Dhafer Youssef : Pas d’affaire, Youssef!
C’est Jean-Pierre Leduc chez Justin Time qui m’a parlé de Dhafer Youssef. Je n’avais jamais entendu Electric Sufi, le premier album de cet étrange artiste tunisien émigré en Autriche. Mais son petit deuxième, Digital Prophecy, sorti quelque part en 2003 sur l’étiquette scandinave Enja, m’a complètement renversé, hypnotisé, laissé baba. Je l’ai écouté à la maison, c’est sûr. Mais en pleine ville, c’est le genre de truc qui vous téléporte en plein désert avec des dromadaires.
Une voix transperce l’espace, un oud raconte note après note des histoires des mille et une nuits dans le calme avant la tempête… de sable. Jamais auparavant je n’avais entendu une musique millénaire restituée ainsi dans toute sa beauté et juxtaposée, la minute d’après, à des boucles électroniques, des guitares midi, sans que cela ne dérange le moins du monde, sans que la vérité ne soit altérée. Tout simplement fascinant!
Youssef est un type drôlement intéressant. Arabe et fier de l’être, athée mais complètement mystique. Quelqu’un qui sait raconter: "Je ne chante pas de texte, j’improvise. Je sais que ça sonne un peu arrogant, mais j’aime dire que pour un chanteur, je joue bien du oud et que pour un joueur de oud, je chante bien." S’il se contentait de faire parler son instrument avec autant de profondeur que d’économie de notes mais, chaque fois qu’il ouvre la bouche, l’homme projette un chant puissant, d’une pureté troublante. "J’étais très jeune quand j’ai vu les chanteurs soufis près de l’école coranique. Mais j’aime la vie et le bon vin; pour moi, le paradis, c’est ici. Le chemin est très long et doux et fatigant, glissant, mais il y a de belles choses. Si je m’arrête, I’m dead. Mon école, c’est d’être sur scène, de jouer, d’apprendre. Un musicien, c’est aussi la route. On attend tout le temps. On fait toutes ces distances pour jouer seulement 90 minutes, être vraiment nu sur scène. Être sincère. Ça peut fonctionner parfois…"
Dhafer veut voyager sans cesse. Mais il n’oublie jamais qu’il est africain et tiers-mondiste, qu’il a une gueule de terroriste. À quoi faut-il s’attendre en venant le voir sur scène avec le superbe trompettiste italien Paolo Fresu et l’énigmatique guitariste norvégien Eivind Aarset?
"Soyez le quatrième musicien! Le trio se balade entre la mystique, le jazz et le rock. Fresu est tellement humain avant d’être instrumentiste et Aarset est un ange avec un côté diabolique. Les autres guitaristes l’appellent le magicien."
Dans la série "Jazz dans la nuit" au Gesù cette année, ce concert est celui qu’il ne faut pas rater. Ça risque d’être beau comme la mille et unième nuit…
Le 2 juillet
Au Gesù