IAM : Independenza
Musique

IAM : Independenza

Alliant le souci de l’instrumentation "qui tue" et une poésie réaliste qui dépeint dans la clameur le quotidien des gens ordinaires, les membres du collectif marseillais IAM ont offert au rap français ses lettres de noblesse. Mais voilà qu’après le succès de L’École du micro d’argent, leur plus récent essai – Revoir un printemps – connaît un accueil plus timide.  Diagnostic.

"Pour que cette victoire soit une partie infime de la victoire éternelle de la musique sur les défaites de l’humanité", lançait le rappeur Akhenaton au public venu voir IAM remporter le prix Victoire du groupe de l’année en 1995.

C’était l’année du carton avec Je danse le Mia: un rap parodique, délicieusement barjo, mais en rupture avec le matériel autrement plus poétique et engagé de IAM. Un unique coup d’éclat populaire qui aurait pu confiner la bande au statut de one-hit wonder, faisant de ses futurs albums autant de secrets d’initiés.

Sans toutefois pénétrer le public avec la même profondeur, le collectif marseillais allait pourtant s’imposer définitivement comme groupe-phare du rap hexagonal avec L’École du micro d’argent, paru deux ans plus tard. Un album dont l’influence en France sera analogue à celle de Enter the Wu-Tang (36 Chambers) du Wu-Tang Clan aux États-Unis. Disque truffé de références à l’univers adolescent des films de samouraïs ou de la série Star Wars, album aussi socialement engagé que divertissant, admirablement produit, L’École… est époustouflant de justesse, au point où tous les amateurs du genre en ont le souffle coupé.

Mais les hiatus se dilatant entre chaque album avec la multiplication des projets solos, il faudra attendre jusqu’à l’an dernier pour qu’arrive chez nous son successeur, Revoir un printemps. Un mal pour un bien, explique Imothep, l’un des architectes du son de IAM, exposant les vertus de ce nouvel album moins frondeur, aux textes en demi-teintes et aux instrumentations plus sobres: "C’est la rencontre préalable entre Akhenaton et Bruno Coulais (collaborateurs pour la B.O. du long métrage Comme un aimant) qui a permis cet enrichissement avec des orchestres, cet apport de la musique classique, invoque-t-il. C’est un bon exemple de la manière dont les expériences solos permettent d’enrichir le travail du groupe."

Album de la maturité? Revoir un printemps est surtout celui des grandes rencontres américaines. D’abord avec la sulfureuse Beyonce Knowles pour le titre Bienvenue, puis avec Method Man et Redman, qui prêtent leurs flows typés à l’épique Noble Art.

"Nous avions fait une liste d’artistes avec lesquels nous souhaitions travailler, se remémore Imothep. Redman et Methodman y figuraient, et après un certain temps, c’est avec ces deux-là que s’est concrétisée une collaboration. IAM est donc parti à New York enregistrer avec eux. Une rencontre chaleureuse, une vraie rencontre humaine et artistique, se rappelle-t-il. Vous pouvez d’ailleurs le constater sur le DVD (intitulé Au cœur d’IAM); il y avait toute une ambiance en studio."

Cependant, et malgré ces alléchantes propositions, Revoir un printemps ne rencontrera pas les attentes qu’auraient pu promettre ses prédécesseurs au chapitre des chiffres. Des ventes timides qu’Imothep refuse cependant d’attribuer à cette mort du rap français qu’annoncent les médias depuis quelques années: "L’industrie du disque est durement touchée et ça concerne aussi les rappeurs. C’est certain que dans le rap, on est plus affectés que d’autres parce qu’on s’adresse à un public qui a un faible pouvoir d’achat, mais au contraire de ce que certains avancent, il y a de plus en plus d’artistes de rap. Ce sont les maisons de disques qui en signent de moins en moins. Le salut, en ce qui concerne les jeunes artistes, est donc dans la production et la diffusion indépendantes. (…) Heureusement pour IAM, nous disposons d’assez d’indépendance financière pour nous jouer des exigences du marché."

Le 19 juin à 20 h
À l’Agora
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