Festival International de Jazz de Montréal : Morceaux de choix
Musique

Festival International de Jazz de Montréal : Morceaux de choix

Montréal, Terre des hommes, le Stade olympique, le Tour de l’île… C’est bien beau tout ça. Essayez donc Montréal "Jazz" ou "Festival", vous aurez le synonyme qui rend notre ville de plus en plus populaire et un peu plus folle. Évidemment, c’est dehors que ça se passe, au milieu de la foule aux mille couleurs. Mais comment s’y retrouver en dedans? Près de 200 spectacles dans 11 lieux pendant 11 jours d’affilée, de 18 heures à 2 heures du matin. Besoin d’une boussole? Suivez les guides! Depuis 25 ans qu’on s’y exerce, on commence à connaître la formule…

Meshell Ndgeocello Spirit Music Sextet
Meshell

ma belle sont des mots qui ne vont pas bien ensemble. Et le premier soir du Festival, je serai dans la file devant le Spectrum, question d’ouvrir mes horizons avec un spectacle qui dépasse l’entendement. On peut s’attendre à tout de cette bête de scène. Une descente en règle dans l’enfer du funk avec, dans une marmite de sorcière, tous les dérivés urbains de la musique contemporaine afro-américaine. Considérant l’extase que procurent ses deux dernières livraisons, Cookie, The Anthropological Mixtape et Comfort Woman, on sait que la musique de la bassiste noire est un acte sexuel et politique.

Chick Corea
Voici un candidat parfait pour la série "Invitation" et un des plus prestigieux musiciens à s’être livrés pieds et mains à ce petit jeu un peu pervers inauguré il y a quelques années comme une exclusivité du FIJM. Les controverses autour de Corea ont beau partager les fans de jazz depuis trois décennies, Chick n’en reste pas moins un des créateurs les plus remuants et les plus polyvalents qui soient. Solo, duo, trio acoustique et quintette électrique: faites votre choix dans les quatre soirées table d’hôte avec un pianiste dont le moindre défaut est d’être toujours enjoué et communicatif. Ça promet.

Larry Corryel, John Abercombie et Badi Assad
L’une chante, les autres pas. La Brésilienne Badi Assad est une des artistes que j’avais envie de voir ici et je n’ai même pas encore écouté l’album Three Guitars dont on dit tant de bien et que ce drôle de trio a commis l’an passé. Probablement pas comparable au tiercé De Lucía, McLaughlin et Di Meola, cette réunion n’est sans doute pas une compétition de vitesse et permet d’écouter à la guitare acoustique deux vétérans américains qui ont fait leur marque à l’électricité. Réservé aux mordus des cordes pincées.

Keith Jarrett
Y a-t-il un meilleur trio de jazz sur terre? Pas sûr. Vieillis mais comme le bon vin, les trois compères tournent ensemble depuis plus de 20 ans et ça s’entend parfaitement sur Up For It, leur dernier compact, enregistré l’été passé pendant une éclaircie sur la Côte d’Azur. Jarrett est sûrement le pianiste le plus chiant mais aussi le plus talentueux de sa génération et André Ménard tient sa promesse de nous le ramener vivant. Dans le recueillement qui s’impose, ça va être la grand-messe à guichets fermés chez sir Wilfrid Pelletier.

Egberto Gismonti: Orchestral Project avec I Musici de Montréal
Pianiste fabuleux, guitariste renversant, ce Stravinski brésilien est encore plus qu’un ambidextre de génie. Sa vision orchestrale révélée dans le disque Meeting Point, avec un orchestre savant de Lituanie qui embarquait sur les chapeaux de roues dans son délire dodécaphonique, justifie parfaitement qu’André Ménard le considère comme un des cinq plus grands musiciens-compositeurs de notre temps. Mais le joli coup du programmateur en chef du FIJM, c’est d’avoir réuni Gismonti et le chef d’orchestre Yuli Turovsky. Et ça clique entre les deux! Attention, concert grandiose. Âmes insensibles, s’abstenir…

Benoît Charest
On ne connaît pas encore le line-up définitif de ce spectacle de style cabaret mais on nous promet pas mal de monde sur scène et du swing à revendre. De toute façon, on y va surtout pour l’ambiance et pour saluer un grand bonhomme qui a remporté les honneurs un peu partout en faisant son travail avec la bonne attitude et le plaisir qui l’accompagne. Solos de guitare, certes, mais aussi une voix à découvrir qui pourrait en surprendre plus d’un… Une soirée gagnante assurée par un capital de sympathie très élevé. Quand les musiciens font leur job et que le public participe, un bon récital peut devenir mémorable. (Ralph Boncy)

