille de route de cette Montréalaise qui, par un étrange concours de circonstances, a pu joindre les rangs des musiciens les plus respectés de la scène rock planétaire. Entrevue.

Les ‘exploit de la Québécoise Melissa Auf Der Maur sont de ceux qui font rêver des générations d’ados singeant leur rock star préférée dans leur sous-sol.

Après avoir évolué avec deux des plus grands groupes (et aussi des plus grandes têtes fortes) des années 1990, Hole et les Smashing Pumpkins, la voici qui prend les devants de la scène à son tour avec un premier compact solo regorgeant d’invités de marque, dont d’anciens collègues et quelques gros morceaux empruntés à l’entourage de Kyuss et à Queens of the Stone Age.

Revenant sur l’étrange parcours qui l’a menée du fin fond des salles de spectacle jusqu’aux grandes officines du rock alterno-commercial, la Montréalaise relate sa toute première rencontre avec le leader des défunts Smashing Pumpkins, Billy Corgan, et les circonstances pour le moins loufoques entourant cette improbable amitié qui est à l’origine du parcours étonnant qu’elle vit depuis.

Les mardis à 1 $
Mardi 23 juillet 1991. Comme tous les mardis, on tient à cette époque aux Foufounes électriques les Looney Tuesdays où, pour un 1 $, vous assistez au concert de la soirée. "J’ai vu l’affiche dans la rue, mais je ne connaissais absolument pas les Smashing Pumpkins, se remémore Melissa. Le coût du billet et le logo de Sub Pop (ancien label du combo) au bas de l’affiche nous ont incités, des copains et moi, à nous rendre au concert."

Accompagnée de son colocataire Bruce, la jeune femme de 19 ans se mêle donc à la foule qu’elle estime à moins de 40 personnes. "Les Pumpkins m’ont éblouie dès le début du spectacle avec leur rock lourd et psychédélique. Alors que j’adorais leur côté dramatique, Bruce a lancé une bouteille sur la guitare de Billy en criant: "Drop that fucking attitude, asshole!" ("Abandonne cette attitude de merde, connard!") Un silence de mort s’est abattu sur la salle. Après avoir enlevé sa guitare, Billy a sauté dans la foule en mettant ses mains autour du cou de Bruce. La sécurité s’en est mêlée, et la bataille a ruiné la soirée."

"Billy est finalement remonté sur scène en lançant un "Merci Montréal, ceci sera notre dernière chanson."" La formation de Chicago interprète rageusement I Am One qui marque Melissa. "C’était comme s’il avait voulu nous défoncer la tronche, nous envoyer paître avec une tonne de décibels et une énergie d’enfer."

Couverte de honte par le comportement de son ami, Melissa se dirige ensuite vers Corgan, demandant pardon au nom de Montréal. Tous deux s’échangent leurs coordonnées, et le lien se tisse. Comportement de groupie? "Je ne crois pas aux groupies et je n’utilise jamais ce terme. C’est mon amour pour la musique qui m’a guidée là où je suis maintenant, pas mon amour pour un seul type. Les groupies recherchent la puissance associée au fait de fréquenter un chanteur populaire. Mon histoire n’a rien à voir avec cette recherche, elle a tout à voir avec ma passion pour la musique."

Quant à Bruce? Il fondera quelques années plus tard un groupe qu’il baptisera Godspeed You Black Emperor…

Rock romance
Si son amour pour la musique lui sert de guide, le penchant idéaliste de Melissa fait d’elle une rêveuse déterminée. Elle vient tout juste de fonder son premier groupe, Tinker, lorsqu’elle apprend – en 1993 – que les Smashing Pumpkins investiront le Metropolis, forts du succès qu’ils obtiennent avec l’album Siamese Dream. Persuadée du potentiel de sa formation, elle tente de joindre Corgan afin d’inclure Tinker au programme de la soirée, mais le numéro de téléphone qu’elle a conservé précieusement ne fonctionne plus. Elle écrit une lettre au fan-club du groupe, mais n’obtient aucune réponse. Dernière chance, le promoteur: "Je n’oublierai jamais son rire lorsque je lui ai dit que je connaissais les Smashing Pumpkins, et que Tinker devrait ouvrir pour eux. Il s’en foutait, mais je gardais espoir."

Le promoteur rit jaune lorsqu’en mettant les pieds au Metropolis, Corgan en personne lui demande où se trouvent son amie Melissa et son groupe. "Les promoteurs m’ont appelée en fin d’après-midi pour me dire que Tinker jouerait finalement avec les Pumpkins. Nous étions prêts, car je savais la chose possible."

