Gismonti et I Musici : Vérité tropicale
Musique

Gismonti et I Musici : Vérité tropicale

Pour son dernier spectacle en piano solo, au Monument-National en juillet 2003, Egberto Gismonti n’a pas dit un traître mot. Sa performance magistrale n’en a pas moins ébloui la salle comble… et comblée. Mais cette année, au Théâtre Maisonneuve, tout sera différent.

"Oui, je vais dire: ", blague Gismonti, taquin, qui s’exprime parfaitement en français. Puis il m’explique au téléphone que ce fameux soir-là, André Ménard avait surgi dans les coulisses juste avant son récital, d’abord pour le présenter de manière solennelle, mais pour discuter de la possibilité de faire avec lui quelque chose de très spécial dans l’édition 2004. "Oui, je vais sûrement expliquer le contexte et récapituler, dit le virtuose. C’est la neuvième fois en 25 ans que je viens au FIJM, c’est beaucoup! Mais c’est la première fois avec un orchestre classique."

Il y a un tel engouement, une telle passion dans cet homme quand il parle, on l’imagine tout de suite le doigt levé ou avec la baguette, dirigeant fiévreusement l’orchestre. Complètement emporté par la musique…

Première bonne nouvelle: l’ambidextre magnifique alternera entre piano et guitare au Théâtre Maisonneuve. De plus, il sera accompagné par un orchestre, comme on ne l’a jamais vu à Montréal. I Musici, la formation de musique de chambre dirigée par Yuli Turovsky, est complètement modifié pour l’occasion. "On y a greffé un quintette classique de cuivres avec hautbois, clarinette, flûte et cor français. Ils ont eu la liberté de préparer ce qui leur paraissait le mieux adapté dans mon répertoire. On se parle régulièrement mais j’arrive trois jours avant pour les répétitions."

Certains connaissent déjà l’intensité foudroyante qui traverse l’œuvre gismontienne à travers le disque Academia de Danças ou les enregistrements qu’il a faits pour ECM avec le groupe du même nom. Moins connu: son album Meeting Point, enregistré en 98 avec un orchestre symphonique de Lituanie, montre toute la dimension orchestrale de son œuvre. Mais Gismonti est un personnage fascinant et sa musique est superbement complexe. Au-delà du jazz ou des musiques du monde, ce concert lui donne la chance de présenter pour la première fois toute sa palette de couleurs. Un vrai concert de musique contemporaine, peut-être plus audacieux encore qu’un récital de Villa-Lobos, comparable sous certains aspects à la prestation du septuor de Richard Galliano Piazzolla Forever en 2001, mais plus spectaculaire encore. Celui qu’on a parfois comparé à un Igor Stravinski brésilien pour ses jaillissements lumineux ne renie d’ailleurs absolument pas son admiration pour le compositeur européen: "Il y a de grandes chances que je parle de Stravinski ce soir-là. Parce qu’il était un grand musicien mais aussi parce que, en tant qu’homme, il a pris une décision qui est très semblable à celle que nous avons adoptée au Brésil: être proche du folklore. C’est une révérence, c’est comme une espèce de sacerdoce. On peut s’incliner devant les connaissances musicales du compositeur mais je crois que toute la puissance de sa musique vient surtout de cette détermination-là."

Il faut dire que Gismonti a poussé sa quête jusqu’à s’en aller vivre un temps chez les Indiens de l’Amazonie. Il en a rapporté des images qui sont toujours présentes dans les œuvres qu’il interprétera ce soir-là. Dança Dos Escravos, Lundu et Mininas seront au programme des pièces guitare et orchestre tandis que c’est au piano qu’il jouera, entre autres, les morceaux tirés de Fantasia, un disque écrit pour ses enfants, en pleine béatitude, il y a 20 ans déjà. Toujours dans sa vérité.

Le 5 juillet
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts

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