Tierney Sutton Quartet
Depuis 1999, et après cinq disques, la chanteuse Tierney Sutton s’est élevée au rang des plus grandes interprètes de sa génération. À Los Angeles, elle s’est alliée aux membres de la section rythmique de Jack Sheldon (Christian Jacob, Trey Henry, Ray Brinker) pour former un quartette dans lequel elle intervient comme musicienne à part entière. La critique a souligné à juste titre sa remarquable intonation, son sens du rythme et sa facilité à improviser. En 2001, elle rendait hommage à Bill Evans, Blue in Green, dans des interprétations divines du répertoire du pianiste. Cette année, le disque consacré à Sinatra tient la tête des palmarès. Grâce et perfection. À ne rater sous aucun prétexte!

Kurt Rosenwinkel Quintet
La nouvelle génération de musiciens new-yorkais débarque à Montréal. Habitué de l’étiquette indépendante Fresh Sound (terreau fertile de musiciens comme Chris Potter, Brad Mehldau, The Bad Plus, Jeff Ballard, Kurt Wollesen), le guitariste Kurt Rosenwinkel fait s’ouvrir bien grandes les oreilles des Metheny, Scofield, Frisell. Sur le disque qu’il vient de faire paraître sur Verve, Heartcore, le poly-instrumentiste (guitares, claviers, programmation, voix) propose une synthèse rafraîchissante de diverses influences. Il sera entouré de Brad Mehldau, Joshua Redmam, Larry Grenadier et Ali Jackson.

Michel Portal / Louis Sclavis / Henri Texier / Daniel Humair
Ce concert réunira quatre des plus grands créateurs de la musique improvisée européenne des 40 dernières années. Michel Portal et Louis Sclavis sont les deux grands souffleurs du jazz français, des multi-instrumentistes (saxophones, clarinettes) de premier plan. L’expérience récente de Portal avec des musiciens américains de free funk, Minneapolis We Insist!, et l’œuvre de Sclavis inspirée des dessins d’Ernest Pignon-Ernest, Napoli’s Walls, confirment l’ouverture d’esprit et la créativité de ces deux musiciens. Le parcours d’Henri Texier (contrebasse) et de Daniel Humair (batterie) est tout aussi remarquable et, une fois de plus, ils uniront leurs voix à celles de Portal et de Sclavis.

The Bad Plus
The Bad Plus a secoué plus d’une certitude sur la planète jazz en 2003. Trio de jazz acoustique avec l’énergie du rock. Mélange de classique, de jazz (de Monk à l’avant-garde), de rock (du new wave au grunge). Pour saisir le sérieux de la démarche du groupe, il faut écouter des albums sur l’étiquette Fresh Sound comme celui d’Ethan Iverson: Deconstructing Zone (Standards). Et c’est ainsi que passent aussi à la moulinette les chansons de Black Sabbath, The Police, The Pixies et Nirvana. L’interaction entre les membres fait du groupe un trio digne de ce nom.

Aldo Romano / Danilo Rea / Rémi Vignolo
Depuis 40 ans, le batteur Aldo Romano a participé à moult expériences: éclatement free (avec Sclavis/Texier), fusion rock (avec Porkpie et Charlie Mariano), rencontres italiennes (avec Enrico Rava ou Paolo Fresu). Les projets des dernières années (collaborations avec Sclavis/Texier pour Carnet de routes et avec l’ensemble Palatino) illustrent son dynamisme. Récemment, il a réuni le pianiste Danilo Rea (qui a offert l’un des moments marquants du FIJM 2003 en piano solo) et le contrebassiste Rémi Vignolo (connu pour son travail avec André Ceccarelli) pour présenter sur Verve une œuvre tout en douceur, entre lyrisme et formalisme: Threesome.

Yves Dormoy / Rodolphe Burger / Antoine Berjeaut
En 1980, Rodolphe Burger fonde à Strasbourg Dernière Bande, nom original de Kat Onoma, groupe phare, véritable jalon entre The Velvet Underground et Alain Bashung. Le groupe fera paraître sept disques entre 1987 et 2001. Le projet Planétarium réunit l’ex-leader de Ko (voix, guitares, échantillonnages) et un vieux pote des années de formation, Yves Dormoy (saxophones, clarinettes, ordinateur). Avec Antoine Berjeaut (trompette, électronique), ils offrent un mélange audacieux "souffles-cordes-machines" qui permet de donner à la parole poétique un cadre des plus originaux. (Denys Lelièvre)

www.montrealjazzfest.com