Depuis les débuts de Melissa, les médias se sont surtout intéressés à sa relation avec son défunt père, Nick Auf Der Maur, journaliste et homme politique montréalais. Toutefois, c’est de sa mère, Linda Gaboriau, qu’elle tient cette confiance en la vie et ces étoiles qui constellent son regard lorsque qu’elle parle de musique. Originaire de Boston, Linda fut l’une des premières DJ rock de la radio montréalaise. Elle traduit aujourd’hui des œuvres théâtrales. "Quand j’avais cinq ans, elle me faisait écouter ses disques en me racontant des histoires concernant Leonard Cohen, Jimi Hendrix, Janis Joplin et les Rolling Stones. Elle m’a inscrite à FACE à l’âge de huit ans et m’a définitivement appris à vibrer pour l’aspect romantique entourant la musique rock."

L’appel de l’amour
En 1994, la famille et les amis de Melissa doutent de son jugement lorsqu’elle refuse l’offre de Billy Corgan, qui lui propose de joindre sa copine Courtney Love qui recherche une bassiste pour son groupe Hole. "Tout le monde trouvait l’occasion intéressante, sauf moi, qui souhaitais rester à Montréal avec Tinker."

La semaine suivante, c’est Courtney en personne qui appelle Melissa et passe deux heures au téléphone pour la convaincre de prendre un avion le lendemain pour Seattle. "Lorsque j’ai refusé, Courtney s’est dit: "Parfait! Cette fille décline l’offre? Il me la faut." J’ai donc accepté la deuxième invitation. J’ai étudié les accords de l’album Live Through This avec mon baladeur pendant le vol, et ma fin de semaine d’audition s’est transformée en contrat de cinq ans."

Au bout de l’aventure Hole, Melissa est en quête de liberté. Avec la vie mouvementée de Courtney, la formation n’a enregistré qu’un seul album en cinq ans, Celebrity Skin, et Melissa compose déjà les pièces de son premier solo. "La plupart des chansons de mon disque proviennent de cette époque. Real a Lie et Skin Receiver datent de Tinker, mais Beast of Honor a failli se retrouver sur Celebrity Skin. Billy participait à l’enregistrement. Il m’a poussée à présenter mes compositions au groupe, mais lorsqu’on a eu à se demander qui de Courtney ou de moi allait les chanter, on a tout abandonné."

En évoquant les récentes frasques de madame Love, Melissa mentionne simplement ne plus être en contact avec elle. "Peu importe ce que les gens pensent de ses actes, je serai toujours reconnaissante envers Courtney. Elle m’a donné la chance qui a transformé ma vie. Je tente aujourd’hui d’offrir à d’autres cette même chance. Anciennement de Tinker, Steve Durand et Jordan Zadorozny (Blinker the Star) ont participé à l’album, et mes musiciens de scène sont des gens qui n’ont jamais connu la vie de tournée mondiale."

Alignement d’étoiles
À peine venu le temps de l’indépendance, la semaine même où elle quittait Hole, Melissa allait devoir mettre son projet d’album solo sur la glace. Ironiquement, la bassiste D’Arcy désertait au même moment les Smashing Pumpkins, en 1999. "Billy m’a téléphoné, disant que les étoiles venaient de s’aligner et que je devais jouer avec lui. Je venais par contre de retrouver ma liberté et l’idée de me rengager ne m’enchantait guère. Il m’a alors annoncé qu’il s’agissait de la dernière tournée de la formation avant sa séparation. La petite fille de 19 ans qui avait vu le groupe aux Foufounes ne pouvait pas dire non. Cette année de musique était la leçon qu’il me manquait pour finalement accoucher de mon album."

Simplement baptisé Auf Der Maur, ce disque témoigne donc musicalement de cette longue aventure. L’univers post-grunge qui a façonné la bassiste y est d’ailleurs omniprésent. "Cet album célèbre 10 ans de galère dans ce monde infernal. J’ai voulu exprimer toutes les émotions vécues en compagnie de musiciens qui m’ont vue grandir. C’est la réalisation de mon fantasme du monde du rock idéal: une multitude d’artisans qui s’entraident uniquement pour alimenter un amour inconditionnel de la musique."

Reste à savoir si la rouquine s’imposera maintenant en solo comme elle l’a fait dans l’ombre de ses mentors. Chose certaine, on ne risque pas de la voir montrer ses seins chez Letterman.

Auf Der Maur
Melissa Auf Der Maur
(Capitol / EMI)