Angélique Kidjo : Angélique, marquise des blacks
Musique

Angélique Kidjo : Angélique, marquise des blacks

La Kidjo pète le feu. Mais ça, c’est son état normal. Quand je la joins par téléphone dans sa chambre d’hôtel à Seattle pour parler de sa tournée et de son formidable nouvel album Oyaya! (une exclamation en yoruba qui exprime la joie), la chanteuse béninoise démarre au quart de tour: "C’est une démarche que j’ai commencée dans mon enfance. Quand j’avais neuf ans, j’ai été fortement impressionnée par la pochette d’un disque de Jimi Hendrix. Ma mère m’a dit qu’il était un descendant d’esclaves. En Afrique, les jeunes ne savent rien de l’esclavage et n’en apprennent rien à l’école. C’est une volonté post-colonialiste. Après, j’ai décidé d’être avocate des droits de l’homme ou de faire de ma musique un forum de communication entre les hommes. En 97, j’ai amorcé cette trilogie en suivant la route des esclaves. D’abord Oremi aux États-Unis; après je suis allée à Salvador de Bahia au Brésil pour l’album Black Ivory Soul et là j’ai fait la Caraïbe avec ce nouveau disque."

D’abord reconstituer un cheminement musical avec passion. Et puis on s’aperçoit d’un extraordinaire mouvement de flux et de reflux. Parce que la musique afro-cubaine, si justement nommée, est retournée tout bonnement à la mère patrie sur un petit bateau. Un ressourcement inouï s’est entamé alors spontanément. Peu de fans de Youssou N’Dour et Salif Keita savent que ces chanteurs du Sénégal et du Mali ont enregistré leurs premiers chansons sur disque… en espagnol. La rumba zaïroise est un autre exemple patent. Et chaque seconde de cet Oyaya! bien chaloupé regorge d’épices et de piments tropicaux qui ont poussé des deux côtés de l’Atlantique.

"J’ai appris beaucoup de choses sur la musique traditionnelle de mon pays, poursuit Kidjo. La musique moderne africaine s’est inspirée du retour des fils d’esclaves vers l’Afrique. Ils ont influencé les musiques traditionnelles de leurs peuples. Les captifs de la traite des Noirs ont été asservis physiquement, mais spirituellement, ils ont réussi, malgré les interdits – car on leur a dénié tout droit de culture et de religion – , à imposer leur musique au reste du monde. Il faut donc rappeler aux gens que l’héritage musical qu’ils ont aujourd’hui (la pop music, le R&B, le blues et le jazz), c’est l’héritage de l’esclavage."

Difficile de déceler, de prime abord, des intentions aussi profondes dans le nouveau répertoire de feel good music à-la-Kidjo où elle renouvelle aussi le calypso et le zouk.

La preuve qu’une chanson festive peut être lourde de sens lorsque remise dans un contexte historique…

Avec une formation du tonnerre propulsée par le bassiste guyanais Thierry Fanfant et le claviériste antillais Thierry Vatton, qui l’avaient déjà accompagnée au Spectrum il y a quelques années, Kidjo revient en force et le concert va finir avec le public sur la scène. Ça, elle ne me l’a pas dit… Mais je sais comment ça marche avec l’indomptable Angélique.

Le jeudi 17 juin à 20 h
Au Cabaret du Plateau