John Cale : L'homme-orchestre
Musique

John Cale : L’homme-orchestre

L’an dernier, à 61 ans, l’icône rock John Cale signait à nouveau avec une multinationale (EMI) pour la parution de HoboSapiens, immédiatement porté aux nues par la critique. On a suggéré qu’il s’agissait d’une œuvre de la trempe de sa brillante trilogie des années 70 sur Island (Fear, Slow Dazzle et Helen of Troy), et le magazine britannique Uncut lui décerna même le titre de 3e meilleur album de l’année. HoboSapiens n’est pas encore sorti de ce côté-ci de l’Atlantique, mais l’artiste qui se réinvente constamment depuis plus de 40 ans s’avoue beaucoup plus zen qu’auparavant…

"Moi, ça ne me pose pas de problèmes qu’une multinationale ne fasse pas paraître mon album partout en même temps puisque, de toute façon, je ne peux pas le promouvoir aux quatre coins de la planète simultanément", lance John Cale avec détachement. Depuis sa période tant documentée avec le Velvet Underground, formation mythique qu’il a fondée en 1964 avec Lou Reed, Cale accumule les albums solo (16 au total), des réalisations marquantes (le premier album éponyme des Stooges, Horses, le grand classique de Patti Smith, Squirrel and G-Man pour The Happy Mondays), et a évidemment développé une expérience de studio considérable. "Réaliser les chansons des autres te donne une bien meilleure vue d’ensemble de tout le processus; beaucoup de gens se font proposer des titres, choisissent ceux qui leur semblent les plus commerciaux, les amènent en studio et font ainsi leur album. Ce que je préfère maintenant, c’est utiliser le studio un peu comme une cuisine. D’ailleurs, sur Hobo, il n’y a que deux chansons qui n’aient pas été faites en studio: Things que j’avais écrite pendant un test de son et Set Me Free, dans une chambre d’hôtel. Les autres sont toutes des phénomènes de studio, explique Cale. Ce qui m’énerve le plus, par contre, c’est d’attendre après quelque chose. J’ai développé une routine avec mon ingénieur, car je n’aime pas être en studio plus de quatre heures à la fois. Je commence avec un groove, une idée, et l’amène aussi loin que possible. Ensuite, je le laisse continuer seul et je vais au gym. Entre le temps où j’ai fini d’enregistrer l’album et le moment où j’étais prêt à le mixer, se sont écoulés environ deux ans où j’ai mûri et appris plein de nouvelles choses, alors j’ai réécouté des chansons comme Things et je me suis dit: tiens, ce n’est que du college rock! C’est bien, mais peut-être devrais-je concentrer toute cette énergie dans un son plus homogène par rapport au reste de l’album. C’est alors que Nick est arrivé dans le paysage (son coréalisateur Nick Frangler, de Lemon Jelly) et j’ai décidé que je n’aimais plus les séquences sur lesquelles les chansons étaient construites. Or, Nick possède une immense collection de séquences, dont plusieurs du batteur Bernard Purdie, dont nous nous sommes servis pour remonter la plupart des pistes, et là, la musique prenait enfin tout son sens! Je pense qu’il est important d’utiliser de nouvelles personnes, qui apportent une nouvelle sensibilité aux projets", dit-il, lui qui semble rechercher le confort et la stabilité dans le changement perpétuel…

D’ailleurs, l’expérience de réunir le Velvet Underground pour une tournée européenne de six semaines en 1993 démontre bien son attrait pour le risque, considérant le sentiment d’amour et de haine qu’il partage avec Lou Reed depuis leurs débuts. "Cette période est pour moi, comment dire… remplie d’expériences malheureuses. Nous avons été accueillis à bras ouverts, alors ce que nous aurions dû faire, c’est composer du nouveau matériel et refuser de jouer les vieux hits!"

John Cale a fait paraître sa biographie, What’s Welsh For Zen?, en 2000, avec l’envie de développer la formule multimédia; ainsi, l’artiste se raconte lui-même et utilise la bande dessinée pour illustrer les grands moments de sa carrière: "Je ne voulais pas me contenter de raconter que j’ai fait ceci et cela… Je l’ai fait en collaboration avec Victor (Victor Bokris, biographe du Velvet, de Lou Reed, d’Andy Warhol, des Rolling Stones et de Blondie, entre autres), qui, lui, se rappelait où les bouteilles sont enterrées! Il est excellent avec les dates et moi, pas tellement…"

À Montréal, on le retrouvera accompagné d’un trio. "Peu importe la chanson qu’on joue, tu peux vraiment en apprécier les détails et je pense que les gens aiment entendre des œuvres jouées hors de leur habitat naturel. On commence une tournée courte mais intensive qui se termine à Montréal: ça débute à Amsterdam, puis ça se poursuit au Portugal, à Zagreb, en Allemagne, en Espagne et finalement on se retrouve chez vous, très bientôt!"

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